Le secteur pharmaceutique en Algérie connaît des remous liés à l’augmentation de la facture d’importation et au manque de médicaments de base. Il est aussi l’objet d’une politique d’investissement et de coopération scientifique et technologique qui devrait le bouleverser en profondeur. L’arrivée des laboratoires américains accélérerait cette mutation.
Une première attend les opérateurs du médicament en Algérie. En septembre prochain, c’est-à-dire dans quelques jours, ils devront recevoir trois mois avant la fin de l’année en cours le programme des importations des produits pharmaceutiques auquel ils doivent se soumettre pour l’exercice 2013.
Cette décision annoncée au début du mois d’août par le ministre Djamel Ould Abbès n’a pas suscité le commentaire des opérateurs dont certains préfèrent «juger sur pièce». Elle répondrait selon son initiateur à l’objectif de prévenir toute pénurie de médicament dans notre pays.
Il s’agit, avait déclaré M. Ould Abbès, de «garantir la disponibilité des médicaments dans les hôpitaux et les pharmacies» après que ces derniers ont enregistré durant ces derniers mois un déficit d’approvisionnement, notamment en produits de base.
Sa mesure, selon une source ministérielle, pourrait aussi aider à la rationalisation d’un marché où la consommation des médicaments importés de l’étranger, d’après les chiffres des douanes algériennes, a atteint durant le premier semestre 2012, la bagatelle de 1,35 milliard de dollars US contre 1,04 milliard à la même période en 2011.
La même source rappelle que la hausse enregistrée jusqu’à juillet dernier n’est pas due à la consommation, dont les proportions en termes de valeur restent les mêmes que durant l’année dernière. Elle est plutôt due, insiste-t-elle, à la flambée du cours mondial du produit pharmaceutique et en particulier du médicament de base (princeps) protégé par les droits de propriété. Ce phénomène laisse présager que les orientations prises récemment par le gouvernement d’aller vers une coopération ambitieuse avec des laboratoires étrangers, estime notre source, pourrait dans les prochaines années permettre à l’Algérie d’ «accéder à une technologie pharmaceutique plus affirmée qu’aujourd’hui» et d’avoir une facture moins lourde qu’elle ne l’est actuellement.
A ce propos, le coopérant et le partenaire le plus évoqué ces jours-ci sont les laboratoires américains. Depuis son séjour aux Etats-Unis en juin dernier, le ministre Djamel Ould Abbès ne jure plus que par eux et que par une «solution américaine». Pour lui, les accords avec les responsables des firmes américaines qu’il a rencontrés à Washington et Boston ont été signés pour que l’Algérie parvienne à «jouer dans la cour des grands» et devenir un pays exportateur du médicament.
La pièce maîtresse, selon le ministre, est le lancement du pôle biotechnologique algéro-américain de Sidi Abdallah près d’Alger et son entrée en activité en 2013. Ce complexe devrait, selon les prévisions de M. Ould Abbès, voir sortir en 2020 les premières molécules destinées à l’industrie algérienne du médicament pour les marchés extérieurs. Une petite révolution dont l’aboutissement, selon lui, devrait permettre à l’Algérie de couvrir 70% de ses besoins en médicaments dans les années à venir et se positionner derrière l’Afrique du Sud en tant que deuxième grand producteur pharmaceutique africain.
Sur le papier, le scénario est, en effet, prometteur. Dans la réalité, nuancent certains opérateurs, il faut attendre comment le programme de coopération technologique entre les compétences algériennes et américaines va se déployer dans la durée et selon quels termes.
Leur réserve, disent-ils, n’est pas tant pour jouer les Cassandre. L’Algérie, affirme-t-il, est un marché parmi les plus importants en Afrique et en Méditerranée. Elle est motivée par la nature du secteur et les règles régissant le transfert technologique et les droits de propriété dont les enjeux se chiffrent à des milliards de dollars.
Pour d’autres opérateurs, l’arrivée des Américains confirme les données concurrentielles du marché national du médicament et devrait, tout en stimulant l’investissement, le reconfigurer en profondeur. Des acteurs bien positionnés comme les importateurs et les laboratoires français, déjà impactés par l’affaire Sanofi et le scandale de la surfacturation, devraient revoir leur stratégie.