La Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) aura le défi d’organiser aujourd’hui une marche populaire à Alger, après avoir échoué dans la première manifestation qui a eu lieu le 12 février dernier.
C’est le dernier test pour cette Coordination afin d’évaluer sa capacité de mobilisation. La semaine dernière l’appel à la marche lancé par la CNCD n’a pas drainé des foules, si on tient compte du nombre de syndicats, partis politiques et associations de la société civile qui ont initié cette manifestation. La journée du 12 février a vu la mobilisation de quelque deux mille personnes (250 selon les autorités) à la place de la Concorde (ex-1er Mai), venues exiger le changement et la démocratie en Algérie ainsi que la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis 1992.
A ce chiffre avancé par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), s’opposait l’impressionnant dispositif de sécurité déployé pour empêcher la marche : 30 000 policiers ont quadrillé la capitale. De l’avis de la CNCD, la manifestation de samedi dernier est un succès, car elle a «brisé le mur de la peur».
Pour d’autres, qui s’opposent à l’idée de la marche, ce n’est qu’«une vaine agitation». Rachid Malaoui, du Syndicat des personnels de l’administration publique (Snapap) et membre fondateur de la CNCD, estime que «ce n’est pas le nombre de manifestants qui compte». «L’essentiel c’est qu’on marque le coup. C’est l’action qui vise le changement qui est la plus importante. Et il faut que cela dure dans le temps. C’est pour ces raisons que nous avons opté pour des actions tous les samedis», explique-t-il. Pour ce syndicaliste, la marche de samedi dernier «était un succès fort, n’était la répression des forces de l’ordre qui ont quadrillé toute la capitale».
«La police ne nous a pas laissés marcher. Banderoles et mégaphones ont été arrachés, sans compter, les centaines d’arrestations qui ont été opérées», ajoute-t-il. D’après lui, l’action d’aujourd’hui «a été bien préparée par la CNCD». D’ailleurs, une réunion à huis clos a été tenue hier par les membres de la CNCD pour opérer les dernières retouches de la marche. Les critiques faites par certains partis politiques et certains organes de presse à la CNCD ne semblent pas entamer le moral des organisateurs.
Ils maintiennent leur action malgré la pression. A rappeler que plusieurs formations politiques et organisations ont accusé le parti de Saïd Sadi, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), de tentatives de récupération. Des membres mêmes de la CNCD ont exigé des responsables du RCD de limiter leurs sorties médiatiques. Karim Tabou, secrétaire général du FFS, a estimé, dans une déclaration au journal français Le Monde Diplomatique, que la marche du 12 est un échec. Le numéro deux du plus vieux parti de l’opposition réfute même le nombre de 3 000 manifestants et regrette qu’«au lieu de privilégier le questionnement et une évaluation objective de la situation, les signataires de la Coordination préfèrent la logique des appareils où les gens se suffisent de multiplier les sigles et les activités médiatiques».
Karim Tabou remarque également que les adhérents à la CNCD n’ont pas d’ancrage social et dénonce la présence de personnalités issues du régime, des alliances «infra-politiques», et surtout le rejet du passé qui les porte pour ne se concentrer que sur l’avenir. Pour la marche d’aujourd’hui, qui s’ébranlera aussi de la Place de la Concorde à la Place des Martyrs, les pouvoirs publics n’ont pas déployé de grands moyens. Au Champ de manœuvres, un dispositif sécuritaire beaucoup moins impressionnant que celui déployé lors de la marche du 12 a été mis en place.
Les policiers ne paniquent pas. Les habitants du quartier non plus. «En tous cas, la foule sera moins importante que samedi dernier», commente un commerçant. Tout le monde prédit que la marche d’aujourd’hui sera caractérisée par le peu d’engouement du peuple, des jeunes notamment. Toutefois, des risques de dérapages ne sont pas à écarter. Les barrages de contrôle, ceux de l’Est de la capitale comme ceux de l’Ouest, procédaient hier à des fouilles systématiques des automobilistes et des bus des voyageurs.
Selon certaines indiscrétions, les habitants de Belcourt et du 1er Mai préparent également une contre-marche pour soutenir le régime en place. Une démarche dangereuse dans la mesure où un simple affrontement entre les deux parties antagonistes peut engendrer de violentes émeutes.
Par Hocine Larabi