Maroc : la répression des mouvements sociaux s’est intensifiée en 2018, s’indigne HRW

Maroc : la répression des mouvements sociaux s’est intensifiée en 2018, s’indigne HRW

Les autorités marocaines ont fait preuve de plus d’intolérance à l’égard de la contestation publique, en recourant à une répression intensifiée des mouvements sociaux, a dénoncé jeudi l’ONG Human Rights Watch (HRW).

« Les autorités marocaines ont réagi en mars à la manifestation dans la ville minière de Jerada par des semaines de répression, faisant usage d’une force excessive « , s’indigne l’ONG américaine dans son rapport mondial sur la situation des droits de l’homme, lancé jeudi à Berlin.

HRW rappelle qu’en juin de l’année écoulée, un tribunal de Casablanca a condamné des leaders du Hirak, un mouvement de protestation qui a manifesté régulièrement dans la région du Rif pendant des mois, à des peines allant jusqu’à 20 ans de prison « lors de procès inéquitables ».

En 2018, Human Rights Watch a documenté plusieurs cas de recours excessif à la force pour disperser des manifestations et à des arrestations de manifestants pacifiques pour des motifs tels que manifestation sans autorisation et agression de policiers.

« A partir du 14 mars, les autorités ont répondu à des manifestations socio-économiques dans la ville minière paupérisée de Jerada, dans le nord-est du pays, par une campagne de répression allant bien au-delà d’un effort visant à traduire en justice des manifestants considérés violents », affirme l’ONG.

HRW, cite un incident filmé en vidéo, le 14 mars, montrant un véhicule de la police qui a pris d’assaut une manifestation, heurtant Abdelmoula Zaiqer, agé de 16 ans, et le blessant grièvement.

« Des agents de police sont entrés par effraction dans des maisons sans montrer de mandat, ont battu plusieurs hommes lors de leur arrestation et ont cassé portes et fenetres », selon l’ONG qui cite des activistes locaux et un avocat.

Entre le 14 mars et le 31 mai, les autorités ont arrêté et mis en accusation au moins 69 manifestants à Jerada.

Human Rights Watch relève que la vague de répression policière en mai 2017 contre le Hirak s’est soldée par l’arrestation de plus de 400 activistes.

Lors de leur procès collectif qui a duré plus d’un an, le tribunal de première instance a rejeté les affirmations des accusés selon lesquels leurs aveux avaient été obtenus sous la torture et la contrainte, malgré des rapports médicaux apportant soutien à leurs affirmations.

Graves atteintes à la liberté d’association

HRW constate que les autorités ont continué tout au long de 2018 à restreindre les activités d’autres ONG, notamment la plus grande organisation indépendante de défense des droits humains au Maroc l’AMDH.

« Les autorités ont fréquemment empêché la tenue d’événements organisés par des sections locales de l’Association marocaine des droits Humains, en refusant l’accès aux lieux prévus », indique l’ONG.

Entre janvier 2017 et juillet 2018, pas moins de 16 événements organisés par l’AMDH ont été annulés dans tout le Maroc, après que les autorités ont soit directement refusé l’accès aux participants, soit fait pression sur l’opérateur de la salle pour annuler l’événement.

Le gouvernement marocain a continué d’imposer une interdiction de facto, en vigueur depuis 2015, à l’égard des missions de recherche d’Amnesty International.

« Les chercheurs de Human Rights Watch ont pu mener des missions de recherche en 2018 à Jerada et El-Ayoun au Sahara occidental occupé, mais ont été fréquemment suivis par des voitures avec des hommes en civil à bord », dénonce une fois encore l’ONG américaine.

Par ailleurs, les restrictions imposées à la presse ont persisté en 2018, selon le rapport. Un tribunal a condamné un journaliste célèbre, critique à l’égard du gouvernement, à trois ans de prison pour un chef d’accusation douteux, alors qu’il purgeait déjà une peine pour « incitation à des manifestations non autorisées ».

« Les autorités ont engagé des poursuites contre des journalistes et des activistes des médias sociaux pour des délits qui, bien que n’étant pas ostensiblement liés au journalisme, constituaient apparemment des représailles contre leurs prises de positions « , explique l’ONG.

Le code pénal marocain maintient les peines de prison pour plusieurs délits d’expression non-violente, dont le fait de causer un préjudice à la Monarchie ou encore inciter contre « l’intégrité territoriale » en référence à la revendication marocaine sur le Sahara occidental occupé, précise le rapport.