Massinissa Matoub : «Les jeunes talents algériens sont prêts à relever n’importe quel défi»

Massinissa Matoub : «Les jeunes talents algériens sont prêts à relever n’importe quel défi»

Massinissa Matoub est l’un des initiateurs de DjazAnim. Il est producteur et réalisateur de films d’animation au sein de sa boite Real Dream Digital, installée à Tizi Ouzou.

Le Temps d’Algérie : Comment se porte ce domaine de production de films d’animation en Algérie ?

Massinissa Matoub : Justement, cet évènement est là pour dresser un état des lieux du domaine. Mais je dois vous dire que le domaine de la culture en général n’est pas en pleine forme. Le seul soutien de ce domaine, c’est l’état. Le privé ne s’implique pas beaucoup. Avec la création des nouvelles chaînes de télévision en Algérie, le privé doit s’impliquer d’avantage, car c’est un domaine vraiment rentable. Il peut apporter beaucoup, pour peu qu’on y investit. C’est un domaine qui emploie des artistes de toutes les disciplines pratiquement. Tout cela a un coût, mais c’est un coût qui reste vraiment bas par rapport à ce qu’on achète et se produit ailleurs dans le monde.

Concernant la qualité des productions algériennes et de leur contenu, peuvent-elles rivaliser avec ce qui se produit ailleurs ?

C’est une question que peuvent se poser beaucoup d’Algériens, mais je vous assure que la qualité des productions est pratiquement identique à tout ce que vous pouvez voir dans les chaînes étrangères. Pourquoi ? Parce qu’il faut savoir que de jeunes algériens travaillent aussi chez les plus prestigieuses boites internationales, chez Disney, à Hollywood, au Canada et font partie des réalisations les plus connues au niveau international. Ils sont partis d’Algérie et se sont retrouvés dans les meilleurs studios internationaux. Donc je peux vous dire que les talents sont là, et les compétences aussi. Il suffit juste de les aider.

Est-ce que ces compétences peuvent produire suffisamment en quantité et en qualité pour le marché national ?

En termes de qualité, nous avons une bonne suffisance. Les sujets de création sont les plus adaptés au public algérien. Sincèrement, si des gamins algériens se retrouvent face à des figures nationales comme par exemple M’Kidech, Djeha ou Loundja dans leurs écrans à la place de je ne sais quel héros étranger, je sais qu’ils préféreront leurs héros nationaux. J’imagine de même que les parents algériens aimeraient plutôt que leurs enfants regardent des dessins animés de héros bien de chez nous. Pour la quantité, nous avons assez de créateurs, et nous avons beaucoup de formateurs.

Nous avons organisé des ateliers de formation lors du Fibda, il y a de cela trois ans. Et en trois semaines de formation et deux semaines de pratique, ces jeunes, qui ne connaissaient pratiquement rien à ce domaine, sont arrivés à créer des films courts d’animation qui seront projetés pendant ce festival. Ce sont des films qui ont eu des prix à l’étranger. En cinq semaines seulement, nous avons pu former des jeunes qui créent des films primés à l’étranger. Donc, les ressources humaines sont là, mais il faut des ressources financières pour suivre. Je vous cite un exemple ce que j’ai vécu moi-même.

Nous avons produit une série d’animation pour Disney Channel. Nous y avons été suivis par des directeurs d’animation qui sont des sommités dans le domaine. On devait livrer deux épisodes chaque semaine. C’est un travail colossal, mais nous avons pu relever le défi sans aucune contrainte. Donc, quand les moyens sont là, les compétences algériennes sont prêtes à relever n’importe quel défi.

Mis à part le Festival national du film amazigh qui se tient à Tizi Ouzou et décerne un prix pour le film d’animation en tamazight, aucune autre manifestation ne contribue à l’émergence de cet art. Est-ce que vous envisagez de créer, dans les prochaines éditions de ces journées, une compétition de films d’animation ?

Oui, et d’ailleurs je tiens à saluer chaleureusement les organisateurs de ce festival ayant institué ce prix du meilleur film d’animation en tamazight, depuis 2006. C’est le seul festival qui a pensé à récompenser les créateurs dans ce domaine. Nous espérons effectivement lancer une compétition lors de ces journées dans les prochaines éditions. Je suis persuadé que cela insufflerait une certaine dynamique et contribuerait à l’émergence de nouveaux talents. Ce genre de festival existe dans pratiquement tous les pays du monde, sauf en Algérie. Alors que si DjazAnim devient un festival, ce serait la réalisation du plus grand de mes rêves.