En cette fin de mois d’octobre, rarement un marché aussi innovant que celui des tablettes numériques n’aura vu autant de nouveaux produits s’offrir au public dans ce qui s’assimile à une véritable « guerre des tablettes numériques » ; Apple, jusque là maître du jeu, doit batailler dur pour préserver sa part du gâteau.
C’est à couteaux tirés que les annonces successives de lancement des nouvelles tablettes numériques se sont faites durant la fin du mois d’octobre.
Pourtant jusque là ; les prévisions sont pratiquement unanimes sur le maintien, au moyen à moye terme, de la domination de la firme à la pomme, Apple. Segment le plus dynamique du mobile, le marché des tablettes numériques porté par l’iPad va connaître une croissance forte dans les années à venir et ouvre la voie à des usages nouveaux selon une étude réalisée par l’équipe de recherche et d’innovation du secteur Technology Media & Telecommunications du cabinet d’audit et de conseil anglais Deloitte.
Le marché des tablettes numériques s’est construit sous l’impulsion d’Apple qui se pose en leader et offre de nombreuses opportunités tant pour les consommateurs que pour les professionnels. Avec 1 million d’unités vendues en 28 jours, l’iPad est un énorme succès dès son lancement. Malgré l’arrivée des grands acteurs sur le marché, Apple devrait maintenir une position dominante en 2012. Ses principaux atouts reposent sur une marque forte, un écosystème solide, une variété considérable d’applications et des prix attractifs. La conjoncture économique peu favorable ne semble pas impacter les ventes de tablettes qui bénéficient d’un contexte de marché de l’environnement mobile et d’avancées produits majeures. La demande croissante pour les devices mobiles et les contenus numériques combinée au progrès de la technologie multi-touch, à la couverture réseau 3G et à la baisse rapide des barrières de prix, les tablettes numériques connaissent une progression constante.
Pour l’année 2012, le cabinet américain IDC table sur un total de 117,1 millions d’unités, contre une précédente estimation de 107,4 millions. « Malgré des préoccupations économiques persistantes dans la plupart des régions du monde, les consommateurs continuent d’acheter un nombre record de tablettes et nous prévoyons une demande particulièrement forte au 4e trimestre » analyse Tom Mainelli, directeur de recherche pour Mobile Connected Devices chez IDC.
Sur ce marché en croissance, qui devrait ainsi représenter 165,9 millions d’unités en 2013 et 261,4 millions en 2016, le cabinet d’analyse ne prévoit pas de bouleversement de tendance à court ou moyen terme ajoutant que « c’est Apple qui continue de tenir le haut du pavé. » En 2012, Apple, grâce à l’iPad, devrait se hisser à une part de marché de 60%. C’est mieux encore qu’en 2011 (57,2%). Et le constructeur devrait demeurer au-delà des 50% jusqu’en 2016, au moins. « Cependant, conclut la note de l’IDC le développement du marché des tablettes laisse de la place à des prétendants. »C’est à ce bal des prétendants que l’on a donc eu droit ces derniers jours.A sept jours d’intervalle, plusieurs lancements majeurs de tablettes tactiles vont intervenir, confirmant le succès croissant de ces terminaux nomades comparativement aux PC et autres ordinateurs portables. Le premier à ouvrir le feu sera Apple, avec son « iPad mini », surnom donné à la plus petite et à la moins onéreuse des ardoises de la Pomme, qui a créé et dominé le marché jusqu’à présent. D’après le Wall Street Journal, Apple aurait lancé la production de 10 millions d’unités de cette version mini, dont les dimensions de l’écran (en diagonale) seraient ramenées à 7,85 pouces (19,9 cm), contre 9,7 pouces (24,6 cm) pour les trois générations précédentes d’iPad. Ce lancement est perçu comme une initiative défensive face aux prix agressifs des concurrentes : l’Amazon Kindle Fire – au format 7 pouces (17,8 cm) – vendus à partir de 199 dollars ou la Google Nexus 7 (7 pouces), également à 199 dollars. Microsoft, qui avait fait une première tentative sur le marché en 2002, sera le dernier à se lancer avec sa . Il a fait le choix, inverse, d’un grand écran (10,6 pouces, ou 26,9 cm) et d’un prix plancher de 489 euros, comparable à l’iPad actuel.
Ce prix donnera accès à un modèle de 32 Go sous Windows RT et avec processeur ARM. Ses applications seront disponibles sur la boutique applicative de l’éditeur (Windows Store).Enfin, selon plusieurs fuites parues dans la presse anglo-saxonne, le géant du Web, Google doit présenter une tablette haut de gamme, la Nexus 10, équipée d’Android 4.2 (dernière version du système d’exploitation introduite à cette occasion), ainsi qu’un modèle de 32 Go de sa Nexus 7, sortie en juillet dernier.
Le site américain de vente en ligne amazon.com aura alors été le premier à riposter à la nouvelle offre d’Apple en affichant sur sa page d’accueil, une sorte de publicité comparative vantant Kindle Fire HD, sa tablette commercialisée depuis le 25 octobre 2012, au détriment de l’iPad mini. Le site met en avant un slogan simple mais direct : « beaucoup plus pour beaucoup moins ». L’iPad mini se voit défavorablement comparé sur quelques caractéristiques matérielles, comme la définition de son écran (30 % moins que la dernière tablette Amazon) ou sur sa densité de pixels par pouce inférieure : 163 ppp contre 216 ppp chez Amazon. Touche finale : le prix de 199 dollars est mis en avant, face aux 329 dollars de l’iPad mini. Apple reçoit en quelque sorte indirectement la monnaie de sa pièce. Lors de la présentation officielle de l’iPad mini, Phil Schiller, le directeur marketing mondial, avait, de manière inhabituelle, comparé très défavorablement la tablette Nexus 7 de Google à la nouvelle tablette d’Apple.
A son tour, Tim Cook le patron d’Apple ne se prive pas de railler la nouvelle tablette de Microsoft. Lors d’une conférence téléphonique trimestrielle sur les résultats d’Apple, il a eu quelques mots moqueurs contre Surface, la nouvelle tablette de Microsoft. S’il reconnaît ne pas l’avoir eu en main et se fier aux critiques qu’il a lu, Tim Cook n’en a pas moins le verbe acerbe avec la nouvelle tablette de Microsoft, première tentative de la société de Bill Gates de mener un effort avancé d’intégration entre son logiciel et une plate-forme matérielle qu’il a conçu. Lors de la conférence servant à annoncer les résultats trimestriels de son entreprise, Tim Cook a indiqué que Surface, « c’est un produit qui sème la confusion et qui fait beaucoup de compromis ».
Et de rappeler un leitmotiv cher à Apple, le concepteur doit « décider ce que le produit doit être ». « Je suppose qu’on pourrait concevoir une voiture qui vole et qui flotte (sur l’eau), mais elle ne ferait pas tout ça très bien », moque-t-il faisant référence à l’aspect hybride de cette tablette qui tente de prendre la place de chaînon manquant entre ordinateur portable et tablette. Un mélange plus ou moins réussi selon les avis des premiers tests sortis dans la presse américaine.Tim Cook n’en est pas à ses premières petites phrases assassines. S’il n’a pas le charisme de Steve Jobs, il est connu pour avoir un certain sens de la formule et de la répartie.
Parlant du projet de tablette Surface, il avait ainsi déjà déclaré : « vous pouvez fusionner un grille-pain et un réfrigérateur », pas sûr que cela séduise quiconque. Quoi qu’en pense le patron d’Apple, les temps seront de plus en plus durs et la concurrence plus rude. Même qu’il apparait révolu le temps de « la dictature de Steve Jobs », comme certains l’appellent, qui a fait le succès d’Apple, où, entouré d’un groupe restreint de collaborateurs, il décidait de tout ; de la technologie, de la forme, des couleurs, du nom, du packaging, bref, de tout ! En lançant le nouveau modèle de tablette apparemment imposé par le Nasdaq, Tim Cook change de stymle et semble écouter plutôt le marché. Son but n’est plus de faire une « révolution », mais d’éviter un recul de ses parts de marché.
Ce que confirme l’analyste Jack Gold, de J. Gold Associates, à l’AFP qui estime qu’Apple a perdu un peu de sa capacité d’innovation depuis le décès de Steve Jobs. Face au Kindle d’Amazon, à la Galaxy de Samsung et à la Nexus de Google, sans oublier son système Android, quel autre choix peut prendre le patron d’Apple. Même les analystes ont prévenu. Pour Rob Enderle, « Apple est un peu en retard dans les petites tablettes. Je ne pense pas qu’ils aient le choix ».
En effet, l’iPad pèse pour plus d’un cinquième du chiffre d’affaires d’Apple et son positionnement devient capital même si sa part de marché reste supérieure à 60 %.Le seul point sur lequel Apple a décidé de ne pas céder est le prix. Elle veut rester une société de produits haut de gamme et justifie ses tarifs par la qualité et le design. L’iPad Mini n’entrera donc pas en compétition avec un Kindle Fire à moins de 200 dollars. Quant à la Nexus à moins de 100 dollars… Sur ce terrain, Tim Cook respecte à la lettre l’image imposée par Jobs. Il comparait parfois son entreprise aux grandes marques de voitures de luxe.
Il estimait que si le public admet de payer plus cher une voiture pour ses qualités, pourquoi ne le ferait-il pas pour un ordinateur, un smartphone ou un ordinateur ?Le ticket d’entrée décidé pour le petit iPad a donc été fixé à 339 euros. Pour le modèle le plus cher, il faudra investir 674 euros. Si certains analystes voient le verre à moitié vide, d’autres le voient presque plein. Il y a quelques semaines, Bob O’Donnell, d’IDC, évoquait « un risque réel que les gens aient l’embarras du choix pour la saison des fêtes. » Ainsi, les indécis « pourraient bien finir par opter pour le leader Apple ».
Pour l’heure Apple se concentre sur son petit iPad mini, qui semble susciter une demande importante : les boutiques en ligne d’Apple ont commencé à allonger leurs délais de livraison à deux semaines, soit huit jours d’attente de plus que pour l’acheter en magasins.Mais l’iPad mini est un geste défensif pour contrer des rivaux comme Amazon et Google, qui séduisent de plus en plus avec leurs tablettes meilleur marché.
Apple a reconnu avoir rogné sur ses marges pour en baisser le prix, même s’il reste plus élevé que ceux des petites tablettes concurrentes.Ses derniers résultats financiers montraient aussi une croissance moins insolente que prévu. Les ventes d’iPad notamment ont baissé plus qu’attendus par certains analystes, à 14 millions d’unités au troisième trimestre, contre 17 millions au deuxième.
La demande pour les produits Apple pourrait continuer de s’affaiblir, à cause de la concurrence mais aussi parce que le marché commence à saturer. « Apple n’en est pas encore là, mais à un moment cela va arriver, étant donné qu’il n’a pas une base de consommateurs infinie, en particulier à cause de ses prix élevés », souligne Douglas McIntyre du site d’analyse 247Wallst.com.Le verdict sera donc rendu lors des résultats du premier trimestre fiscal 2013 qui inclura les ventes de fin d’année.
R. M.