Marie-Christine Saragosse, la P-DG de France Médias Monde, « Votre pays est mature pour évoluer avec la loi sur l’audiovisuel »

Marie-Christine Saragosse, la P-DG de France Médias Monde, « Votre pays est mature pour évoluer avec la loi sur l’audiovisuel »

C’est aujourd’hui que France Médias Monde et l’audiovisuel public algérien signeront deux accords de coopération à l’occasion de la réunion du premier Comité intergouvernemental de haut niveau entre la France et l’Algérie qui se réunira les 16 et 17 décembre à Alger. Nous avons rencontré la présidente-directrice générale de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse, qui fait partie de la délégation officielle qui accompagnera le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, dans sa visite en Algérie et qui a livré, dans cet entretien, son avis sur l’audiovisuel algérien et sur sa vision de l’information dans le monde.

Quel est votre avis sur la loi audiovisuelle algérienne qui vient d’être acceptée et lancée par le gouvernement?

Marie-Christine Saragosse: Ecoutez, je ne suis pas une spécialiste de cette loi, déjà qu’on m’a auditionnée sur la loi française qui change aussi, mais je pense que ce qui est important est que cette loi a été présentée en Conseil des ministres, qu’elle est passée en commission et qu’il y ait une avancée comme ça, petit à petit, du projet. Il y a une banalisation du paysage audiovisuel algérien avec une ouverture à de nouvelles voies, après je sais qu’il y a un débat sur le concept des thématiques. Je pense que l’Algérie a une longueur d’avance aujourd’hui sur d’autres pays. Elle a vécu une histoire politique très douloureuse. Je pense qu’à quelque chose malheur est bon. Parfois, la douleur fait grandir aussi et donne une expérience. «Si elle ne vous tue pas elle vous rend plus fort» disait Nietzsche. Aujourd’hui, l’Algérie est mature pour évoluer avec cette loi audiovisuelle. Il y a du grand professionnalisme.

Est-ce que vous avez regardé les nouvelles chaînes privées algériennes?

J’ai regardé Echourouk TV (mon handicap est que je ne parle pas arabe), mais j’ai découvert un ton jeune. J’ai zappé et regardé un peu. Vous s’avez ce que je crois, c’est que la liberté ça confère toujours la responsabilité. Ce sont les deux mamelles de l’avenir et la responsabilité c’est le professionnalisme. Donc il y a des enjeux autour du professionnalisme. En même temps, je lis toujours la presse algérienne en français et je suis frappée par le nombre de journaux et il y a une liberté d’expression. Il y a des gens qui ont une plume au vitriol, donc il y a une culture de la liberté en Algérie. Donc tôt ou tard ça doit se faire et c’est bien et que cette loi avance.

Peut-on connaître votre avis sur Al Jazeera en français?

Comme les choses n’existent pas, je ne sais pas si elles vont exister, on verra bien. Moi je rêve d’avoir une chaîne en espagnol, je ne l’ai pas encore. Pour Al Jazeera en français l’annonce existe depuis plusieurs années. Peut-être qu’elle aura lieu et la première chose que je dirais à ce moment-là est «le français est une langue utile» et quand on veut faire une chaîne d’infos internationale donc je saluerais cette initiative et ensuite peut-être que la signature de notre chaîne répond à tout autre chaîne en français. Qui peut oser dire «Liberté, égalité et actualité» quand on s’appelle pas France 24? Donc nous osons et nous revendiquons cet héritage qui nous transcende et qui nous suivra, il y a 39 000 chaînes satellitaires dans le monde, il y a de l’espace pour tous et 350 chaînes arabes.

Mais c’est grâce à Al Jazeera et un peu avant, CCN, qu’ont véritablement été boostées les chaînes d’infos!

Ça fait des années que je travaille dans l’audiovisuel extérieur, j’ai travaillé à RFI, RMC Doualiya…ect

C’est vrai que l’info continue est au siècle de l’homme pressé où tout va vite. Moi j’ai adoré travailler à TV5, montrer des films qui ont une autre façon de raconter des sociétés très profondes, des documentaires qui offrent du temps à l’histoire. Ce que j’aime dans ce groupe, c’est que vous avez 66 nationalités, vous avez dans le même bureau, l’anglophone, l’arabophone et le francophone. En général, ce sont les arabophones qui parlent les trois langues, l’anglophone ne parle qu’une seule langue, ces derniers temps, il commence à parler un peu le français, et le francophone qui parle deux langues: l’anglais et le français. Vous avez plusieurs nationalités du Monde arabe et pour moi c’est fascinant. Moi je revendique qu’on a des valeurs, c’est pour ça que je n’ai pas peur de revendiquer la signature et je ne considère pas que toutes les valeurs se valent. Je suis une militante. On est plus là pour défendre la liberté d’expression et l’égalité des citoyens qu’autre chose.

Vous avez reçu votre nouvelle nomination alors que vous étiez à Alger, vous êtes née en Algérie, à Skikda, précisément, alors en tant qu’Algérienne de coeur, prônez-vous un traitement spécial de l’information sur l’Algérie?

D’abord, en tant que P-DG d’un groupe qui comporte 1 700 salariés et trois médias, en 14 langues et que je n’ai pas ma carte de presse et je fais exprès car j’y tiens, parce que je n’interfère pas au quotidien, parce que ce n’est pas comme ça que je conçois la liberté d’expression des journalistes et leur professionnalisme, je le respecte. Par contre, c’est sur les valeurs que j’interviens et sur les positionnements éditoriaux par exemple, sur la signature du protocole d’accord avec la télévision algérienne, j’y tenais. Ou par rapport à la place que je vais donner à la culture ou aux femmes, je vais venir par petites touches donner des orientations, mais au quotidien, alors que je peux m’engueuler avec des journalistes, mais a posteriori je ne vais pas contrôler quelque chose et je laisse les patrons de chaînes et les journalistes faire leur métier, mais après si il y a des bêtises on en discute.

Vous savez que votre nomination a été très bien accueillie à Alger!

Eh bien, j’en suis fière, parce que je me sens enfant du pays et je sens que j’ai le coeur sur les deux rives et je suis heureuse qu’on me perçoive comme ça ici. Et à chaque fois que je suis là, il ne faut pas m’en dire beaucoup sans ça je pleurerai.