Manifestation de Décembre 1960 «Un seul héros, le Peuple»

Manifestation de Décembre 1960 «Un seul héros, le Peuple»

Des manifestations pour l’indépendance de l’Algérie éclatent, en décembre 1960, dans plusieurs villes algériennes et notamment à Alger et ses quartiers populaires, à Belcourt (Belouizdad) , au quartier de Diar el Mahçoul à Salembier (El Madania), à El Harrach, à Kouba, à Birkhadem, à la Casbah et au Climat de France (Oued Koriche).

Ces manifestations avaient été organisées pour soutenir le FLN ( Front de Libération Nationale) et le GPRA (Gouvernement Provisoire de la Révolution Algérienne) pour l’indépendance de l’Algérie. Ces manifestations prennent vite l’allure d’un soulèvement populaire contre le colonialisme et la population affrontera directement les forces de l’ordre et les militaires. Cette démonstration populaire et nationaliste est venue en réponse aux manifestations des colons qui appelaient à une Algérie française, lors de la visite du général de Gaule en Algérie.

Les manifestations, qui durèrent plus d’une semaine, s’étendirent également à plusieurs villes algériennes Ain-Témouchent, Chlef, Blida, Constantine, Annaba et autres au cours desquelles le peuple portait les mêmes slogans, à savoir «Algérie algérienne et musulmane», « lgérie indépendante», «Liberté», «Vive le GPRA», «Vive le FLN».

Le 16 septembre 1959, sous la pression de la lutte armée et politique des Algériens, le général de Gaule avait déclaré dans un discours « le droit des peuples à disposer d’eux même », et avance l’idée d’un référendum d’auto-détermination sur la question algérienne.

Après le «Je vous ai compris», prometteur pour les français d’Algérie, prononcé dans un discours en mai 1958, à Alger, à l’adresse de la population française d’Algérie, le discours du 16 septembre 1959 sur l’auto-détermination va provoquer un sentiment de désespoir chez les français épousant la thèse de l’Algérie française. C’est alors que les pieds-noirs (français d’Algérie), perdant espoir politiquement, se mettent à organiser des manifestations contre la venue du général De Gaule en Algerie, et à organiser des grèves et de la désobéissance civile. C’est à cette époque que commençaient à naitre des groupes de pieds-noirs, s’opposant par tous les moyens à la politique d’autodétermination mise en place par le général De Gaulle à partir de la fin de l’année 1959, pour former par la suite la sinistre OAS (Organisation de l’Armée Secrète) le 11 février 1961 à Madrid, par Jean-Jacques Susini et Pierre Lagaillarde, ralliant par la suite des militaires de haut rang, notamment le général Raoul Salan

Le déclencheur de ces manifestations n’était autre que le revirement du général de Gaulle qui s’est subitement éloigné de l’autodétermination promise lors de son discours de septembre 1959 pour se lancer dans le fumeux concept de «l’Algérie algérienne» prononcé lors de sa tournée en Algérie du 9 au 12 décembre 1960. En fait, son idée était de faire cohabiter les français et les Algériens autochtones d’Algérie, et de ce fait laisser les pieds-noirs avoir la haute main sur la conduite des affaires du pays. Les Algériens avaient compris la manœuvre, c’est pourquoi ils sortirent en masse, spontanément selon certains, sur ordre du FLN selon d’autres, dans les rues et quartiers pour manifester leur adhésion à la lutte pour l’indépendance. Ces manifestations, pour la cause algérienne, sont une démonstration de force, au moment où l’Assemblée Générale de l’ONU, qui a inscrit la question algérienne à son ordre du jour le 20 juillet, doit en délibérer le 19 décembre 1960. Est-ce un hasard ou bien c’est venu à la suite d’un ordre du FLN et du GPRA ?

Certains historiens avancent que les manifestations du 11 Décembre 1960 sont considérées comme étant le second souffle de la Révolution algérienne et comme un tournant décisif dans l’histoire de la guerre de Libération nationale. Devenant une étape importante dans le mouvement national, ces évènements ont dévoilé au monde entier la réalité du colonialisme français et ont exprimé l’unité du peuple algérien ainsi que sa mobilisation derrière le Front de libération nationale (FLN). Ce jour-là, les Algériens sont sortis dans la rue pour crier leur refus du colonialisme et exprimé haut et fort leur attachement à l’indépendance et à la liberté. Scandant des slogans traduisant l’aspiration du peuple à une «Algérie musulmane et indépendante» et clamant leur soutien au FLN, à l’Armée de libération nationale (ALN) et au GPRA, en brandissant haut les drapeaux algériens, les manifestants ont écrit une page glorieuse de l’histoire de la résistance du peuple algérien face au colonialisme français. Réprimées dans le sang par les forces d’occupation françaises, ces manifestations ont fait des centaines de victimes parmi la population algérienne, dont des enfants.

Profitant de la présence de nombreux journalistes français de la métropole et étrangers, venus couvrir la visite officielle du général De Gaule en Algérie, ces événements du 11 Décembre 1960 ont eu, au plan international, le mérite de faire entendre la voix de l’Algérie au niveau des organisations internationales et de l’opinion mondiale. En effet, quelques jours après ces évènements, l’Assemblée générale de l’ONU adoptait une résolution reconnaissant le droit du peuple algérien à l’autodétermination et à l’indépendance. Ces démonstrations populaires ont eu, aussi, pour conséquence l’élargissement, à travers le monde, du cercle de soutien à la cause algérienne et à la lutte du peuple algérien pour son indépendance et sa liberté. « Si le 1er Novembre 1954 a été le déclenchement de la guerre de Libération, le 11 Décembre 1960 a été la proclamation solennelle de l’indépendance de l’Algérie », a souligné un ancien membre du réseau « El Malik » qui avait infiltré les manifestations après une réunion tenue à Belcourt, la nuit du 11 décembre 1960. Il ajoute «Le monde entier a su, ce jour, qu’il n’y aura plus de concessions. Le peuple algérien n’acceptait plus aucune autre solution que l’indépendance totale. Ces manifestations étaient censées accueillir le général De Gaulle, arrivé en Algérie, 2 jours avant, pour promouvoir, auprès du peuple algérien, son projet controversé d’élections libres pour une autodétermination ». Il affirme que «c’est le Mouvement pour la communauté (MPC), allié de De Gaulle, qui a initié les manifestations et que le FLN n’a fait que les récupérer par la suite». Il ajoute ceci : «le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), basé à Tunis, appelait les Algériens à ne pas se mêler, au début des manifestations des pieds-noirs, puisqu’il s’agissait d’une affaire franco-française. Partout où De Gaule passait, la tension montait entre les Ultras, qui rejetaient le projet de l’Algérie algérienne de De Gaulle, et les Gaullistes qui le soutenaient.

Ce sont Bettouche Belkacem et son adjoint Benslimane Youcef, tous deux enfants d’Alger et anciens de la Bataille d’Alger, qui se chargèrent de transmettre aux militants l’instruction de lancer des slogans dictés par le FLN, tels que Vive le GPRA, Vive Ferhat Abbas, Vive le FLN ». Dans une conférence de presse le 12 décembre 1960 à Tunis, le président du GPRA, Mr. Ferhat Abbas, avait déclaré que «dans le but de tromper l’opinion internationale, le gouvernement français a voulu, de toute évidence, faire plébisciter sa politique dans notre pays.

L’armée et l’administration colonialistes qui ont laissé se développer les manifestations et les provocations des ultras ont tenté de susciter par ailleurs chez les Algériens des mouvements en faveur des statuts», avait-il dit soulignant que le peuple algérien «avance à grands pas vers la liberté ». De son côté, M. Abdelhamid Mehri, membre du GPRA, sollicité en marge du Colloque international sur Enrico Mattei et la guerre de Libération, a souligné qu’il ne faut percevoir la mobilisation du peuple algérien, le 11 Décembre 1960, comme une action isolée mais comme «une concrétisation d’une stratégie de la Révolution qui a allié tous les moyens de lutte depuis la déclaration de la guerre jusqu’à la victoire». Pour le regretté Abdelhamid Mehri, «ces manifestations ont été préparées psychologiquement et politiquement. Le résultat des évènements, quel que soit leur initiateur, a été splendide et la voix de l’Algérie algérienne et indépendante s’est faite entendre dans le monde entier de par la présence des journalistes des quatre coins de la planète venus pour couvrir la visite du président français Charles de Gaulle »Il est vrai qu’aucune instance habilitée n’a pu revendiquer le déclenchement de la manifestation, même si les organisations de base du FLN, de l’ALN et même du PCA (Parti Communiste Algérien) clandestin ont participé ensuite à son animation. D’ailleurs on disait à l’époque «Un seul héros le peuple» .