Au maroc , la contestation gronde dans l’ancienne ville minière de jerada : Face aux barons du charbon

Au maroc , la contestation gronde dans l’ancienne ville minière de jerada : Face aux barons du charbon

Dans cette ancienne ville minière, à en croire les témoignages rapportés par plusieurs médias, le mouvement de protestation dure en fait depuis le mois de décembre 2017, au lendemain d’un drame qui a concerné deux jeunes frères, retrouvés morts au fond d’un puits désaffecté…

Quelques mois après les évènements qui ont secoué la région du Rif et provoqué des centaines d’arrestations, notamment dans la ville d’Al Hoceïma, la situation semble se cristalliser du côté de la bourgade de Jerada, dans le nord -est du Maroc où de nouvelles et violentes manifestations ont eu lieu samedi dernier. Les échauffourées ont eu lieu peu après la tenue de négociations menées par une délégation ministérielle venue s’enquérir des difficultés rencontrées par les travailleurs de la région, en proie à une tension grandissante et un mécontentement généralisé qui dure depuis plusieurs semaines. Dans cette ancienne ville minière, à en croire les témoignages rapportés par plusieurs médias, le mouvement de protestation dure en fait depuis le mois de décembre 2017, au lendemain d’un drame qui a concerné deux jeunes gens, des frères de surcroît, qui se sont retrouvés piégés au fond d’un puits désaffecté au fond duquel ils espéraient pouvoir extraire du charbon. Victimes d’un étouffement accidentel, ils ont été à leur corps défendant le détonateur d’un mouvement de protestation qui n’a pas connu le moindre répit. Cet incident, minimisé au départ part les autorités marocaines, a pris de plus en plus d’ampleur au point que les rassemblements se sont multipliés, donnant lieu à des marches impromptues puis à des mouvements de foule qui ont pris, peu à peu, une dimension de ras-le-bol socio-économique. Les manifestants, qui ont fait preuve de retenue dans leurs actions, sans cesse empreintes du souci de mener des marches pacifiques, ont dénoncé avec force l’attitude des autorités auxquelles ils reprochent d’avoir, purement et simplement, abandonné la région à son triste sort, après la fermeture des dernières mines en 1998. Samedi dernier, une foule d’hommes et de femmes de tous âges -entre 4 000 et 5 000 selon les organisateurs, autour de 400 selon les autorités locales- s’est mobilisée pour entendre les comptes-rendus des pourparlers menés avec la délégation mandatée par les autorités. «On veut une délégation officielle», proclamaient à corps et à cri les manifestants, tout en agitant des drapeaux marocains, au niveau de la place centrale de la ville de Jerada cernée par des installations industrielles désaffectées. Pour la majorité d’entre eux, l’exigence principale porte sur «une véritable alternative économique» telle que réclamée, quelques jours plus tôt, au ministre de l’Agriculture, Aziz Akhannouch, qui s’était entretenu sur place avec certains élus locaux, des représentants du mouvement syndical et même une délégation de jeunes contestataires auxquels il aurait soumis une liste de «projets structurants», avec des «perspectives prometteuses» pour le développement agricole de la région, à en croire un communiqué diffusé par l’agence de presse officielle marocaine MAP. Mais il semble bien que ces promesses n’aient pas suffi à faire baisser la tension ni à calmer la colère des manifestants qui continuent à exprimer leur ras-le-bol et revendiquent de vraies solutions au lieu des palliatifs dont le seul but est de «chercher à les duper». Ainsi, sont-ils tous unanimes à contester le bien-fondé des solutions qui leur sont présentées comme en janvier dernier, lorsqu’une première délégation ministérielle avait déjà été dépêchée sur place et un «plan d’urgence» vanté par les autorités régionales, sans donner, lui non plus, satisfaction aux protestataires. Le mouvement de Jerada se présente volontiers comme un nouveau «hirak des fils du peuple». Un terme qui signifie «contestation populaire» et qui rappelle celui utilisé dans la région du Rif (Nord), agitée durant de longs mois par des manifestations réprimées avec une grande violence, par des revendications identiques de désenclavement, d’emploi, de services publics opérationnels et de répartition équitable des richesses. Plus précisément, la contestation à Jerada concerne quatre sujets tels que le règlement des factures d’eau et d’électricité, le traitement de la silicose qui affecte des centaines d’anciens mineurs, le développement économique et l’ouverture d’enquêtes contre des notables mafieux qualifiés de «barons du charbon» depuis qu’ils ont bénéficié de permis d’exploitation grâce auxquels ils font commerce en toute légalité d’un charbon extrait des puits désaffectés, malgré des conditions de sécurité extrêmement précaires.