Fallait-il interdire la manifestation pro-palestienne de samedi 19 juillet à Paris ? Le gouvernement a justifié dimanche une nouvelle fois sa décision, malgré les violences qui ont dévasté le quartier de Barbès.
Des milliers de manifestants avaient convergé dans le nord de la capitale samedi après-midi, bravant l’interdiction des autorités. Mais le rassemblement a rapidement basculé, laissant place à des heures d’affrontements soutenus avec les forces de l’ordre.
17 policiers et gendarmes ont été blessés et 44 personnes interpellées. 19 personnes se trouvaient toujours en garde à vue ce dimanche matin.
« Irresponsabilité » des manifestants
Face à la polémique naissante, le Premier ministre Manuel Valls a défendu la décision de son ministre de l’Intérieur :
Ce qui s’est passé hier [samedi] encore à Paris, des débordements inacceptables, justifie d’autant plus le choix qui a été fait […] d’interdire une manifestation », a-t-il déclaré lors de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv à Paris.
« La France ne laissera pas les esprits provocateurs alimenter je ne sais quel conflit entre les communautés, a ajouté le Premier ministre. On a entendu ‘mort aux juifs !’. Une fois de plus. Une fois de trop ! »‘
La polémique a notamment été alimentée par l’observation, soulignée par plusieurs élus, des rassemblements, nombreux et autorisés, en province qui n’ont donné lieu à aucun incident grave samedi.
« Ce qui a occasionné les débordements d’hier, à Paris, a affirmé le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, c’est l’irresponsabilité de ceux qui […] ont bravé cette interdiction ».
Le 13 juillet, une manifestation en soutien aux Palestiniens avait donné lieu à des violences entre manifestants et militants radicaux de la Ligue de défense juive (LDJ) aux abords de deux synagogues parisiennes.
Rappelant ces violences, Bernard Cazeneuve a expliqué avoir « interdit cette manifestation car elle pouvait être l’occasion d’affrontements, de diffusion de propos de haine qui sont le contraire de la République ».
« Eviter les affrontements communautaires »
L’opposition n’a pas tardé à pointer « l’erreur » ou la « provocation » qui consistait, selon plusieurs élus, à interdire.
Le gouvernement « a fait une forme de provocation » en interdisant la manifestation pro-palestinienne et n’a pas « su affirmer l’autorité de l’Etat », a jugé Yves Jégo, candidat à la présidence de l’UDI.
« Pourquoi ne pas l’avoir autorisée ? Et ainsi pouvoir l’encadrer », s’est demandé sur Twitter l’élu UMP du 18e arrondissement de Paris et secrétaire national de l’UMP, Pierre-Yves Bournazel.
Je m’interroge sur le choix d’interdire la manifestation. Pquoi ne pas l’avoir autorisée? Et ainsi pouvoir l’encadrer 4/6
— PierreYves Bournazel (@pybournazel) 19 Juillet 2014
Le FN y avait vu un « échec patent », le quartier ayant été mis « à feu et à sang ».
Le NPA (Nouveau parti anticapitaliste), seul parti à avoir appelé à la manifestation pro-palestinienne interdite à Paris, avait estimé dès samedi que François Hollande et le gouvernement « ont enclenché une épreuve de force qu’ils ont finalement perdue ».
« Provocation » du gouvernement
Dimanche plusieurs responsables à gauche ont également jugé le gouvernement pour partie responsable des débordements de samedi.
« L’interdiction est venue nourrir une certaine radicalité » dans cette manifestation, a affirmé l’élu PS de Seine-Saint-Denis Razzy Hammadi. « Des manifestations aux quatre coins de la planète se sont bien passées, et pas en France où elle était interdite », a-t-il relevé, pointant « une erreur » du gouvernement.
Pour Marie-Françoise Bechtel, députée chevènementiste de l’Aisne, par cette interdiction la France « a favorisé les troubles constatés hier dans cette seule ville » à Paris.
L’interdiction de la manifestation « était bien une provocation et une manipulation », a pour sa part affirmé le parti de Gauche.
La police se défend
Un haut responsable policier a défendu, de son côté, la stratégie des forces de l’ordre : « L’un des objectifs était d’éviter les affrontements communautaires et il n’y en a pas eu ».
Le rassemblement a été cantonné « parce que si on avait laissé évoluer le cortège, il serait passé non loin de certaines synagogues », ce qui aurait pu engendrer « des incidents », a-t-il ajouté.
« Si un juif avait été pris à partie, si un pro-palestinien avait été tabassé ? Qu’est-ce qu’on nous aurait dit ? », interroge ce policier, affirmant que les services de renseignement « avaient prévu plus de 10.000 personnes si la manifestation avait été autorisée ».
« C’était la guerre en plein Paris »
A Barbès dimanche matin, des banderoles « Free Palestine » ou « ISRA HELL trinquera » restaient accrochées à quelques mètres d’une cabine téléphonique explosée, dont le verre brisé était ramassé.
Des éboueurs dégageaient les restes de palettes brûlées devant une boutique de chaussures aux vitrines en partie brisées, là où deux camionnettes de la RATP avaient été incendiées la veille.
C’est n’importe quoi, c’était la guerre, en plein Paris », s’énervait un commerçant, propriétaire de boutiques dans le quartier. « Pourquoi il n’y a pas un ministre ici ce matin pour dire que ces casseurs vont aller en prison ? ».
Les organisateurs de la manifestation de samedi devaient tenir une conférence de presse dimanche après-midi. Certaines organisations prévoyaient déjà une autre manifestation en soutien aux Palestiniens de Gaza mercredi soir à Paris.