Matmour : «La qualification, j’y crois toujours !»

Matmour : «La qualification, j’y crois toujours !»
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De tous les joueurs algériens ayant joué contre le Maroc à Marrakech, Karim Matmour a été l’un des rares à ne pas avoir essuyé des critiques après la rencontre. Ayant été longtemps absent de la sélection il effectuait son retour à l’occasion de ce match, dont il a disputé la seconde mi-temps. Avec du recul, il revient sur cette rencontre et sur sa perception de l’avenir des Verts.

Plus d’une semaine est passée depuis la débâcle de la sélection nationale à Marrakech. Avez-vous digéré cette cuisante défaite ?

C’est difficile de digérer facilement une aussi grosse défaite. Ça m’a fait beaucoup réfléchir et ça m’a rendu très triste. Il s’agit quand même du drapeau national. Même si le football est ainsi fait et qu’il faut désormais penser à l’avenir, c’est difficile à digérer.

Franchement, à la mi-temps, étiez-vous confiants quant à la possibilité de revenir dans le match ?

Je ne sais pas ce qui s’est dit dans le vestiaire à la mi-temps car j’étais à ce moment-là sur le terrain à m’échauffer en compagnie de Ryad Boudebouz. Pour ma part, j’étais confiant car, dans le football, tout va vite. Déjà, juste avant la mi-temps, Rafik Djebbour avait mis une tête sur le poteau. Donc, il suffisait d’inscrire rapidement un but pour que le match soit relancé. Nous étions donc très confiants à la mi-temps. Malheureusement, le troisième but nous a scié les jambes.

Quelle a été la consigne que vous a donnée Benchikha ? Etait-ce de remplacer Foued Kadir poste pour poste, c’est-à-dire jouer comme milieu droit, ou bien soutenir Rafik Djebbour à la pointe de l’attaque ?

C’était d’appuyer Djebbour en attaque, tout en soutenant le milieu en cas de perte du ballon. Le coach m’a demandé de percuter et de créer le surnombre en attaque. C’est dire que nous étions revenus en deuxième mi-temps avec des intentions offensives.

La prestation des Verts a fait l’objet de critiques très vives, au point où les joueurs ont été accusés d’avoir la tête ailleurs et de penser aux vacances plus qu’au match. Etait-ce vraiment le cas ?

Je démens catégoriquement que le groupe ait été déconcentré avant le match. Que ce soit aux entrainements, durant les repas ou dans nos discussions à l’hôtel, nous étions très impliqués par rapport à ce match. Nous sommes des professionnels et le football est notre gagne-pain. Dans le regard de chacun de mes coéquipiers, je lisais de la détermination. C’est absolument faux d’affirmer que nous avions la tête aux vacances. Pour preuve, nous avions fait une très bonne entame de match. Si nous étions psychologiquement out, nous aurions encaissé des buts dès les premières minutes.

Qu’en est-il de certaines informations faisant état d’une supposée virée nocturne que des joueurs aurait effectuée deux jours avant le match ?

Alors là, c’est une pure invention ! J’étais à l’hôtel et je n’ai vu personne de mes coéquipiers sortir. Si vraiment cela était arrivé, je l’aurais su et j’aurais été le premier à rappeler les coupables à l’ordre. Or, rien de cela n’est arrivé. Cela se serait su car ce ne sont pas des choses qui se cachent. Vous pouvez le vérifier auprès de tous ceux qui étaient avec nous à l’hôtel. Donc, ces informations sont un pur mensonge.

On a parlé d’un changement d’état d’esprit chez certains joueurs qui auraient pris la grosse tête depuis la Coupe du monde. Vous êtes bien placé pour détecter un éventuel changement puisque vous n’aviez été convoqué et vous n’avez plus joué en sélection depuis le dernier match disputé par l’Algérie au Mondial face aux Etats-Unis, jusqu’au match de Marrakech. Avez-vous senti, en revenant dans le groupe, un changement dans les mentalités ?

Il y a eu un changement, ce n’est pas parce que les joueurs ont changé en eux-mêmes. C’est tout simplement parce que le groupe a changé. Ce n’est pas le même groupe d’il y a un an ou plus et cela suppose qu’il y ait des mentalités différentes. Ce sont les changements qui ont perturbé la dynamique du groupe et qui ont fait que nous soyons nous-mêmes perturbés et à la recherche de nos repères.

Vu la faiblesse dont a fait montre la défense, des voix se sont élevées pour remettre en cause le choix de Abdelhak Benchikha de ne pas avoir convoqué Rafik Halliche au prétexte qu’il ne joue pas au sein de son club, Fulham. Vous avez également longtemps fait les frais de ce choix du sélectionneur. Pensez-vous qu’un joueur qui peut apporter quelque chose à l’équipe doit être pris, même s’il ne joue pas souvent en club ?

Ces choix relèvent de la seule compétence du sélectionneur et il faut les respecter. Mon humble avis sur la question est qu’il faut prendre les joueurs suivant leur talent, leur potentiel et leur apport pour la sélection. Il y a eu un exemple en la matière, celui de Karim Benzema qui, il y a quelques mois, alors qu’il n’était pas du tout titulaire au Real Madrid et qu’il ne faisait que de brèves apparitions en fin de match, avait été quand même sélectionné par Laurent Blanc et il s’était montré décisif avec la sélection de France. On peut donc manquer de temps de jeu en club tout en étant efficace en sélection. Cela a été le cas de Merouane Chamakh, remplaçant à Arsenal, mais qui nous a marqué un but à Marrakech.

Vous avez travaillé avec Abdelhak Benchikha durant un seul stage, celui de la Manga Club, et pour un seul match, celui de Marrakech contre le Maroc. Quelle impression vous a-t-il laissée ?

C’est vrai que je n’ai pas beaucoup travaillé avec lui, mais il m’a laissé une bonne impression. C’est un entraineur qui communique bien avec ses joueurs, volontaire, désireux de bien faire. Il y a un respect mutuel entre nous deux. Il portait certainement un grand projet pour les Verts, mais il faut dire qu’il n’a pas eu le temps pour appliquer ses idées. En tout cas, je garde une bonne impression de lui.

Son successeur devrait être un entraineur étranger de grande envergure, selon l’engagement fait par Mohamed Raouraoua, président de la FAF. Partagez-vous cette option ?

Je n’ai pas à m’exprimer sur cette question. Cela relève exclusivement des prérogatives de la FAF. Nous n’avons pas à donner notre avis sur le choix du sélectionneur. L’essentiel est qu’il soit quelqu’un de compétent.

Des voix s’élèvent pour appeler le futur sélectionneur à ne plus convoquer les cadres actuels de la sélection au motif qu’ils sont arrivés en fin de cycle et qu’ils sont bons pour la retraite. Etes-vous de cet avis ?

Je comprends parfaitement la frustration du peuple et le désir de changement qui va avec, mais ce n’est pas raisonnable d’envoyer à la retraite des joueurs dont le plus âgé a 29 ans. C’est du n’importe quoi ! Au contraire, dans le football international, c’est l’âge de la maturité et de la plénitude dans la performance. Il y a des joueurs qui ont encore beaucoup à donner pour la sélection et ce serait une erreur que de tomber dans le piège des règlements de compte et des purges. Il suffit juste de voir ce qui n’a pas marché et d’y remédier. Quand on voit certaines sélections dans le monde, on en trouve qui sont épanouies en ayant des effectifs dont la moyenne d’âge tourne autour de la trentaine. Renvoyer des joueurs n’est pas la solution, à mon avis.

Etes-vous d’accord pour dire que les joueurs ont été trop gâtés et qu’il aurait peut-être été mieux indiqué d’être méchants avec eux ?

Ce n’est pas une question d’être gâté ou pas. Cela se passe dans la tête des joueurs. Je ne pense pas que les joueurs aient plus de privilèges maintenant qu’ils en avaient avant la qualification pour le Mondial. C’est le même noyau de joueurs et, avec exactement le même traitement dont ils bénéficient actuellement, il s’était qualifié pour la Coupe du monde et était parvenu en demi-finale de la Coupe d’Afrique des nations. Ceci d’une part. D’autre part, il n’est pas certain qu’en ayant utilisé les insultes ou des jets de pierre, le résultat aurait été meilleur. Pour tout joueur, c’est une question de respect de soi et des couleurs avant tout et non pas une question d’être gâté ou insulté.

N’ayant pas joué en sélection nationale durant presqu’une année, vous avez été épargné par les critiques vu que vous n’avez pas été impliqué dans les contre-performances des Verts depuis l’été dernier. Vous sentez-vous quand même solidaire de vos coéquipiers ?

Nous sommes une équipe. Nous gagnons en équipe et nous perdons en équipe. Je ne suis pas de ceux qui tirent la couverture sur eux. Je suis impliqué dans la défaite tout comme les autres et j’ai été mauvais tout comme mes coéquipiers.

Pensez-vous que cette élimination virtuelle de la CAN-2012 est un mal pour un bien, afin de préparer dès maintenant la CAN-2013 et le Mondial-2014 ?

Que je sache, nous ne sommes pas encore officiellement éliminés de la CAN-2012. Certes, nous sommes dans une position défavorable, mais nous ne sommes pas encore éliminés. Tant qu’il y a de la vie, il y a encore de l’espoir. La saison passée, au Borussia Mönchengladbach, des médias répétaient durant plusieurs mois que nous étions relégués en deuxième division et qu’il n’y avait plus aucun espoir pour nous. J’étais l’un de ceux qui répondaient que, tant qu’il y avait des points à prendre, nous n’étions pas relégués. Finalement, nous sommes arrivés à nous maintenir. Donc, la qualification pour la CAN-2012, j’y crois toujours. Dans le football, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Je me refuse donc à penser à la CAN-2013 ou au Mondial-2014. Je suis encore concentré sur les éliminatoires pour la CAN-2012.

En évoquant le Borussia Mönchengladbach, allez-vous quitter le club ?

Tout ce que je peux vous dire est que je suis toujours sous contrat avec le Borussia. Il me reste encore une année et, jusqu’à preuve du contraire, je suis toujours joueur de ce club.

Le prochain rendez-vous des Verts sera un match amical face à la Tunisie le 10 août. Pensez-vous que c’est bien que ce soit dans quelques semaines, afin de plier la page de Marrakech ?

Peu importe la date du prochain match. Le plus important est que nous travaillons pour nous ressaisir. C’est ça, l’essentiel : nous remettre en cause et travailler. Que le match se joue demain ou dans un an n’a aucune importance s’il n’est pas préparé comme il se doit. L’urgence, c’est de se remettre au travail sérieusement.

Ce match amical est annoncé à Florence, en Italie. Est-ce une bonne chose pour vous que de jouer en Europe afin d’éviter la pression et la colère du public algérien ?

Personnellement, j’aurais préféré jouer en Algérie car c’est dans notre pays que nos matches doivent être domiciliés. Je n’ai pas peur d’affronter le public algérien. Cela dit, si la FAF a fait le choix de faire jouer ce match en Europe, je le respecterai et m’y soumettrai sans aucun problème.