Chaque année, durant les jours qui précèdent la fête du Mawlid Ennabaoui, les Oranais, jeunes et moins jeunes, ont pris cette habitude de s’adonner à cœur joie, en se lançant dans la bataille des pétards et autres feux d’artifice, pour marquer cette date commémorative de la naissance du Prophète Mohamed (QSSSL), et ce, même si cette attitude n’a rien à voir avec la perception religieuse ou traditionnelle des Algériens.
Cependant, il faut reconnaître que cette fois-ci, cette tendance à se ruer vers les produits pyrotechniques, une fois introduits sur le marché national, n’a pas eu l’effet escompté, relevé durant les années précédentes.
En effet, ni les gros négociants qui avaient pignon sur rue, ni les petits revendeurs que l’on avait l’habitude de rencontrer à travers l’ensemble des quartiers de la ville, n’ont été cette fois-ci, aussi nombreux qu’on ne l’espérait.
Ce constat pour le moins assez singulier, on peut le vérifier rapidement en effectuant une petite virée auprès des marchés, habituellement réputés, pour le négoce de ce genre de produits, à l’exemple de celui de M’dina J’dida.
La première chose qui vous frappe aussitôt au premier regard, c’est le peu d’affluence de clients relevé, par rapport à l’année dernière, du côté des fournisseurs dont la marchandise disponible, est nettement moins importante que lors du précédent Mawlid Ennabaoui.
Cette pénurie remarquée en produits pyrotechniques, peu disponibles sur le marché local, a indubitablement entraîné une hausse des prix qui a fait fuir les acheteurs, qui ont préféré réduire leurs commandes pour éviter de perdre beaucoup d’argent en cas de mauvaise vente.
Concernant les raisons de ces insuffisances et la hausse des prix, un revendeur au niveau du quartier d’Eckmühl, nous dira : «Cette année, si les produits sont chers, c’est parce qu’ils sont assez rares sur le marché national.
Les grandes quantités qui ont été saisies dernièrement, un peu partout, sur le territoire national par les services de sécurité, ajouté aux innombrables contrôles routiers, notamment par le Darak El-Watani et les services des Douanes, n’ont pas permis aux habituels fournisseurs de se déployer aussi facilement qu’avant.
En ce qui me concerne, les produits que je suis en train d’écouler, sont ceux qui me restaient de l’année écoulée. Je n’ai ramené qu’un petit lot et je peux vous affirmer que cela n’a pas été facile de trouver la marchandise disponible, qui il faut le dire, est bien chère cette année».
Quant au peu d’engouement remarqué de la part des citoyens, pour l’achat de pétards, fusées etc. Il ne pourra nous donner une explication appropriée, se contentant d’affirmer que les gens étaient concentrés davantage sur d’autres problèmes du quotidien, comme la cherté de la vie.
Mais pour C.Abdelhadi, 72 ans, enseignant en retraite, les raisons sont multiples et d’ordre événementiels. Il nous dira à ce propos: «On assiste d’année en année à un phénomène qui fait que, de même que les traditions, les modes s’estompent et l’exemple des pétards et autres produits pyrotechniques bruyants, de plus en plus évités par les gens, en est la parfaite illustration.
De plus, avec tous ces prix qui ont grimpé cette année de manière irréversible, touchant pratiquement l’ensemble des produits de large consommation, il y a comme une prise de conscience au niveau de la population, dont une grande partie désormais, préfère se passer de dépenses superflues.
Un bon poulet rôti associé à un plat du traditionnel roukak, un peu de henné étalé sur les mains, quelques bougies allumées en l’occasion, la famille se réunit autour de la meïda, suffit à faire de cette journée une cérémonie sobre mais très significative et surtout moins dépensière, en l’absence de la folie des pétards».
La plupart des parents que nous avons rencontrés, accompagnés de leurs enfants, ils n’étaient pas nombreux, nous ont dit qu’ils n’achetaient plus les mêmes quantités que lors des années précédentes, réduisant même les emplettes à quelques petits pétards et bougies, et seulement pour les jeunes de la famille, souvent pour leur baptême de feu.
«Non seulement c’est plus cher cette année, mais franchement nous n’avons plus le cœur à faire la fête avec toutes ces hausses des prix, cette mal vie vécue au quotidien, dans les transports, les mairies, les bureaux de poste, les factures salées d’eau, électricité, téléphone etc.
Il n’y a vraiment pas de quoi faire la fête, alors les pétards, il y a longtemps que mes enfants ont compris que c’était vraiment comme jeter de l’argent par les fenêtres», nous lancera ce quinquagénaire, fonctionnaire dans une banque publique.
Au quartier St-Eugène, sur l’avenue principale, un adolescent de 13 ans, tentait vainement de vendre quelques pétards, affublés cette année de noms de stars de l’équipe nationale de football, à l’image de pétards «Ziani» et «Antar Yahia». Interrogé à ce sujet, il répondra : «C’est mon frère aîné qui m’a ramené ces accessoires, pétards, fusées, feux d’artifice, bougies, pour me permettre de gagner un peu d’argent qui me permettra de m’acheter des fringues.
Mais j’avoue que depuis trois jours que je suis là, il n’y a pas foule. On m’achète surtout les petits paquets de feux d’artifice ou des bougies. Parfois on achète des pétards, mais seulement les petits à 3 ou 5 DA. Je ne crois pas que je vais écouler toute ma marchandise. Mes meilleures ventes je les ai faites lors des matches de l’équipe nationale.
A chaque sortie des fans pour fêter la victoire, c’était la ruée sur les pétards et fusées en tous genres, même les plus chers. Je n’ai pas compris ce qui se passe et j’attends avec impatience les prochaines rencontres des Verts».
Comme le disait plus haut, C.Abdelhadi, s’il faut dépenser de l’argent, mieux vaut le faire pour un bon repas que l’on pourra prendre, devant la télé, en famille, que pour une bagatelle de produits pyrotechniques, qui à la fin nous feront l’effet d’un pétard mouillé.
B.B.Ahmed