Les premières discussions entre le pouvoir malien et les groupes armés Ansar Dine et MNLA ont débuté mardi à Ouagadougou autour du président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur régional, pour chercher une solution politique à la crise au Mali.
Autour de M. Compaoré, médiateur pour la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), se sont retrouvés une délégation du gouvernement malien, conduite par le chef de la diplomatie Tiéman Coulibaly, et des émissaires d’Ansar Dine, l’un des groupes islamistes occupant le nord du Mali, et de la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA).
Cette toute première réunion conjointe est destinée à faire avancer une solution négociée à la crise dans le Nord malien, immense région aux mains des islamistes armés d’Aqmi et du Mujao, qui en ont évincé en juin les rebelles du MNLA, avec qui ils avaient mis en déroute l’armée malienne début 2012.
Avant ce grand rendez-vous au palais présidentiel, M. Compaoré a reçu tour à tour les émissaires de Bamako avec ceux du MNLA, et avec ceux d’Ansar Dine, a-t-on appris auprès des intéressés. C’était la première fois que les envoyés du gouvernement malien échangeaient officiellement avec chacun des deux groupes armés. Lors de leur entretien, qui s’est « très bien passé« , la délégation du pouvoir malien et le MNLA « se sont dits, devant le médiateur, disponibles, disposés à trouver une solution négociée« , a déclaré à l’AFP Moussa Ag Assarid, un porte-parole de ce mouvement touareg.
« Aucun engagement n’a été pris, à part celui d’accepter de se retrouver autour d’une même table de négociations », a-t-il ajouté. Sur le fond, les discussions devraient buter toutefois sur les exigences de chaque camp. Pour Bamako, les lignes rouges de toute négociation sont le respect de l’intégrité territoriale du Mali et du caractère laïc de l’Etat. Or, si Ansar Dine a fortement évolué – sous la pression du Burkina et de l’Algérie – en annonçant renoncer à imposer la charia (loi islamique) dans tout le Mali, ce mouvement essentiellement composé de Touareg maliens exige toujours de pouvoir la faire appliquer dans les zones sous son contrôle.
L’Afrique attend l’ONU
Dans ses fiefs, Ansar Dine impose une version rigoriste de la charia, comme les deux autres groupes islamistes contrôlant la zone, les jihadistes surtout étrangers d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Quant au MNLA, groupe marginalisé sur le terrain mais toujours considéré comme un acteur-clé, il estime avoir fait beaucoup en enterrant sa revendication d’indépendance pour ne plus plaider que « l’autodétermination« .
Mais le pouvoir malien réclame « une renonciation solennelle et formelle du MNLA à ses visées indépendantistes et d’autodétermination« , a expliqué Tiébilé Dramé, membre de la délégation de Bamako. Ces difficiles discussions sont très critiquées par certains acteurs politiques maliens, hostiles à tout compromis. Mais si elles aboutissent, l’intervention militaire africaine actuellement en préparation devrait ne viser que les « terroristes« , Aqmi et le Mujao.
Les Nations unies doivent se prononcer en décembre sur cette intervention. Comme la Cédéao, le chef de l’Etat béninois Thomas Boni Yayi, président en exercice de l’Union africaine, et le président tchadien Idriss Deby ont lancé mardi « un appel » à l’ONU pour qu’elle autorise « d’urgence » le déploiement de cette force. Les dirigeants africains ont été très déçus par le dernier rapport du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Tout en jugeant que la force serait « sans doute nécessaire en dernier recours contre les plus extrémistes » des groupes armés, il a averti des risques humanitaires et politiques.
La représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, a souhaité de son côté « un cadre crédible pour des négociations Nord-Sud » en vue d’une « solution durable » au Mali. L’UE a donné son accord de principe pour dépêcher au Mali une mission de 250 formateurs chargés d’y entraîner quatre bataillons de 650 soldats maliens, en vue de l’intervention dans le Nord.