Les manifestants s’interrogent sur les suites à donner à leur action. Mais le constat est le même, catégorique. “Le pouvoir continue à réprimer. On parle de levée de l’état d’urgence alors qu’Alger est sous état de siège”, commente le Dr Kessas.
Ceux qui caressaient encore l’espoir de voir quelques fléchissements du pouvoir après l’annonce de la levée de l’état d’urgence, en auront eu pour leur frais : hier, samedi 5 mars, comme pour les précédentes marches, c’est encore l’état d’exception qui était au rendez-vous. Avec policiers, médias et “baltaguia” en renfort. Bien que les camions et autres canons à eau aient été dissimulés, les policiers étaient déployés en grand nombre.
Du moins, suffisamment pour contenir toute velléité de marche. Ceux qui ont répondu à l’appel de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) l’ont vérifié à leurs dépens. Il était 10h lorsque Me Ali Yahia, président d’honneur de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, arrive au carrefour, non loin de la cour d’Alger (Hussein-Dey) pour prendre la tête de la marche d’où elle devait s’ébranler.
Très vite, il sera entouré et ceinturé par les policiers. “Laissez-nous marcher, on est pacifique”, lance Ali Yahia à l’adresse des policiers. Des slogans désormais devenus classiques sont entonnés : “Système dégage.” Contrairement à d’habitude, la police ne paraissait pas trop énervée. On n’enregistre pas encore de coups de matraque, ni de coups de pied. Juste des invitations à ceux qui se positionnent sur la chaussée de rejoindre le trottoir. à quelques mètres de là, sortis d’on ne sait où, quelques “contre-manifestants”, que les manifestants qualifient de “baltaguia”, portraits de Bouteflika à la main, scandent des slogans à la gloire du Président. “ça suffit le business politique, on a besoin de développement”, crie l’un d’eux.
“Celui qui n’aime pas l’Algérie, qu’il la quitte”, lance un autre. Ils tentent de s’avancer pour provoquer les manifestants. Image fort troublante : un individu se présentant comme journaliste demande aux “contre-manifestants” s’ils souhaitaient s’exprimer. “C’est la télévision nationale”, dit-il. Ils se bousculent alors devant la caméra pour défendre le Président. “Il n’y a pas mieux que Bouteflika.” “Où étaient-ils lorsqu’on souffrait ?” vocifère l’un d’eux. Un autre, tapi derrière, lance : “Qu’ils rentrent dans leurs douars.” Quelques minutes plus tard, deux voitures, portraits de Bouteflika accrochés aux vitres, traversent la chaussée devant les manifestants en klaxonnant sous le regard de la police.
C’est à se demander ce qu’on recherchait par pareille provocation. Aux alentours de midi, les manifestants commençaient à se disperser dans le calme et Me Ali Yahia, accompagné de deux députés du RCD, quitte les lieux. Parmi les manifestants, on s’interroge déjà sur les suites à donner. Mais le constat est le même. “Le pouvoir continue à réprimer. On parle de levée de l’état d’urgence alors qu’Alger est sous état de siège”, commente le Dr Kessas, militant RCD de Béjaïa.