Maroc- Un appel à manifester lancé sur Facebook suscite la nervosité du gouvernement

Maroc- Un appel à manifester lancé sur Facebook suscite la nervosité du gouvernement

Au Maroc, comme en Algérie, les officiels affirment que la situation chez eux n’a rien à voir avec la Tunisie et l’Egypte. Cela n’empêche pas une anxiété maximale à l’égard des ébauches de contestation.

L’appel lancé par des internautes marocains sur Facebook pour une manifestation pacifique le 20 février pour « des changements politiques » a été minimisé par le gouvernement. Il n’en a pas moins appelé les syndicats à des discussions après la la fête du Mawlid Ennabaoui. De la « preemptive action » pour contrer la « contamination ».

L’appel lancé par les jeunes marocains a placé la barre haute. Dans son appel à manifester le 20 février pour « la dignité du peuple et pour des réformes démocratiques », le groupe qui revendique plus de 4000 sympathisants demande une réforme de la constitution, la démission de l’actuel gouvernement et la dissolution du parlement.

L’appel a été minimisé par le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement Khalid Naciri qui a affirmé que le Maroc « est engagé depuis longtemps dans un processus irréversible de démocratie et d’ouverture de l’espace des libertés ». Il a indiqué que les « citoyens peuvent s’exprimer librement (…) tant que cela se déroule dans le plein respect des intérêts vitaux ». De manière beaucoup moins sereine, le ministre marocain de la jeunesse et des sports, Moncef Belkhayat, a appelé ses « fans » sur Facebook à se mobiliser contre l’appel à manifester.

Mobilisons-nous pour que nos ennemis ne créent pas la zizanie dans notre cher pays! » a-t-il écrit sur sa page en affirmant que leur « objectif est de nous déstabiliser pour que les Nations-Unies votent une résolution contre notre pays ». De la grosse artillerie qui a suscité des réactions indignées. Et aussi pleines d’humour, comme cet étudiant en sciences po qui répond à Belkhayat que ces « traitres » et « ennemis »qui sont mes amis et votre relève, la seul qui vaille en fait » ne font que demander une retraite pour « Abbas El Fassi », « une réforme constitutionnelle dans le sens d’un Etat réellement démocratique », « des réformes sociales qui garantissent à tous une vie décente », « une justice indépendante qui garantisse les libertés fondamentales » et un « respect complet des Droits de l’homme, sans exceptions d’aucune sorte ».

« L’imam d’un nouvel intégrisme »

Qualifiant le ministre « d’imam d’un nouvel intégrisme », l’étudiant Younes Benmoumen, rejette l’idée que la « croissance économique » soit un préalable à la justice. « Ainsi, il nous faudrait être plus développés ou plus éduqués pour enfin ne plus se faire tuer dans un commissariat ? Pour ne plus avoir à corrompre pour obtenir un service de droit ? Et dénoncer cet état de fait nous vaudrait donc le qualificatif de « traitre » ? » écrit-il.

Jeudi dernier, après le conseil de gouvernement, le traditionnel point de presse du ministre de la communication et porte parole du gouvernement Khalid Naciri a laissé transparaitre une certaine inquiétude et un souci d’apaiser les choses. Selon Khalid Naciri, ‘’le gouvernement (est déterminé) à traiter les revendications sociales des travailleurs, de manière à répondre à leurs attentes légitimes, tout en préservant les équilibres économiques fondamentaux.’’

Le porte parole de la Primature précise que ‘’le gouvernement réaffirme sa compréhension, sa volonté sincère et sa ferme détermination à traiter les revendications sociales des travailleurs, afin de satisfaire leurs revendications légitimes, (…).’’ « Le Maroc traite la question des revendications sociales en les considérant comme étant fondamentalement légitimes’’ a-t-il indiqué en reconnaissant que le pays enregistre ‘’une moyenne variant entre 21 et 24 actions revendicatives quotidiennes’’.

Le chat dans le pantalon

Des rounds de négociations débuteront avec les centrales syndicales, selon M.Naciri, après la fête du Mawlid Ennabaoui. Il y aura au préalable un accord sur l’ordre du jour entre le gouvernement et les syndicats, notamment autour des questions salariales et des statuts particuliers de certaines professions. Mais, l’un des dossiers brûlants encore sur la table du gouvernement, reste celui des diplômés-chômeurs. C’est en fait, ‘’le chat dans le pantalon’’ du gouvernement actuel. L’association des diplômés-chômeurs organise depuis plus de cinq ans une manifestation en moyenne par jour.

Ses adhérents ont à plusieurs reprises menacé de s’immoler pour protester contre leurs conditions sociales devant le parlement, où se déroulent leurs manifestations. Sans grands résultats, du reste. Jusqu’à l’apparition du phénomène Mohamed Bouazizi, et rattrape le gouvernement de M. Abbas El Fassi, qui a affirmé jeudi dernier que ‘’c’est une question qui est à l’ordre du jour des préoccupations du gouvernement et des différents départements ministériels concernés’’.

Le chômage touche environ 20% des diplômés, et près de 1,2 million de personnes sont au chômage au Maroc, le taux officiel étant de 9,1%, au dernier trimestre 2010 ; Selon le dernier rapport du PNUD sur le développement humain (IDH), le Maroc est à la traîne au Maghreb et classé à la 114ème place mondiale avec un indice de 0,567. Jeudi, le premier cas de décès par immolation était enregistré au Maroc. Le jeune Mohamed Raho, âgé de 26 ans, qui a été licencié de l’armée, a choisi d’en finir par le feu, à Benguerir (centre du Maroc). La vague Bouazizi continue.