Matoub, 23 ans après : un homme est assassiné, une légende est née

Matoub, 23 ans après : un homme est assassiné, une légende est née

Escarpée et déserte fut la route qui mena Lounes Matoub, le 25 juin 1998, à sa dernière demeure, qu’il avait rejoint les armes à la main, défendant sa famille, sa terre, et sa liberté. Près de sa Mercedes noire emblématique, accompagné de sa femme, gisait mort, ce jour-là, Matoub Lounes, sous un soleil de plomb. Des balles assassines, tirées par des lâches embusqués, ont ôté la vie au symbole de la lutte pour la liberté et l’Amazighité.

Ce jour-là, la nouvelle de la mort du rebelle se transforma, en l’espace de quelques heures, d’un murmure que les villageois se disaient tristement, à une clameur qui traversa des villes entières. La colère grognait pendant plusieurs jours dans plusieurs régions de Bouira, de Béjaia et de Tizi Ouzou, ou les funérailles du rebelle ont drainé une foule qui a fait trembler la colline des Ath Douala.

Matoub est né le  à Taourirt Moussa, à Aït Douala, et il a été lâchement assassiné le 25 juin 1998,  à Thala Bounane, à quelques encablures de la ville de Tizi Ouzou. Lounes chanta et lutta pour la liberté et pour l’identité berbère. Il a été comparé à Bob Dylan à ses débuts, par Marie Korpe, chercheuse à l’université de Stokholm. Matoub, par son courage politique et artistique, et grâce à sa plume acerbe et tranchante, a inscrit son nom par des lettres de sang dans le registre de l’art engagé.

« Les montagnes, c’est ma vie »

C’est aussi dans ses montagnes chéries que Matoub Lounes a fini par trouver la mort, pour que puisse vivre à jamais sa légende. « Un poète peut-il mourir ? », disaient les uns, tandis que, incrédules, les autres cassaient tout sur leur passage, afin de venger la mort d’un symbole, d’un guide, et d’un espoir assassiné. Mais Matoub est-il vraiment mort ? Rien n’est moins sûr.

Lounes n’a jamais été plus vivant qu’après son assassinat, si l’homme de chair et d’os, qui avait survécu à une rafale d’un gendarme en 1988, et au rapt des islamistes en 1994, est finalement passé de vie à trépas en 1998, la légende du rebelle, quant à elle, est née avec son dernier souffre, et sa voix n’a jamais autant résonné au sein de ses frères et sœurs, à qui il a déclaré son inconditionnel amour et son éternel engagement.

Aujourd’hui, en 2021, dans n’importe quel bus de transport public, dans n’importe quelle ville, village, quartier, dans n’importe quelle maison, l’héritage laissé par Lounes vit et grandit. Sa voix caressant une plaie béante et chantant un idéal lointain, résonnera encore très longtemps dans les cœurs de ceux qui croient en la justice, et en une Algérie libre et démocratique.