Management d’entreprise: L’art de communiquer à l’oral

Management d’entreprise: L’art de communiquer à l’oral

Galvanisé par son statut de chef, le manager communique de façon descendante, sans se soucier d’avoir le feed-back sur la faisabilité opérationnelle de l’action.

Les obstacles que rencontrent les managers dans la pratique de leurs missions, deviennent de plus en plus inquiétants dans la mesure où le moindre malentendu est traduit en tension, pour se transformer plus loin, en un véritable conflit qui rend la relation managériale défavorable pour l’entreprise.

En effet, en premier lieu, le manager semble sérieusement affecté par l’issue de la situation, mais il ne se remet jamais en cause. En disposant du statut de manager, il est le chef absolu, qui décide de toutes les opérations et il est seul responsable de la réussite de son équipe. Bien sûr, s’il y a échec, c’est l’équipe qui endosse la responsabilité.

En effet, il tient des réunions périodiques et des briefings avec son équipe, distribue les tâches et les missions et veille à ce que les consignes soient appliquées de façon stricte pour atteindre les objectifs de l’entreprise. Galvanisé par son statut de chef, le manager communique de façon descendante, sans se soucier d’avoir le feed-back sur la faisabilité opérationnelle de l’action. Il marginalise l’état psychique et émotionnel qu’éprouve le collaborateur. Il n’accorde pas du temps à l’observation de la réaction et la relation interpersonnelle de ses éléments, au risque de voir apparaître des conflits insurmontables. Il ne se soucie pas de les convaincre et les rassurer. Comme dit le vieil adage: «Qui sème le vent, récolte la tempête.» Savoir communiquer est un outil impérieux dans la relation managériale. Communiquer à l’oral ne se résume pas à transmettre des instructions à exécuter.

En effet, il s’agit d’un art qui permet à l’individu, quel que soit son champ d’action, d’exploiter des techniques et attitudes appropriées conjuguées à des prédispositions mentales et émotionnelles dont la principale vocation est de gagner la confiance de l’interlocuteur. Le but final étant d’atteindre les objectifs assignés.

Développer une bonne relation managériale est une collaboration à vocation de créer des synergies pour donner des résultats probants. A partir du moment où personne ne peut contraindre son vis-à-vis à faire quoi que ce soit, convaincre devient la condition sine qua non pour faire adhérer son partenaire à sa vision. L’interlocuteur doit être flatté et séduit par l’orateur afin de l’aider à croire au projet et s’approprier l’idée.

C’est ainsi, qu’en se sentant impliqué dans la réalisation du projet, l’interlocuteur ou collaborateur déploiera l’effort nécessaire pour atteindre les résultats. Voici une petite expérience qui m’a impressionné et permis de renforcer mes convictions autour de l’art de communiquer à l’oral. Je me souviens, ce fut un soir d’hiver en 1998, dans mon village en Grande Kabylie. Je rejoignis un groupe de parents et voisins, venus assister à la veillée mortuaire d’un proche parent. Au milieu de ce beau monde, il y avait un vieillard, illettré, d’environ 85 ans, assis au fond de la maison, enfoui dans son burnous blanc, portant sur le crâne une chéchia rouge, bras ouverts et dos au mur. Il prenait la parole de temps à autre pour faire face au silence qui plongeait tout le monde dans le chagrin et par la même occasion, il tenait à rappeler la foi en Dieu et sensibiliser l’auditoire autour des traditions de nos aînés et les bonnes pratiques de l’éducation.

L’auditoire de nos aînés

Le plus remarquable dans cette expérience portait sur la façon de communiquer de Dda M’hand. Malgré le poids des années qui s’étaient accumulées, l’homme n’avait pas perdu de sa verve.

En homme sûr de lui, équilibré et très confiant, il communiquait d’une manière qui attira vite mon attention.

Les bribes de paroles que j’interceptais de temps à autre me contraignirent de m’asseoir pour tendre vivement l’oreille et découvrir ce qui rendait l’histoire aussi attractive.

Cependant, comme les autres, je suis resté immobilisé et concentré pendant un long moment. Je sentais mon coeur battre à forte cadence à l’approche de la fin de chaque phase de l’histoire. J’anticipais, en essayant d’imaginer la suite et ce qu’elle allait apporter de nouveau. Et comme l’évoque le célèbre neurologue Joe Dispenza «l’environnement est le prolongement de notre pensée». Mon cerveau établissait des scénarii et donnait libre cours à son imagination. Il interprétait et synthétisait aussi les propos de Dda M’hand et décryptait les micro-expressions de son visage conjuguées au reste du langage du corps. Inconsciemment, mon cerveau synthétisait l’information et mesurait au fur et à mesure le niveau de sincérité, d’engagement et de passion de l’orateur.

C’est ainsi, que je me suis retrouvé conditionné par ma perception à imaginer une suite plus époustouflante que la précédente.

L’homme avait une façon de communiquer, très simple, mais combien intelligente et fortement convaincante. Sa façon de communiquer obéissait bien aux principes académiques de la communication, enseignés dans les universités. Voici les enseignements tirés de la façon de communiquer de Dda M’hand:

– traitement de la voix et synchronisation: il savait quel ton et rythme à donner à sa voix et se synchronisait avec son auditoire en employant un langage commun, simple et décodable.

– exploitation des gestes: de temps à autre, il utilisait des gestes doux et précis qui accompagnaient ses paroles pour en faire des arguments solides et indétournables.

– traitement du regard: son regard franc et attentionné accrochait l’assistance et l’obligeait à attendre la suite avec impatience.

– écoute active et empathie: doté d’un grand sens de l’écoute, l’homme laissait entrevoir sa compassion à travers le rythme de sa voix, ses gestes minutieux et son regard sincère et attentionné. Il ne s’empressait pas d’insister pour convaincre ou d’interrompre pour s’imposer et se défendre. Il observait le silence et veillait à écouter attentivement la moindre réaction de son auditoire. Toute contrariété venait forger ses convictions.

– questionnement: il ne s’embarrassait pas de demander des explications pour mieux comprendre. Au contraire, en posant des questions, il donnait l’impression de donner de l’intérêt aux idées de l’interlocuteur. Même si au fond, sur le plan psychologique, il ne faisait qu’encadrer le raisonnement de l’Autre, pour l’amener à voir la situation du même angle que lui.

Le son, la voix et le franc regard

Esprit d’engagement: d’autre part, je fus très impressionné par l’engagement qui animait son discours et qui dévoilait la force de son caractère.

– dynamisme et motivation: le dynamisme et la motivation approvisionnaient son attention et son ardent désir à aller au bout de sa volonté.

– passion et abnégation: l’auditoire arrivait autant que moi à intercepter, à travers son attitude et son franc-parler, l’abnégation et la passion qu’il portait au bien être de toute l’humanité en général et de la société, à laquelle, il appartenait en particulier.

– sincérité: le son de sa voix associé à son franc regard donnait de l’assurance, quant à la véracité de ses propos. C’est ainsi qu’il arrivait à gagner la confiance et les coeurs de son auditoire sans le moindre doute.

Cette formule de communication ne souffre d’aucune ambiguïté pouvant traduire négativement les pensées d’un individu aux bonnes intentions.

Au contraire, elle venait si bien conforter la citation de Cicéron: «Si vous voulez me convaincre, vous devez penser ce que je pense, ressentir ce que je ressens et me parler avec mes mots.» Notons qu’éprouver des difficultés à communiquer efficacement à l’oral, c’est hypothéquer ses chances pour devenir un bon manager. Ce fut pour moi un moment d’apprentissage combien bénéfique, une bonne leçon que me donnait Dda M’hand sur l’art de communiquer. En fait, ce vieillard ou dirais-je ce maître, m’a appris que le principe de la communication repose sur l’échange de l’information, le respect et la valorisation de l’Autre. Retenons bien que, savoir communiquer fait de l’individu un bon père de famille, un bon voisin de quartier, un bon manager dans une entreprise et enfin un citoyen au devoir de servir humblement sa société.