Une vingtaine de clichés nuançant le port du voile chez la femme Algérienne sont actuellement exposées à la galerie Myriam Bouagal à Paris.
Derrière l’objectif, l’artiste photographe franco-algérienne Maya-Ines Touam, dévoile des univers surprenants de ces femmes dites voilées.
Ces photographies réalisées en 2014 à Alger, s’inscrivent dans le cadre de son projet intitulé « Révéler l’étoffe ».
À travers la réalisation de cette série de photos, Maya, montre la diversité dans le port du hijab chez les femmes musulmanes, et retrace, par la même, l’évolution du port du voile.
Agée de 27 ans, Maya est diplômée des beaux-arts de Paris depuis 2013. Son travail photographique est principalement orienté vers la femme musulmane dans les pays Afrique du Nord et Moyen Orient. « J’étudie la femme musulmane dans sa culture, sa liberté d’expression…etc. je fais de la femme musulmane un questionnement quotidien et les réponses que j’obtiens donnent naissance, la plupart du temps, à une œuvre artistique », explique Maya.
Les portraits de ces femmes dépassent le simple foulard qu’elles arborent. Les expressions de leurs visages captives l’attention. Certaines affichent un grand sourire d’autre une mine triste, et certaines se défilent de l’objectif.
Le voile se décline aussi sous différentes formes, Hayek, Niquab, jilbab…etc.
« À travers révéler l’étoffe Je suis allée au-delà de la simple photographie en invitant ces femmes à me raconter l’histoire liée à son port. Et au final je me rends compte que ces témoignages déconstruisent les stéréotypes qui planent sur le voile dans la société actuellement », souligne Maya.
Elle ne s’en cache pas tout ce débat qui se tient en France sur le port du voile ne l’intéresse pas. « On essaie de scléroser un problème « , affirme-t-elle. Un débat qu’elle considère sans fondement et qui n’est nullement en relation avec ses travaux artistiques. « Je n’essaie pas de réhabiliter l’image du port du Hijab, mon travail est de découvrir tous ces codes qui se rapportent au port du voile », confie-t-elle.
Révéler l’étoffe c’est aussi…révéler Maya !
L’aventure algéroise de Maya commence par l’obtention d’une bourse accordée par l’institut culturel français. Elle part en octobre 2014, vers la capitale, une ville qu’elle ne connaît pas et qui va fortement la séduire. « Le challenge était de taille, il fallait que je monte un studio photos, je trouve une assistante pour m’aider à communiquer en arabe, que je trouve une trentaine de femmes aux multiples profils et que je parvienne à les convaincre de poser pour moi, le tout en quelques semaines », raconte Maya.
Installée à El-Biar dans l’appartement de sa tante, elle transforme cet espace en studio. Maya commence à chercher des femmes voilées de différents profils, car elle estime qu’il n’y a pas une seule manière monolithique de porter le voile ou de le penser.
Quelques rencontres et surtout les réseaux sociaux la conduisent à celles qui vont devenir ses modèles. Une série de photos qui feront de « Révéler l’étoffe » une expo itinérante. « Après Alger, et paris et Marseille je vais bientôt exposer à New York. Cette série de photos est artistique, anthropologique, elle est actuelle, donc mon objectif est de lui assurer une visibilité maximale », indique Maya.
D’une autre part, elle apprend par le biais de ces témoignages l’histoire de son pays. Certaines de ces femmes ont témoigné de la décennie noire qui les a contraints à porter le voile. D’autres nostalgiques d’une époque révolue ou les femmes portaient El-Hayek, ont décidé de faire de même…etc.
Le lien entre Maya et l’Algérie est établi depuis octobre 2014. Elle y revient tous les trois mois en Algérie.
La photo comme passion et les femmes comme sujet
Le Goût de l’image chez Maya s’est nourri de ses nombreux voyages. Elle trouve en la photographie un moyen d’immortaliser les paysages, les scènes de vie, les coutumes et codes de ces pays qu’elle a visités.
Le sujet des femmes s’est profilé à Maya progressivement. Son déclic c’est sa grand-mère malade, sur le point de mourir. Maya se souvient qu’il y a quelques années en s’occupant de sa grand-mère qui venait d’avoir une attaque elle décide d’engranger le maximum de photos d’elle.
« Les séquelles de cette attaque lui ont fait perdre l’usage de la parole. En commençant à la prendre en photo je parvenais au même temps à captiver son attention et au fil des jours, ma grand-mère appréciait ces séances photos et a commencé à poser pour moi, dés qu’elle entendait le clic de l’appareil elle se redressait et s’amusait à prendre des poses différente. « , ajoute Maya.
Les clichés réalisés auprès de sa grand-mère constituèrent sa première exposition aux beaux arts de Paris intitulé « intuition ». Ils lui ont aussi inspiré son sujet de mémoire de fin d’étude qui s’intitule « la représentation de la femme dans l’art arabo- musulman ».
« La valeur narrative des portraits de ma grand mère n’était pas seulement artistique mais aussi une recherche de langage gestuel que ma grand-mère et moi avons réussi à recréer. C’est ainsi que j’ai commencé à m’intéresser de manière approfondie à l’histoire de cette femme qui est ma grand-mère » précise-t-elle.
L’intérêt pour la femme musulmane dans sa dimension culturelle et religieuse se révèle chez Maya après un séjour au Liban. Dans le cadre d’un échange universitaire, elle s’installe à Beyrouth ou elle séjournera 8 mois.
Au cours de ce voyage, maya ne se cantonne pas à Beyrouth, elle profite de ce séjour pour visiter le pays. Ses pérégrinations la mènent à El Bekaa une région périphérique du Liban, frontalière avec la Syrie ou elle rencontre une famille musulmane libanaise typique. »
« Chaque cliché pris au sein de cette famille est caractérisé par un riche contexte culturel et religieux. En prenant en photo les femmes de cette famille et en observant leur mode de vie, très classique pour moi, je suis de plus en plus confortée dans mon choix de faire de la femme musulmane le sujet principal de mes recherches », souligne-t-elle.
« Révéler l’étoffe » continue de conquérir d’autre pays, après New York cette série de photos sera exposée à los Agnels en novembre lors d’un colloque international sur l’islam.
Maya prévoit d’autres éditions pour Révéler l’étoffe, une deuxième édition a été réalisée à Oran en 2016. La troisième sera à Constantine, la quatrième à Annaba et la cinquième à Tamanrasset conclue Maya.