La population civile a fait l’objet d’attaques systématiques et généralisées de la part des forces militaires et policières marocaines
Rabat redoute l’adoption d’une résolution contraignante par le Conseil de sécurité à quelques jours de l’expiration du mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental.
Le pouvoir marocain est incontestablement ébranlé. La décision du juge espagnol qui a lancé un mandat d’arrêt international contre de hauts fonctionnaires marocains, dont un colonel de la gendarmerie royale, un haut fonctionnaire du ministère marocain de l’Intérieur, un ex-gouverneur de Smara (ville occupée du Sahara occidental) et son successeur accusés de «faits de génocide» contre des civils sahraouis a fait réagir les autorités marocaines. Rabat «a pris note avec étonnement de cette décision judiciaire espagnole inédite dans une nouvelle tentative d’exhumer un dossier ancien après celle de 2007, qui s’est révélée vaine et truffée d’erreurs factuelles graves et d’incohérences frôlant le ridicule», indique un communiqué rendu public samedi par le ministère marocain des Affaires étrangères. Pour le ministère, «les faits évoqués datent de plus de 25 ans et pour certains de près de quatre décennies et concernent une période historique très particulière et des circonstances spécifiques liées à des hostilités armées d’une autre époque» reconnaît le document répercuté par l’agence de presse officielle marocaine Maghreb Arab Press. Le gouvernement marocain ne s’émeut pas lorsqu’il il y a mort d’homme. Surtout lorsqu’il s’agit de Sahraouis.
La justice espagnole a décidé de ne pas laisser impunis ces crimes commis entre 1975 et 1991. Il «existe des indices rationnels permettant de juger les onze inculpés pour des faits de génocide», souligne l’enquête menée par le juge Pablo Ruz de l’Audience nationale, spécialisée dans les affaires complexes.

Le magistrat a dénoncé dans un arrêt rendu public le 10 avril 2015 des «attaques systématiques» contre les civils entre 1975 et 1991.Un réquisitoire implacable. «Depuis novembre 1975, date de l’occupation par le Maroc du Sahara occidental (…) et jusqu’en 1991, la population civile a fait l’objet d’attaques systématiques et généralisées de la part des forces militaires et policières marocaines», est-il mentionné dans les conclusions rendues par le juge.
Le magistrat a fait état de «bombardements contre des campements de population civile,»de «déplacements forcés de populations civiles», d’«assassinats, de détentions et disparitions de personnes d’origine sahraouie» écrit l’AFP dans une de ses dépêches datée du 9 avril. Des faits qui ont mis le Maroc aux abois. Rabat redoute l’adoption d’une résolution contraignante par le Conseil de sécurité à quelques jours de l’expiration du mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental. «Les déterrer aujourd’hui préside surtout d’une instrumentalisation politique», écrivent les services de la diplomatie marocaine qui font référence à «l’approche des échéances onusiennes annuelles relatives au dossier du Sahara (occidental, Ndlr)».
Rabat est «disposé à coopérer pleinement avec Madrid pour démontrer le caractère infondé des accusations, mais réitère son refus de principe de toute poursuite judiciaire contre des citoyens marocains à l’étranger pour des faits supposés avoir été commis sur le territoire national et qui demeurent du ressort de la justice marocaine» conclut le communiqué du département de Salah Eddine Mezouar. Une déclaration qui laisse se profiler un probable clash entre les deux royaumes. Comme pour perpétuer ces crises cycliques nées du comportement sadique de ses hauts responsables accusés de pratiquer la torture à l’instar du patron de son contre-espionnage, Abdellatif Hammouchi. Profitant de sa présence sur le sol français, sept policiers s’étaient rendus à la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris au mois de février 2014 pour lui notifier une convocation émanant d’un juge d’instruction suite à une plainte déposée contre lui par l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat). Conséquence: les relations franco-marocaines ont connu une longue période de glaciation. Des conditions «météo» qui s’annoncent identiques avec Madrid. La diplomatie marocaine n’est pas encore sortie de l’auberge…