Mali, Institutions dissoutes, Constitution, suspendue, couvre-feu décrété et frontières fermées,Incertitudes à Bamako

Mali, Institutions dissoutes, Constitution, suspendue, couvre-feu décrété et frontières fermées,Incertitudes à Bamako

Une grande incertitude règne à Bamako, c’est le moins que l’on puisse dire. Pendant la soirée de mercredi des militaires ont pénétré dans le palais présidentiel de Koulouba après quelques heures d’échange de tirs autour du bâtiment, dont une partie était en flammes.

Peu après 23 h, la Télévision nationale qui avait cessé d’émettre depuis le milieu de l’après-midi, a repris ses programmes en annonçant une déclaration des militaires. Amadou Toumani Touré, 64 ans, président du Mali depuis 2002, a été renversé par un coup d’Etat fomenté mercredi par un groupe de militaires.

Un couvre-feu a été décrété mais la situation reste tendue dans la capitale Bamako, où des tirs continuaient, jeudi, d’être échangés. Il était presque 5 h du matin ce jeudi 22 mars à Bamako quand les soldats insurgés ont prononcé une courte allocution à la Télévision nationale. Leur porte-parole, le lieutenant Amadou Konaré, parlant au nom d’un comité national pour le redressement de la démocratie, a déclaré que les institutions étaient suspendues. Le coup d’Etat aurait fait au moins un mort et environ 40 blessés, selon des sources concordante. On ignore où se trouve le Président Amadou Toumani Touré. Depuis l’attaque menée par les mutins au palais de Koulouba, nul ne sait où se trouve le Président malien.

Deux versions circulent : Amadou Toumani Touré pourrait se trouver dans un camp militaire en périphérie de Bamako, mais certains évoquent toujours une fuite dans un pays voisin du Mali. Selon une Agence non gouvernementale (ONG), les militaires qui ont annoncé hier avoir renversé le régime du président Amadou Toumani Touré retiennent au moins trois membres de son gouvernement : le Premier ministre, Mme Mariam Kaidama Sidibé, le ministre des Affaires étrangères, Soumeylou Boubèye Maïga et le ministre de l’Administration du territoire, Kafougouna Koné. Ils seraient détenus

« au camp militaire de Kati », ville-garnison à 15 km au nord-ouest de Bamako d’où est partie la mutinerie, d’après la même source.

D’autres responsables et hommes politiques seraient aussi retenus, probablement au camp de la police nationale, dont l’ex-Premier ministre Modibo Sidibé. Les mutins avaient annoncé jeudi à la Télévision nationale qu’ils s’étaient emparés du pouvoir devant l’incapacité du gouvernement d’Amadou Toumani Touré à mater la rébellion touarègue dans le nord du pays. Le soir, les mutins ont ordonné la fermeture de toutes les frontières du pays. Plus aucun avion ne décolle ou n’atterrit à l’aéroport de Bamako.

Les voies terrestres sont également fermées. Ces militaires sont apparus en uniforme à la télévision, ils étaient une vingtaine. Ils se sont présentés au nom du CNRDR, le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat. Leur porte-parole, le lieutenant Amadou Konaré, a expliqué comment et pourquoi ils ont décidé de prendre leurs responsabilités en mettant fin « au régime incompétent et désavoué du président Amadou Toumani Touré ». Ils disent avoir agi face à l’incapacité du régime en place de gérer la crise au Nord. Le président du CNRDR, le capitaine Amadou Sanogo, a annoncé la dissolution des institutions et la suspension de la Constitution. Il a également lancé un appel au calme et a condamné tout pillage. Le mécontentement de l’armée était prévisible. Le mécontentement d’une partie de l’armée malienne n’est pas une surprise. Il était même prévisible.

Depuis plusieurs semaines, la difficulté rencontrée par les militaires maliens face aux Touaregs du Mouvement national pour la libératiad (MNLA) avait rendu fébriles les hommes de terrain et même de nombreux gradés. Les combats entre l’armée malienne et les rebelles du MNLA ont commencé mi-janvier 2012, et très vite le malaise a été perceptible. Le moral des troupes est très vite tombé au plus bas sur le terrain dans le Nord, face aux attaques meurtrières des Touaregs. Dans l’immensité du désert saharien, l’insurrection des Touaregs, en sommeil depuis 2009, s’est réveillée. Mercredi 18 janvier, les rebelles du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) ont lancé une offensive dans le nord du pays à Aguelhok et Tessalit, deux villes proches de la frontière algérienne. La veille, ils avaient déjà tenté de prendre Menaka, près de la frontière du Niger, avant d’être repoussés par les forces maliennes. Revendiquées par la rébellion, ces attaques ont fait 47 morts, selon le gouvernement malien, dont deux victimes au sein de l’armée malienne. L’armée malienne s’est trouvée incapable de résister à la pression des nomades rebelles. L’armée malienne a essuyé plusieurs défaites cuisantes et a de facto cédé aux Touaregs les régions désertes. C’est ce dont les militaires insurgés ont accusé le chef de l’Etat.

En s’emparant du palais présidentiel, ils ont déclaré qu’ils prenaient les rênes du pays et que leur principal objectif visait à réprimer la rébellion des séparatistes. Toutefois, on n’est pas certain que les putschistes y parviennent. Dans une récente interview accordée au Figaro, Amadou Toumani Toure a déclaré que de puissantes forces se trouvaient derrière les Touaregs, et qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique était leur allié. Bamako se retrouve face à une véritable poudrière. Rebellion touarègue au Nord, les trafics d’armes et de drogues pullulent dans l’Azawad, sans compter que le nord du Mali est aussi le théâtre d’opérations d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Un cocktail explosif tant pour les nouveaux dirigeants que pour les pays de la région.

Par : Sadek Belhocine