Un appel à une manifestation nationale pour le 6 avril a été lancé pour défendre la dignité des travailleurs.
Une «grève du pain» de 48 heures a débuté, hier mercredi, au Maroc, les boulangers réclamant une hausse des prix, une revendication jugée sensible qui intervient sur fond de grogne sociale et d’appels de syndicats à manifester. «Selon les informations dont je dispose, la grève est suivie à plus de 80%, notamment à Rabat et dans le nord», a déclaré à l’AFP Saïd Mougja, représentant de la Fédération nationale des boulangeries et pâtisseries (FNBPM), à l’origine du mouvement.
«Nous ne demandons pas la lune, juste une légère augmentation de l’unité du pain qui nous revient plus chère que son prix de vente», a-t-il expliqué. Un épicier du quartier Mabella, à Rabat, a assuré n’avoir «rien reçu ce matin» de la part de son boulanger. A Casablanca, la capitale économique, plusieurs boulangeries du quartier de Aïn Borja étaient fermées en matinée, selon un correspondant de l’AFP.
«Le mouvement touche surtout ceux qui achètent la farine de blé subventionnée par l’Etat», a affirmé un boulanger d’une grande enseigne. Au Maroc, le prix du pain dit «de base» est étroitement réglementé. Il est actuellement fixé à 1,20 dirham. Selon le quotidien L’Economiste, en même temps que la conclusion d’un contrat-programme avec l’Etat, les professionnels réclament de pouvoir augmenter ce prix de 10 à 30 centimes, arguant d’un coût d’environ 1,50 dirham l’unité, malgré l’existence de subventions publiques. Pressé d’engager des réformes sociales pour réduire son déficit public, le gouvernement emmené par les islamistes du Parti justice et développement (PJD) a décidé de limiter le coût de la caisse subventionnant des produits de grande consommation.
Le prix de l’essence a été totalement libéralisé en début d’année, et celui du diesel partiellement. Mais il s’est gardé jusque-là de toucher aux produits comme la farine ou le sucre. Trois des principaux syndicats du pays ont, pour leur part, confirmé, mardi, la tenue le 6 avril à Casablanca d’une manifestation nationale pour «défendre le pouvoir d’achat et la dignité des salariés», fustigeant dans un communiqué «l’indifférence voire le mépris» du gouvernement à leur égard. C’est la première fois depuis des années que les boulangers décrètent une telle grève dans le but d’obtenir une augmentation, une revendication jugée «sensible» par les médias locaux: selon la FNBP, plus de 100 millions d’unités sont consommées chaque jour dans ce pays de 35 millions d’habitants. Dans les années 1980, à la suite d’une hausse du prix de produits de base, des «émeutes du pain» avaient éclaté dans plusieurs grandes villes, faisant de nombreuses victimes.
R. I. / Agences
La tentative de suicide dégénère
• Des affrontements entre habitants et forces de l’ordre ont secoué, mardi, Tiflet, une ville pauvre proche de Rabat, à la suite d’une tentative de suicide d’un vendeur de téléphones, aboutissant à l’arrestation de 13 personnes. Un jeune vendeur de téléphones, accusant notamment un policier de l’avoir maltraité en présence de son épouse au commissariat, a «menacé de se suicider s’il ne parlait pas au procureur du roi», a indiqué à l’AFP Atika Daïf, un responsable local de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH, indépendant). I
l a grimpé près de six mètres sur une des antennes du commissariat, provoquant un attroupement de plusieurs centaines d’habitants. Il s’en est suivi une intervention des forces de l’ordre pour disperser la foule, qui a dégénéré en affrontements jusque dans la soirée, a affirmé M. Daïf. Des boutiques ont été endommagées ainsi qu’une banque, et au moins 13 personnes ont été interpellées, selon les responsables associatifs, qui ont par ailleurs précisé que le vendeur avait été «grièvement blessé au niveau des hanches et des épaules» en chutant.