Le Maroc a réagi avec vigueur aux »fausses informations » publiées dans la presse espagnole sur des déploiements de l’armée pour prévenir des protestations sociales. Il l’a fait savoir aux autorités espagnoles.
Les responsables s’agacent des comparaisons et des parallèles qui sont faits entre la situation dans le pays avec la Tunisie et l’Egypte. L’agence Ficth est, elle, trés rassurante.
Les journaux marocains ont rapporté lundi un démenti formel du gouvernement au sujet d’un rappel des troupes déployées dans le Sahara occidental occupé pour parer à d’éventuelles manifestations dans des villes marocaines, dont faisaient état les des médias espagnols. Le chef de la diplomatie marocaine, Taieb Fassi Fihri avait convoqué l’ambassadeur d’Espagne et eu un entretien avec le chef de la diplomatie espagnole pour leur exprimer l’ »indignation » du Maroc face à ces « agissements irresponsables ». Le gouvernement marocain reste silencieux sur les événements d’Egypte, ainsi que sur ceux en Tunisie. Mais il a réagi aux informations de la presse espagnole avec une vigueur qui traduit une certaine nervosité.
Le coup est parti du journaliste et opposant Ali Lmrabet qui a rapporté dans sa page Facebook que des troupes auraient été rappelées du Sahara occidental en prévision d’éventuels troubles. La presse espagnole l’a relayé abondamment. Trop, aux yeux du gouvernement marocain qui, comme de nombreux Etats arabes dans ces circonstances « révolutionnaires » a récemment annoncé sa détermination à maintenir les subventions sur les produits de base comme la farine, le sucre, l’huile et le gaz butane. Le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement Khalid Naciri avait expliqué la semaine dernière, que cette décision n’était pas influencée par les évènements tunisiens.
« Un certaine nervosité… »
« Parfois, le gouvernement fait preuve d’une certaine nervosité qui n’est pas toujours utile », a estimé Mohammed Darif, professeur de science politique à l’université Hassan II de Casablanca. Le débat sur l’éventualité d’une contagion au Maroc des événements de Tunisie et d’Egypte est pourtant présent dans la presse marocaine. Aboubakr Jamai, fondateur d’un hebdomadaire critique aujourd’hui disparu, le « Journal hebdomadaire », a estimé dans un entretien au »Nouvel Observateur » que »si le Maroc s’embrase, la disparité des richesses y est telle que la révolution y sera beaucoup plus sanglante qu’en Tunisie ». Il a reçu une réponse immédiate d’un hebdomadaire marocain, »La VIeEco »: »certains organes de presse trouvent un plaisir jubilatoire à faire le parallèle entre ce qui s’est passé en Tunisie et la situation au Maroc. Ils connaissent mal leur pays ».
Dans une interview publiée lundi par le quotidien espagnol El Pais, le prince Moulay Hicham, surnommé le « prince rouge » a apporté sa contribution au débat. Il a estimé que si le « Maroc n’a pas été encore atteint par la vague de contestation sociale et politique qui secoue les pays arabes, il « ne sera probablement pas une exception ». Le « Maroc n’a pas été encore atteint, (…) mais il ne faut pas se tromper: presque tous les systèmes autoritaires seront affectés par la vague de protestation. Le Maroc ne sera probablement pas une exception », a-t-il déclaré.
« Reste à voir si la contestation sera sociale ou bien aussi politique et si les formations politiques, influencées par les récents évènements, bougeront » s’est demandé Moulay Hicham, N°3 dans la succession au trône alaouite. « L’Europe doit se réveiller, arrêter d’appuyer des dictatures qui ne sont pas viables et appuyer à fond les mouvements qui aspirent à un changement durable », estime encore le prince Moulay.
Fitch rassure
Le gouvernement marocain que ces comparaisons agacent devrait trouver consolation dans le fait que l’agence Fitch Rating annonce que le Maroc ne devrait pas subir la contagion des contestations en Tunisie et au Maroc. Selon l’agence, même si le Maroc connait aussi des inégalités sociales, il dispose d’un « système politique pluraliste ». L’agence de notation affirme également que les autorités ont réussi à à réduire la pauvreté et le chômage dans la dernière décennie.
Pour rappel, l’agence Moody’s a classé la semaine dernière le Maroc, avec l’Egypte, l’Algérie et la Jordanie comme les pays les plus susceptibles d’être affectés par des troubles semblables à ceux de la Tunisie. L’agence Fitch s’attend à ce que le Maroc accroisse les dépenses et les subventions pour prévenir les roubles, ce qui aura un impact sur les finances publiques.
Le déficit budgétaire du Maroc devrait dépasser le 3% en 2011 contre 2,6% en 2010. « En dépit de la dégradation des perspectives économiques, le Maroc continue de jouir d’une solide profil du secteur externe par rapport à ses pairs » estime Fitch en soulignant que le déficit du compte courant continue d’être financé par des capitaux à long terme.