Le Maroc « monarchie parlementaire »? L’affirmation, contenue dans le discours du roi Mohamed VI et reprise textuellement par les agences de presse occidentale, mérite d’être fortement relativisée.
En comparaison avec les monarchies parlementaires dans les pays européens, le Maroc a encore un long chemin à faire. C’est une petite évolution, ce n’est pas une révolution. Sur la « sacralité du Roi », la nouvelle Constitution fait dans la variation sémantique et non dans le changement.
La nouvelle constitution annoncée, hier, par le Roi Mohamed VI et soumise à référendum, le 1er juillet prochain, marque une évolution dans les attributions du Premier ministre. Jusque-là, le Premier ministre était désigné par le Roi qui n’avait pas à tenir compte de la couleur du parlement. Ledit Premier ministre devait composer avec le Palais et ses conseillers.
Le Premier ministre va désormais devenir le « Président du Gouvernement » et sera désigné, par le roi, au sein du parti arrivé en tête des élections législatives. Cette évolution est de nature à renforcer le rôle des partis. Conséquence logique de cette évolution, la politique générale du pays pourra être discutée en Conseil de Gouvernement et non plus en seul Conseil des ministres. Autre évolution remarquée, le Premier ministre aura la possibilité de dissoudre le gouvernement, possibilité jusque-là réservé au Roi. Son pouvoir de nomination est également étendu en matière de fonctions civiles et dans les entreprises et administrations publiques. Autre évolution, la langue amazighe devient langue officielle du pays avec l’arabe. Le nouveau projet prévoit de garantir l’indépendance de la justice vis-à-vis des pouvoirs législatif et judiciaire, a insisté le souverain dans son discours. Il a proposé également d’inscrire dans la constitution l’égalité entre hommes et femmes ainsi que la protection des droits de l’Homme reconnus universellement.
Clore vite les débats
Ces changements visent à « consolider les piliers d’une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale» a déclaré le Roi Mohamed VI en précisant qu’au référendum le du 1er juillet «je dirai oui à ce projet».
Le souverain marocain veut manifestement faire vite afin de clore les débats et les contestations menées notamment par le mouvement du 20 février qui subit ces dernières semaines de violentes attaques de la part d’une partie de la presse marocaine. Car s’il y a évolution, elle reste modeste. Le souverain marocain concède certaines prérogatives au Premier Ministre, il conserve toujours le pouvoir. La nouvelle Constitution est très loin du mot d’ordre d’un « souverain qui règne mais ne gouverne pas ».
Le roi, « chef des armées » conserve une emprise absolue sur l’institution militaire. Un «Conseil supérieur de sécurité», présidé par le roi, sera créé et aura pour mission de «gérer les questions sécuritaires internes, structurelles et imprévues», Le monarque dispose du pouvoir d’accréditer les ambassadeurs et les diplomates. Il préside le Conseil des ministres où se trouvent les vraies prérogatives de l’exécutif. La possibilité octroyée au Premier ministre de présider des Conseils de gouvernement est assortie d’un accord préalable avec le Palais sur son ordre du jour… Le Roi peut ainsi exercer un veto de fait sur les thèmes à discuter. Même le pouvoir de désignation aux fonctions civiles reste tributaire est limitée par le fait que les personnes désignées doivent être au préalablement soumises au Roi.
Glissement sémantique sur la « sacralité » du roi
Le Roi conserve le pouvoir de dissoudre le parlement après avoir consulté le président de la nouvelle Cour constitutionnelle dont la moitié des membres sont désignés par lui. Il préside le conseil ministériel, au sein duquel les grandes stratégies de l’État sont déterminées, selon le nouveau projet. Sur la notion de la « sacralité » de la personne du Roi qui a fait beaucoup débat, le projet de Constitution fait une évolution d’ordre sémantique tout en la maintenant sur le fond. Ainsi, le monarque reste « Commandeur des croyants et chef de l’État» et sa personne sera «inviolable».
Il y a une petite évolution, on est très loin de la révolution. C’est sans doute pour fermer le débat que le Roi entend faire vite. L’évolution est trop limitée pour satisfaire les jeunes du Mouvement du 20 février dont l’un des mots d’ordre reste un souverain qui règne sans gouverner.