Depuis près de dix ans déjà que ces réseaux du banditisme défient l’Etat
Une nouvelle victime d’enlèvement n’a pas donné de signe de vie depuis jeudi soir.
Les réseaux de banditisme frappent une nouvelle fois. C’est à Azeffoun, ville côtière située à 60 km au Nord-est de la ville de Tizi-Ouzou qu’un jeune de 19 ans, Hedjou Ghiles, fils d’un entrepreneur de la région, a été enlevé, jeudi dans la soirée, alors qu’il était en route justement de son village Mellatha vers la ville d’Azeffoun. Selon des sources locales, la victime n’a pas donné signe de vie depuis le soir de jeudi. Sortie de la maison à bord de son véhicule, elle n’est plus réapparue depuis. Selon les mêmes voix, le téléphone portable en sa possession a été éteint. Aucun appel n’est, par ailleurs, venu informer ses parents sur son état ni même un contact de ravisseurs en quête de rançon.
Une marche et une grève générale sont prévues aujourd’hui dans la ville d’Azeffoun. Hier à Mellatha, les villageois étaient consternés. Le même climat régnait au chef-lieu d’Azeffoun suite à la nouvelle de ce 71e kidnapping qui survient, doit-on le rappeler, à quelques jours de la comparution des auteurs de l’enlèvement de l’entrepreneur Slimana, tué par ses ravisseurs en essayant de s’en extraire. Quelques heures donc après la propagation de la nouvelle, les villageois de Mellatha ont constitué, dans l’urgence, une cellule de crise pour suivre le dossier et préparer des actions afin de libérer la victime. Réunis autour de leur structure villageoise ancestrale, les villageois s’organisent du mieux qu’ils peuvent pour mener des actions de terrain. Pour aujourd’hui, dimanche, une marche est prévue dans la ville d’Azeffoun à laquelle sont appelés tous les citoyens de la région. Parallèlement à cette action, une grève générale est également prévue afin de signifier la solidarité des populations avec la famille de la victime.
C’est depuis près de dix ans déjà que ces réseaux de banditisme défient l’Etat. L’enlèvement du jeune Ghiles Hedjou à Azeffoun, ce week-end, est le 71e kidnapping que ces hordes ont perpétré rien que dans la wilaya de Tizi-Ouzou. Depuis 2005, cette forme très lucrative de banditisme, en connexion étroite avec le terrorisme sévira à travers pratiquement toutes les communes de la wilaya. Ce fut d’abord à Iflissen, commune située sur le littoral à quelque 60 km au Nord de la ville de Tizi Ouzou. Le premier forfait déclaré de ce genre a visé en novembre 2009 Talmat Kadi Abdallah, commerçant activant dans cette commune. Après quelques jours de séquestration, les villageois feront appel à la solidarité ancestrale.
Plusieurs communes littorales se joindront aux actions visant sa libération. Des marches et des grèves ont été organisées dans la ville de Tigzirt sans résultat. Les populations sont alors passées au stade supérieur en organisant des battues dans les massifs forestiers environnants.
En fait, l’enlèvement de ce propriétaire d’un bar-restaurant intervient quelques jours après la libération d’un autre otage à Tala Khellil, dans la région de béni Douala. A Boghni, c’est Ami Ali, commerçant, âgé de 80 ans, qui a été enlevé le 22 mars 2010. Les ravisseurs réclamaient une rançon de 5 milliards pour libérer leur victime. Encore une fois, la mobilisation et la solidarité des populations a payé. Le vieil homme sera libéré un mois plus tard.
A Béni Douala, un médecin a été victime de ravisseurs qui l’ont intercepté à Tala Bounane alors qu’il se rendait à son cabinet dans la ville de Tizi Ouzou. Des dizaines de kidnappings se poursuivront jusqu’à l’affaire qui a ébranlé la Kabylie. Là, les ravisseurs ont commis l’irréparable en assassinant leur victime, Slimane Hand, entrepreneur dans la région de Fréha au mois de novembre 2010. Les auteurs de son assassinat comparaîtront demain lundi 22 octobre alors que pas loin de là, les populations défient aujourd’hui les ravisseurs par une marche et une grève pour libérer un autre citoyen.
En fait, on n’a commencé à en parler qu’en 2009. Lorsque les populations se sont mises à s’organiser pour se défendre contre ce mal. Des dizaines d’autres victimes ont dû se résoudre à payer des rançons en silence.
Les groupes agissaient en toute impunité. Certains lieux sont mêmes devenus des coupe-gorge, comme à Tala Bounane, dans la commune de Béni Douala, à Takhoukht, à Oued Aïssi et au Pont Noir, à l’entrée-Sud de Boghni. Les populations n’osaient pas s’y aventurer même le jour. Une sorte de territoire libéré pour ces bandes de malfaiteurs. Ce silence et ce black-out qui a duré des années ont certainement permis à ces bandes de ramasser beaucoup d’argent.
A chaque enlèvement, les ravisseurs réclamaient aux familles des sommes oscillant entre 1 et 5 milliards de centimes. Une aubaine pour les groupes terroristes qui tissaient des réseaux de connexion avec le banditisme pour renflouer les caisses et saigner une population déjà en proie à tous les maux. Enfin, il est à signaler un fait.
Les populations de la wilaya de Tizi-Ouzou n’ont jamais cédé au chantage de ces groupes. Il y a un refus de payer des rançons et une exigence de libérer les victimes, quitte à entrer en confrontation armée avec les ravisseurs.