Donner un nouvel élan aux relations entre l’Algérie et la Tunisie
Moncef Marzouki plaide pour un «Maghreb des libertés». Il veut faire de l’année 2012 l’année du Maghreb où les ressortissants de cette aire géographique auront le droit de circuler, de résider et de travailler librement.
La visite du président tunisien, Moncef Marzouki, hier à Alger, est loin d’être un simple déplacement en ce sens qu’elle intervient dans un contexte régional très particulier. Le contexte tient d’abord à la situation interne en Tunisie. La révolution du Jasmin vient de fêter son premier anniversaire et les nouveaux responsables tunisiens se doivent de répondre aux vraies préoccupations des populations.
Outre de donner un nouvel élan aux relations entre l’Algérie et la Tunisie, le président Moncef Marzouki se doit de rechercher des débouchés aux entreprises tunisiennes sclérosées par la révolution, réduire le chômage en créant de l’emploi. Ayant un matelas financier consistant, des centaines de chantiers, l’Algérie se présente alors comme l’Eldorado recherché par la Tunisie en ces moments de crise. Mais encore faut-il que la donne sécuritaire qui sévit au sud de la Tunisie soit totalement maîtrisée. En fait, le problème concerne les deux pays et il constitue un des axes de cette visite de M.Marzouki à Alger. Depuis un an, des milliers d’armes ont été subtilisées des dépôts de l’ex-armée libyenne et se sont évaporées dans la nature. Pour faire face à cette grave problématique, les deux pays sont condamnés à une collaboration sécuritaire plus intense, à un échange de renseignements et à une entraide. Surtout que dans cette même région, il y a la collusion entre Al Qaîda, les trafiquants d’armes, les narcotrafiquants et toutes les bandes de contrebandiers. Au début février, des accrochages sanglants ont eu lieu, dans le Sud-Est tunisien, avec un groupe armé qui transportait des armes en provenance de Libye, selon des sources militaires tunisiennes.
La problématique de la circulation des armes à la frontière libyenne et au Sahel a inquiété même les puissances étrangères. Des experts étrangers sont allés jusqu’à avertir sur les risques d’attaques contre l’aviation civile.
Des armes lourdes comme les RPG7, seraient tombées entre les mains d’Al Qaîda, ont laissé entendre les Occidentaux. C’est ce qui expliquerait, en partie, d’ailleurs la présence actuellement des services de renseignement américains, allemands, britanniques et français en Libye.
A cette question sécuritaire qui conditionne également le retour des touristes en Tunisie, un autre dossier, de taille, fait courir le président tunisien. Il s’agit de l’Union du Maghreb. C’est en fait, l’un des principaux objectifs de ce périple diplomatique qui a mené M.Marzouki, de la Mauritanie, au Maroc et à Alger après avoir effectué sa première sortie officielle à Tripoli, en Libye. En défenseur acharné des droits de l’homme, Moncef Marzouki plaide pour un «Maghreb des libertés». Il veut faire de l’année 2012 l’année du Maghreb où les ressortissants de cette aire géographique auront le droit de circuler, de résider et de travailler librement. Mais quel avenir aura ce Maghreb souhaité par les dirigeants maghrébins et rêvé par les peuples? Quel avenir pour ce Maghreb nouveau que veut M.Marzouki, dans le contexte politique régional fragilisé pour supporter des débats de fond sur une question aussi sensible? Pour l’Histoire, le premier mouvement de libération algérien portait le nom de l’ENA (Etoile Nord-Africaine). C’est dire que l’Algérie ne concevait sa libération que dans le cadre de son aire géographique naturelle, à savoir l’Afrique du Nord. Deux semaines nous séparent de l’anniversaire de cette Union créée un certain 17 février 1989 et gelée sur demande du défunt roi du Maroc, Hassan II. La démarche du président tunisien est ambitieuse. Elle porte l’espoir d’une renaissance de l’UMA. Alger et Tunis partagent cet élan qui peut être salutaire pour l’avenir de la région maghrébine. Cette dernière ne peut d’ailleurs se concevoir que comme un ensemble intégré à même de faire face aux défis régionaux et aux retombées de la crise économique mondiale. Mais comment relancer cette UMA dans un contexte aussi fragile? La Libye est au bord d’une guerre civile, la Tunisie qui sort d’une révolution est toujours convalescente?