Maurice Audin présente la singularité d’être le seul Européen mort sous la torture de l’armée française pendant la guerre d’Indépendance. Mais près de 60 ans après sa disparition tragique en 1957, le mystère demeure.
La vérité jaillira-t-elle finalement des documents que le ministre français de la Défense a remis vendredi à sa veuve ? On attend le verdict des historiens auxquels les archives seront remises. Maurice Audin, militant communiste et féru de mathématiques, avait 25 ans lorsqu’il fut arrêté pour crime de soutien au FLN, torturé et assassiné.
Le 25 décembre dernier, le président français, François Hollande, a inauguré une stèle commémorative sur la place qui porte le nom du jeune militant à Alger. Lors de son voyage, M. Hollande a émis le vœu de la vérité historique pour mieux baliser les voies de l’avenir. À sa demande, Josette Audin, qui mène un combat inlassable pour la vérité sur la mort de son époux, a été reçue au ministère de la Défense où le ministre lui a remis en mains propres des archives.
La vérité y gît-elle sous forme de rapports, de notes des paras du général Massu ? La veuve ne semble pas se faire d’illusions. “Je ne pense pas qu’il y ait des choses extraordinairement nouvelles dans ce dossier, mais je vais le faire examiner par des historiens”, a-t-elle précisé. De son côté, le cabinet du ministre de la Défense a précisé que M. Le Drian, “dans le même souci de transparence, avait signé un arrêté de dérogation générale qui rend l’ensemble des documents remis librement communicables à ce jour”. Mais cela ne veut pas dire que l’ensemble des documents concernant cette affaire ont été déclassifiés et rendus libres d’accès. “Je souhaite que la vérité soit faite, que l’on puisse trouver des réponses dans ces archives et que les circonstances de la mort de mon mari soient reconnues et condamnées”, avait déclaré Josette Audin, avant de se rendre au ministère. Mme Audin avait adressé en été 2012 un courrier au président de la République demandant que “les historiens puissent avoir accès à toutes les archives de toutes les personnalités civiles et militaires françaises en charge du maintien de l’ordre en Algérie”. M. Hollande s’est engagé à lui faire remettre tous les documents relatifs à la disparition de son mari.
“La vie brève” de ce martyr est racontée dans un livre publié par sa fille Michèle, orpheline de père dès l’âge de 3 ans, mais héritière de la passion des mathématiques qu’elle enseigne elle aussi. “Ses derniers mots qu’il dit à ma mère, lorsque les parachutistes l’emmenèrent, furent : ‘Occupe-toi des enfants’.” C’était le 11 juin. Les derniers mots qu’il dit à Henri Alleg lorsque leurs tortionnaires les mirent face-à-face furent : “C’est dur, Henri.” C’était le 12 juin. On sait qu’il a parlé ensuite avec Georges Hadjadj et d’autres prisonniers, mais les mots exacts qu’il a dits, on ne les connaît pas, la date non plus.
A. O