Une importante foule marchait dimanche à Tunis « contre le terrorisme » après l’attentat sanglant du musée du Bardo.
« Tunisie libre, terrorisme dehors », « Notre pays est plus fort que vous », scandaient les manifestants, dont beaucoup agitaient des drapeaux tunisiens sur l’avenue menant au Bardo, noire de monde.
« Tous ces gens sont venus dire aujourd’hui dire ‘non au terrorisme’ et pour transmettre un message aux terroristes: la Tunisie est intouchable! » a déclaré à l’AFP l’un d’eux, Tayea Chihaoui, qui a dit être venu spécialement de Sidi Bouzid (centre).
La partie populaire du rassemblement est partie vers 11h00 de la place Bab Saadoun pour s’achever devant le musée. Ce bâtiment, qui abrite notamment une exceptionnelle collection de mosaïques, a été la cible le 18 mars d’une attaque qui a coûté la vie à 22 personnes (21 touristes et un policier).

Les invités de marque ont accompagné, eux, à partir de la mi-journée le président tunisien Béji Caïd Essebsi sur une centaine de mètres le long de l’enceinte du musée, avant d’y inaugurer une stèle à la mémoire des victimes.
« Notre patriotisme doit apparaître maintenant », a déclaré la ministre du Tourisme Salma Elloumi Rekik à la télévision nationale. L’attaque était « un grand coup (…) mais ce coup ne nous a pas tués, il nous a rendus plus forts », a-t-elle assuré.
‘Conscience internationale’
Le président Béji Caïd Essebsi avait appelé mercredi les tunisiens à participer massivement à la marche « pour exprimer la force de la Tunisie » et « envoyer un message à l’étranger selon lequel la Tunisie continue sa lutte contre le terrorisme ».
Les présidents polonais et palestinien Bronislaw Komorowski et Mahmoud Abbas prennent part à la marche, tout comme le président français François Hollande et les Premiers ministres italien et algérien Matteo Renzi et Abdelmalek Sellal et les ministres espagnol et néerlandais des Affaires étrangères, José Manuel Garcia-Margallo et Bert Koenders.
« Désormais, tout le monde réagit après chaque attentat terroriste comme si l’attentat était perpétré chez lui. C’est nouveau et c’est important », a déclaré le président Caïd Essebsi au quotidien français Ouest-France.
Divisions
Le parti islamiste Ennahdha, deuxième force politique du pays présente dans le gouvernement de coalition, a appelé ses partisans à participer à la marche « pour exprimer l’unité des Tunisiens face à ce danger et leur détermination à défendre leur patrie et (…) préserver leur liberté ».
La puissante centrale syndicale UGTT a également invité ses membres à y participer « massivement ».
Mais le Front populaire, coalition de gauche et principale formation d’opposition, a annoncé qu’il n’y participerait pas en accusant d’ »hypocrisie » certains participants, dans une claire allusion à Ennahdha.
Le porte-parole du Front, Hamma Hammami, a indiqué ne pas vouloir que la marche soit « un moyen de couvrir des responsabilités (…) autour de la prolifération du terrorisme ».
De nombreux politiques de gauche accusent en effet le parti islamiste de s’être montré laxiste face à la montée de courants jihadistes lorsqu’il était au pouvoir (fin 2011-début 2014) et d’être responsable, voire complice, des assassinats en 2013 de deux membres du Front populaire, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
Face à ces divisions, le quotidien La Presse a évoqué « une bataille absurde », jugeant que « le monde (…) attend qu’on lui prouve qu’on mérite son soutien et la vague de solidarité qu’il nous témoigne à longueur de journée.
L’attentat du 18 mars a été revendiqué par le groupe Etat islamique (EI). Mais le ministère tunisien de l’Intérieur a affirmé que l’assaut avait été dirigé par l’un des chefs de la Phalange Okba Ibn Nafaa, un groupe affilié à Al-Qaïda pourchassé par l’armée depuis plus de deux ans dans les montagnes frontalières de l’Algérie.
De nombreux algériens, affirme-t-il encore, ont fait allégeance à Abou Omar le caucasien et l’ont suivi dans la province de Raqa quand il a prêté allégeance à l’EI. Les combattants algériens, à l’instar de ceux des autres pays du Maghreb, participent et font la guerre, selon lui, sous des noms de guerre et non sous leurs vrais noms.
Le taux de mortalité ou de blessures est élevé parmi les Algériens, selon les chiffres avancés par Fahd Al-Masri. Il estime que 15 à 20 % de ces combattants ont été tués. 10% de ces djihadiste sont hors d’état de combattre en raison des blessures qu’ils ont subis. Ils se soigneraient ou bien en Syrie ou en Turquie s’ils ont la chance de regagner les frontières.
Des Algériens déçus par le Daech sont repartis
Les « terroristes de nationalité ou d’origine algérienne sont des durs », dit-il, et un « grand nombre d’attentat suicide a été commis par ceux qui ont été enrôlés dans Front Nosra et d’autres organisations ». Al Masri note aussi que quelques dizaines de jeunes algériens sont repartis vers leur pays après avoir découvert ce qui se passait réellement en Syrie et la réalité des mouvements jihadistes.
Al-Masri ne donne pas d’indications précises sur le nombre de ces « déçus du Djihad » en Syrie qui se sont retirés rapidement. Il cite le cas de groupes d’Algériens et de Marocains chargés, début 2014, de mener des opérations à Alep et Idleb, censées cibler l’armée gouvernement syrienne.
Mais, « juste au moment de l’engagement des combats, ces jeunes ont découvert que la cible n’était pas l’armée mais des groupes de l’ASL et des forces révolutionnaires qui protégeaient certains villages aussi bien contre Daech et ses « sœurs » que contre le régime… « .
Ces jeunes, affirme-t-il, ont choisi de fuir vers la Turquie et certains d’entre eux ont été tués par Daech et les autres groupes djihadistes.
Pour lui, ces jeunes sont des « égarés », des « dupés » qui sont arrivés en Syrie individuellement et par leurs propres moyens et ont été rapidement pris en main par les réseaux Daech qui se trouvent dans les villes turques frontalières. Il faut souligner, dit-il, que l’ALS et les factions de l’opposition syrienne n’ont pas appelé les arabes ou les étrangers à venir combattre en Syrie.
Selon, Al Masri, le nombre de 30 000 combattants de l’EI est « astronomique ». » Dans les faits, ils ne peuvent pas être plus que 14 000 de 85 nationalités différentes », dit-il avant d’ajouter « c’est les déchets du monde qui se sont amoncelés en Syrie ».
Fahd Al Masri, qui affirme que son centre a des contacts avec les autorités algériennes, estime que les Algériens sont un peu plus nombreux que les Marocains. Mais les plus nombreux, précise-t-il, sont les Tunisiens « qui sont plus de 3000 à combattre dans le rang de Daech et « ses sœurs ».