Les cours de l’euro sur le marché parallèle sont restés fermes après les émeutes de janvier dernier. Loin donc l’époque où les taux des marchés officiels et parallèles se sont rapprochés, faisant croire à une extinction de ce commerce informel des monnaies. La flambée des cours de l’euro a pris son ascendant influencé par une forte demande locale de monnaie européenne.
Résultat : les consommateurs ont payé ces dernières années chèrement la facture via une érosion de leur pouvoir d’achat, faute d’un mécanisme de change, d’ailleurs réclamé depuis des années par les opérateurs, permettant de gérer ces fluctuations de la valeur de l’euro. Sur ce registre, contrairement à une idée reçue, le marché parallèle de la devise, véritable instrument de mesure de la valeur du dinar, n’est pas alimenté principalement par les petites pensions des retraités de France mais plutôt par l’argent de l’informel. Phénomène étonnant, le square Port-Saïd à lui seul peut traiter 50 millions d’euros/jour, soit environ 18 milliards d’euros annuellement, confient des cambistes. C’est là où les réseaux de la drogue, du cheptel en particulier, convertissent leurs dinars en euros qui traversent les frontières par valises avec la complicité d’agents de contrôle de l’État et finissent par alimenter des comptes offshore, ajoutent-ils. Inversement, le marché est inondé d’euros, fruit des surfacturations et des grands contrats irréguliers. Une énorme plus-value dégagée, tirée du différentiel des taux avec le marché officiel.
En un mot, le marché parallèle de la devise “recycle” pour une bonne partie, l’argent sale de l’informel. Faut-il alors l’interdire ? Encore une fois, s’attaquer aux petits “cambistes” et les vendeurs à la sauvette sans réunir les conditions de l’extinction de ce commerce informel risque d’alimenter la grogne des jeunes. Mais il est clair que la criminalité économique générée par l’informel devra être combattue avec une main de fer. À commencer par freiner les transferts massifs de capitaux illicites et démanteler ensuite les réseaux maffieux qui constituent une véritable menace pour la stabilité du pays. Sur ce point, il semble que les pouvoirs publics peinent à réagir efficacement face aux dangers de ce commerce informel dans une situation de déliquescence d’institutions sensibles. Mais qu’adviendra-t-il en effet si les barons de l’informel parvenaient à contrôler le pouvoir politique ? Déjà, les complicités à l’intérieur du système entretiennent un profond malaise social qui, tôt ou tard et si la question n’est pas prise en charge, se transformera en de cycliques mouvements de protestation, faisant courir le risque d’une remise en cause de la dynamique de développement durable du pays.