McKiernan étudie un dialogue avec les talibans modérés

McKiernan étudie un dialogue avec les talibans modérés
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La réussite de l’opération de l’OTAN en Afghanistan pourrait-elle dépendre d’un dialogue avec les talibans ? Assis dans son bureau à Kaboul, où trône un tableau représentant un fier cavalier afghan enturbanné, le chef de la plus grande force expéditionnaire jamais déployée par l’Alliance atlantique (70 000 hommes dont 38 000 Américains), le général américain David McKiernan, considère que des « discussions » aideraient, mais sous conditions.

A la fois commandant du contingent de l’OTAN – la FIAS – et commandant des troupes américaines en Afghanistan, David McKiernan est arrivé dans ces contrées au printemps 2008, en provenance d’Irak. L’Irak, où le désengagement partiel des Américains a été rendu possible par le ralliement de groupes sunnites voulant couper les ponts avec Al-Qaida.



Peut-on procéder de la même manière en Afghanistan ? Faut-il parler à des talibans dits « modérés » ? Barack Obama vient de déclarer que cela pourrait avoir du sens, même si la tâche est « plus complexe » qu’en Irak. Son vice-président, Joe Biden, en visite à Bruxelles auprès des alliés, a estimé que cela valait « le coup d’être tenté ».

La seule évocation au plus haut niveau, côté américain, d’un éventuel dialogue avec des groupes de l’insurrection pachtoune du Sud, marque un tournant dans l’intervention armée en Afghanistan, lancée voici plus de huit ans et marquée par des signes d’enlisement.

Derrière les impressionnantes fortifications de son quartier général au coeur de la capitale afghane – où le risque d’attentats est tel qu’aucun soldat occidental ne s’aventure à pied dans la rue – David McKiernan commente ainsi la perspective de parler à l’ennemi : « S’il s’agit de ceux qui sont prêts à déposer leurs armes et à soutenir la Constitution de l’Afghanistan, je soutiendrai toute initiative politique consistant à parler à ces gens. Mais je n’aime pas utiliser l’expression « réconciliation avec les talibans » parce qu’il y a des groupes très différents, et certains sont irréconciliables. »

Selon le New York Times, le gouvernement du président afghan, Hamid Karzaï, a récemment intensifié des contacts pris depuis 2008 avec des éléments talibans. Des discussions secrètes entre officiels afghans et l’entourage du mollah Omar, ainsi qu’avec la mouvance du chef de guerre Gulbuddin Hekmatyar, allié aux talibans, auraient progressé. Parmi leurs demandes préliminaires, les insurgés réclament des libérations de prisonniers, notamment de la base de Bagram.

Il y a « des zones où nous ne sommes pas en train de gagner » la guerre, commente le général McKiernan, en parlant du Sud. Mais l’année 2009 « présente des opportunités », s’empresse-t-il d’ajouter. L’arrivée de 17 000 soldats américains en renfort, annoncée en février, contribuera à « dégager et à tenir » des poches de résistance. Le général se dit « prudemment optimiste » sur les efforts du Pakistan face aux sanctuaires des talibans sur son territoire.

Les signes de dégradation ne manquent cependant pas. En janvier et février, 32 soldats de l’OTAN (dont 29 Américains) ont été tués en Afghanistan dans des explosions de bombes au passage de convois et de patrouilles. C’est trois fois plus que durant la même période en 2008.

En Afghanistan, explique David McKiernan, il s’agit de parvenir, grâce à une addition de « ressources civiles, de moyens financiers et d’initiatives diplomatiques (à un) point de basculement » où l’armée et la police afghanes seront en mesure d’endosser un rôle suffisant pour que le contingent de l’OTAN puisse être réduit. « Mais il reste, disons, un certain laps de temps avant cela », glisse-t-il.

Il n’est plus trop question, en tout cas, de transformer de fond en comble le pays, de faire du « nation building » à tout-va. Les ambitions sont revues à la baisse. « Washington, convient le général, revoit certains objectifs politiques, mais, au bout du compte, l’objectif est d’empêcher les talibans ou tout autre groupe insurgé de s’emparer du pouvoir, car cela permettrait au terrorisme international de rester en Afghanistan. Ce but-là ne changera pas. »