La déclaration d’indépendance du nord du Mali, vendredi à l’aube, par la principale composante de la rébellion touareg, a cueilli à froid les politiciens maliens comme étrangers. Les condamnations, tant en Afrique qu’en Occident, se sont accumulées. Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) revendiquait certes, comme son nom l’indique, la partition du Mali et la liberté totale pour la partie nord du pays, «l’Azawad», la terre de pâturage en touareg, un grand territoire aux frontières floues. La revendication datait du début des années 1960 entretenant un état de guerre quasi permanent entre Bamako et les Touaregs. Or l’offensive des différentes factions de la rébellion qui, en une semaine, ont pris le contrôle des trois principales villes du Nord, Kidal, Gao et Tombouctou a rendu cette indépendance idéaliste possible. «C’est un rêve de 50 ans qui se réalise», expliquait récemment au téléphone depuis la région de Tombouctou Mohammed ag Najim, le chef d’état-major du MNLA.
Malgré tout le MNLA semblait vouloir faire fructifier ses victoires en sortant d’une logique exclusivement militaire. Le Mouvement avait ainsi fait circuler un document où figurait une liste impressionnante de demandes pour lutter contre la misère très réelle qui sévit dans le nord du Mali mais qui évitait toutes exigences politiques. De même, mercredi, le MNLA avait proclamé «unilatéralement la fin des opérations militaires». Dans ce contexte, la déclaration d’indépendance chimérique a surpris. Économiquement l’Azawad n’est pas viable. «L’État» est en grande partie désertique et ne dispose de presque aucune ressource si ce n’est de réserves supposées de pétrole dans le Nord, des sites aujourd’hui difficilement rentables. Le chaos politique qui règne actuellement fait même courir un grand risque humanitaire aux populations maintenant coupées de toute aide extérieure selon plusieurs ONG. Politiquement, l’idée d’un pays touareg n’est guère plus réaliste. Vendredi, l’Union africaine a assuré que l’indépendance était «sans valeur». Dans une interview au Monde le premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, a assuré que son pays «n’acceptera jamais une remise en cause de l’intégrité territoriale du Mali». La France pour sa part, a rejeté l’indépendance considérée comme «nulle et non avenue». La Cédéao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) menace de recourir à la force.
Laïcs contre islamistes
La brusque annonce semble en fait plus obéir à raisons internes. «Le MNLA devait faire des concessions à sa base qui attend l’indépendance», souligne une bonne source. Laïc, il lui faut aussi et surtout, s’imposer face aux mouvances extrémistes de la rébellion, à commencer par Ansar Dine. Ce groupe salafiste, a pris de l’importance ces derniers temps. Il serait lié à al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) ainsi qu’à d’autres factions intégristes venues du Nigeria voire de Somalie et contrôle Tombouctou ainsi qu’une partie de Gao. Et son chef, Iyad ag Ghaly, est opposé à l’indépendance et entend imposer la charia. «Notre guerre est une guerre sainte au nom de l’islam. Nous sommes contre les indépendances», a expliqué Omar Hamaha, le chef militaire d’Ansar Dine. La création de l’État touareg officialise cette fracture et ouvre la voix à des combats entre rivaux qu’avait déjà annoncés Hama ag Sidhamed, le porte-parole du MNLA.
Le Mouvement se place aussi comme le seul rempart contre les islamistes qui déferlent sur le Mali et met sous pression les États voisins et les Occidentaux pour qu’ils s’engagent à appuyer des revendications futures. Reste à connaître le poids militaire réel d’Ansar Dine et de ses alliés, d’une part, et celui du MNLA de l’autre. Le règlement du problème du Sahel ne fait que commencer. Notons enfin que les familles des sept diplomates algériens, enlevés jeudi au Mali, ont été rapatriées en Algérie, vendredi saines et sauves.