Le cheval monté par la mariée est remplacé, non pas par une voiture quelconque, mais bien plus
Les fêtes de mariage se comptent par dizaines dans chaque village.
Le rythme s’accélère avant l’arrivée du mois de carême. Les fêtes de mariage se comptent par dizaines dans chaque village. Cette année, plus que les précédentes, les familles se ruent sur les nouvelles modes et tendances. La prospection du nouveau va du véhicule transportant les mariés aux modes culinaires. La tradition qualifiée de ringarde n’a plus sa place.
Jadis, c’était le week-end, aujourd’hui, c’est tous les jours que les fêtes sont organisées. «Aujourd’hui, les salles de fêtes sont disponibles, je ne vois pas de raisons de choisir le week-end. Même en hiver, on peut organiser une fête de mariage. Avant, c’était en été parce que les gens n’avaient pas assez d’espace pour héberger les invités en hiver. Tout le monde pouvait rester dehors.» explique doctement Dda Mokrane. Il regrette la disparition des anciennes traditions. Dda Mokrane, comme la majeure partie des vieux, voit d’un mauvais oeil l’émergence du disc-jockey. «Jadis, c’étaient les tambourins qui accompagnaient les cortèges. Aujourd’hui, on les voit rarement» poursuit-t-il, nostalgique. Dans l’ambiance de la fête, plus de place aux esprits nostalgiques. Le cheval monté par la mariée est remplacé, non pas par une voiture quelconque, mais bien plus. Un grand nombre de cortèges sont accompagnés d’une limousine louée pour la circonstance. Cette mode se généralise cette année. La mode touche tous les aspects de la fête. «Ce qui me manque le plus dans les fêtes, c’est le couscous d’antan. Aujourd’hui, on te sert un plat bien garni dans le restaurant de la salle des fêtes. Loin de la maison du marié. On se sent non désirés même si l’on est invités» fait remarquer Si Saïd, adepte des Idhebalen. Ce changement touche jusqu’à la façon de s’habiller. La robe kabyle apparaît de moins en moins. Aujourd’hui, c’est la robe de soirée. «On se croirait dans un bal parisien. Il n’y a plus que les vieilles femmes qui s’habillent en robe kabyle» poursuit Arezki. Lui, c’est le père du marié qui voit, impuissant, les rênes de l’organisation lui échapper. «Aucune musique, aucun chant, ni aucun instrument ne peut remplacer les chants des vieilles femmes pendant le cérémonial du henné», constate un autre homme, la cinquantaine, l’air agacé par les décibels qui émanent du disc-jockey. Les temps ne sont plus à l’innovation utile. Dda Hand, moustache dressée à l’ancienne, est révolté, lui, par les cadeaux qu’on ramène aux mariés. «Tous ces objets empaquetés ne sont d’aucune utilité pour le marié. Rien que des services à café et autres gadgets insignifiants. Les gens d’avant agissaient avec plus d’intelligence. Le cadeau était la semoule, le café, le sucre, les oeufs, l’huile. On aidait vraiment la famille à surpasser les difficultés financières qui suivent la fête», déploré, désolé, un autre vieil homme.
Une question s’invite, enfin, quand on constate dans les discussions que la majeure partie des gens s’attachent encore, dans le plus profond de leur être à la tradition. Pourquoi se jette-t-on alors, les yeux fermés et les mains liées, dans les bras de cette mode factice?