Marché pétrolier et Loi de Finances 2019: L’optimisme remis en cause ?

Marché pétrolier et Loi de Finances 2019: L’optimisme remis en cause ?

La crise qu’amorce actuellement le marché pétrolier risque de rappeler violemment les failles de l’économie algérienne, prisonnière de la manne des hydrocarbures.

Le coup pourrait être d’autant plus rude pour le pays que la rente pétro-gazière, plutôt florissante depuis l’été jusqu’à ces toutes dernières semaines, a vu les autorités du pays tabler sur un projet de loi de finances 2019 qui rompt désormais, dans une très large mesure, avec l’austérité budgétaire.

Les rédacteurs du projet de loi de finances, adopté la semaine dernière par l’APN, seraient-ils allés un peu trop vite en besogne ? Tout prête à le croire, du moins jusqu’à ces derniers jours marqués par une dégringolade des prix du pétrole du genre à rappeler de mauvais récents souvenirs.

Prises par l’euphorie de la remontée des prix, les autorités du pays ont donc consacré pratiquement un retour à la normale, c’est-à-dire à l’avant-2014, sur le plan budgétaire en évitant surtout l’instauration de nouveaux impôts et taxes qui nuiraient à leurs intentions à peine un peu plus d’un trimestre du rendez-vous électoral le plus incertain. Bien sûr, précaution a été prise dans l’établissement du projet de loi de finances de tabler sur un baril à 50 dollars, mais cela n’empêche pas de rappeler le scénario de la crise née en 2014 lorsque le pétrole s’était déprécié de la moitié de son prix au quatrième trimestre 2014, puis en quelques semaines à peine en 2015 lorsque les cours avaient chuté de 9%, le Brent tombant en dessous des 50 dollars le baril au début de l’année 2015, donnant lieu à un impact terrible, d’une intensité variant selon les pays exportateurs, comme c’était le cas en Algérie où l’on a commencé à prendre la mesure réelle du sens du mot «austérité» jusqu’à l’introduction de la recette miracle : le financement non conventionnel.

Certes, pour le moment, il est un peu tôt pour spéculer sur les contours que prendra le prix du pétrole, mais il convient de rappeler le constat émis, pas plus tard qu’il y a une dizaine de jours, par le FMI dans son étude de conjoncture lorsqu’il avertissait sur l’incertitude globale entourant la trajectoire future des cours ainsi que le risque de pressions baissières engendrées par la montée des tensions commerciales, qui constituent des sources de vulnérabilité importantes pour les économies des pays exportateurs de pétrole de la région dont fait partie l’Algérie. Il n’est un secret pour personne que l’évolution des prix du pétrole est le facteur majeur dont dépend la croissance économique en Algérie ; la hausse des prix des hydrocarbures impacte positivement les recettes d’exportation et les produits de fiscalité pétrolière répartie entre les recettes budgétisées et les recettes affectées au Fonds de régulation des recettes (FRR).

Un impact qui résulte, donc, de la croissance spécifique du secteur des hydrocarbures eu égard à ce que celui-ci représente dans le PIB, et la fiscalité des hydrocarbures grâce à laquelle sont financés les grands programmes publics générateurs de croissance, nonobstant l’usage de la planche à billets. C’est dire donc si lors de la préparation du projet de loi de finances 2019, tout semblait aller dans le meilleur des mondes pour ses rédacteurs qui, grâce à l’embellie, ont décidé de maintenir les transferts sociaux à des niveaux qui feraient des jaloux dans bien des pays, envoyer dans le sens de la hausse le budget de fonctionnement de l’Etat qui ne devrait pas être loin des 5 000 milliards de dinars, alors que les dépenses devraient garder leur niveau de cette année. Le tout à des fins électoralistes, s’écrient encore les mauvaises langues.

Voilà donc le capricieux marché pétrolier qui vient remettre en cause l’optimisme des parrains du projet de loi de finances 2019 et du coup donner encore du sens aux avertissements émis en milieu de semaine par l’International Crisis Group, rapport auquel ne semblent pas accorder trop de crédit les autorités du pays.

Azedine Maktour