Les prix de l’immobilier se sont effondrés depuis janvier dernier dans le nord du pays. Malgré l’inflation et l’écroulement de la valeur du dinar, l’Algérie assiste pour la première fois, après plusieurs années de hausses vertigineuses, à une baisse brutale et inédite des prix de l’immobilier.
Cette chute des prix affecte aussi bien les grandes villes que les petites agglomérations. «Les transactions sont rares. C’est une baisse record des prix», témoigne Nasreddine, agent immobilier basé au centre-ville d’Oran, membre de la Fédération nationale des agences immobilières (FNAI). «Les prix des logements qu’ils soient anciens ou neufs ont plongé de 30 % environ par rapport au début de l’année », indique ce courtier.
Ce reflux s’est accentué notamment cet été, selon plusieurs courtiers interrogés par TSA. L’agence immobilière Louni propose par exemple un très bel F3 au quartier Belle vue (est d’Oran), avec véranda (terrasse) à 12 millions de dinars. «Ce même appartement était proposé à 18 millions de dinars, il y a trois mois», atteste le gérant de cette agence.
Autre exemple : un F3 (trois pièces) dans une résidence clôturée avec le service gardiennage assuré et un garage pour véhicule, à Hai Yasmine, à l’est d’Oran, est proposé à 13 millions de dinars. «Le même logement aurait été proposé à plus de 16 millions de dinars, il y a quelques mois », relate encore le courtier.
Le haut standing n’échappe pas à la baisse. Un appartement huppé de 120 m2, avec chauffage central et climatisation, dans une cité clôturée avec garage et une cave, est proposé à 15 millions de dinars, alors que son prix atteignait les 18 millions de dinars, il y a quelques mois. Un appartement haut standing dans l’une des trois célèbres tours Mobilart (près de l’Hôtel Sheraton) est proposé à 35 millions de dinars, alors qu’il était à 50 millions de dinars, il y a quelques mois. Ces mêmes baisses sont aussi remarquées sur le site spécialisé dans les annonces, Oued kniss.Le marché locatif, n’est pas en reste.
Les chutes varient entre 10 et 20 %, selon les agents immobiliers. « Un F2 meublé est proposé à 35 000 dinars alors que son équivalent était proposé à pas moins de 50 000 dinars, en janvier dernier », indique M. Belarbi, un courtier basé à la périphérie d’Oran.
« Malgré un effet inflationniste massif d’un environnement macroéconomique du pays, depuis trois mois on constate une nette déflation des prix du marché immobilier en Algérie accentuée par la crise liée à la chute des prix des hydrocarbures conjuguée à une période de surchauffe de l’offre, notamment dans les villes comme Oran, ou les programmes publics de logement ont atteint un niveau record. Le prêt immobilier soutenu par l’État plafonné à 1 % pour l’acquisition d’un logement a aussi contribué à la baisse des prix. Enfin, l’instauration du paiement par chèque a accéléré la baisse des prix », analyse Abdelaziz Benathmane, expert immobilier.
«Les ventes sont bloquées»
Si les prix se sont effondrés à Oran, Alger résiste mais la tendance y est également à la baisse. Dans la capitale, les transactions immobilières ont considérablement reculé ces derniers mois en raison de la crise économique. «Les achats de logements et de terrain cash sont très rares. Maintenant, les clients veulent payer par crédit bancaire », explique un agent immobilier. La décision du gouvernement d’imposer le chèque dans les transactions immobilières supérieures à un million de dinars a plombé le marché.
Le marché de l’immobilier à Alger est carrément «saturé», affirme Abdelhakime Aouidat président de la Fédération nationale des agences immobilières (FNAI). «Les ventes de l’immobilier sont bloquées actuellement», ajoute-t-il, en expliquant que ce blocage est dû au fait que «personne n’a compris comment se passe le paiement par chèque». L’absence de transactions n’a pas impacté les prix, selon M. Aouidat. « Il nous faut au moins un trimestre pour pouvoir nous prononcer sur s’il y a baisse du prix ou pas », affirme-t-il. En réalité, le marché de l’immobilier a amorcé une baisse, il y a plusieurs mois. Faute d’acheteurs, les promoteurs immobiliers multiplient les annonces publicitaires pour vendre leurs logements. «Il n’y a très peu de gens qui achètent des logements neufs, même avec des crédits bancaires. L’AADL a tué le marché», affirme un promoteur immobilier. «Il y a une stagnation des prix des terrains, mais les prix de l’immobilier vont baisser, c’est inévitable», ajoute-t-il. «Avec un parc de plus de 7 millions de logements pour une population de plus de 38 millions d’habitants, l’Algérie reste nettement en deçà des normes internationales admises en termes de taux d’occupation de logement», soutient M. Benathmane. Sur une période de dix ans (2004-2014), l’inflation affectant l’immobilier a ainsi connu une ascension vertigineuse. Les prix se sont multipliés par au mois 10 avant de subir une baisse en 2015. « Avec la crise, les pris vont encore baisser. Pour acheter, il faut patienter », conseille Benathmane .