Le mouvement islamiste Justice et bienfaisance, considéré comme l’un des plus importants au Maroc, a appelé, hier, à un «changement démocratique urgent» et à «l’établissement de mécanismes mettant fin à l’autocratie».
Dans un texte publié sur son site internet, Justice et bienfaisance, un mouvement islamiste interdit mais toléré par les autorités marocaines, «salue les manifestations en Tunisie et en Egypte» et appelle «à un changement fondamental démocratique urgent afin d’instaurer une véritable séparation des pouvoirs».
Selon plusieurs observateurs, Justice et bienfaisance, qui réclame aussi «l’abrogation» de l’actuelle Constitution, est l’un des mouvements islamistes les plus importants du Maroc. «Pour les autorités marocaines, les membres de Justice et bienfaisance seraient entre 30 000 et 40 000. Mais les responsables du mouvement islamiste estiment que celui-ci compte près de 200 000 adhérents», a déclaré le politologue Mohamed Darif, spécialiste de l’islamisme marocain. «Mais la principale force de Justice et bienfaisance est son organisation et sa capacité à mobiliser», ajoute M. Darif. «Des millions de Marocains souffrent de la pauvreté. Il est injuste que la richesse du pays soit accaparée par une minorité», souligne le mouvement sur son site internet.
Justice et bienfaisance se définit comme «un mouvement pacifique à référence islamique». Il est dirigé par le Cheikh Abdessalam Yassine, 83 ans, un ancien inspecteur de l’enseignement, influencé par le soufisme. «Nous demandons aux autorités de mettre un terme à la ‘’Benalisation’’ (du nom de l’ex-Président tunisien Ben Ali) que connaît le Maroc et à crédibiliser les institutions constitutionnelles», précise encore Justice et bienfaisance. Au cours d’un point de presse, jeudi dernier à Rabat, le ministre marocain de la Communication, Khalid Naciri, avait souligné que le Maroc «s’est engagé depuis longtemps dans un processus irréversible de démocratie et d’ouverture de l’espace des libertés». «Les citoyens peuvent s’exprimer librement tant que cela se déroule dans le plein respect des intérêts vitaux du pays», avait ajouté M. Naciri. Il s’exprimait après des appels, sur internet, à une manifestation pacifique, le 20 février prochain, en faveur d’une «large réforme politique».
La déferlante de révoltes populaires qui a déjà poussé vers la sortie l’ex-chef de l’Etat tunisien, et fort probablement le Président égyptien, et qui s’étend à d’autres pays ayant la particularité d’être gouvernés par d’inamovibles dictateurs, est interprétée par certains prospectivistes comme le point de départ d’un profond remodelage du monde arabo-musulman.
Un remodelage souhaité de longue date par les Américains, mais qui n’a réellement pris corps que sous la présidence de George Bush, qui a trouvé, dans les attentats du 11 septembre 2001, un excellent motif de mise en œuvre de cette manœuvre à grande échelle, aujourd’hui connue sous le nom de projet de Grand Moyen-Orient.