Les forces françaises ont avancé rapidement au Mali. Peut-être un peu trop rapidement pour investir les principales villes du Nord du Mali qui sont depuis avril 2012 aux mains d’Ançar Eddine aidé par ses alliés du Mujao et d’Aqmi.Constat surprenant à première vue, les féroces salafistes aguerris à la rigueur du désert se sont repliés de Tombouctou, de Gao et de Kidal, un peu trop vite, sans livrer la moindre résistance à des troupes françaises pourtant peu familiarisées avec ce terrain. Il faut aussi se demander pourquoi face à ce redoutable ennemi, la France n’a perdu jusque-là qu’un seul soldat, un légionnaire, en plus du pilote d’hélicoptère qui a trouvé la mort le premier jour de l’opération, plus en raison de la défaillance technique de son vieil appareil que de la riposte de l’ennemi. Une offensive armée, pas une guerre Ce bilan n’est pourtant pas celui d’une guerre. En fait, cette guerre au propre sens du terme a-t-elle jamais eu lieu. Les terroristes seraient bien naïfs d’accepter d’affronter une armée classique sur son propre terrain, avec ses chars et son aviation. Leur stratégie est celle de la guérilla durable. D’ailleurs, le gouvernement français le savait pour avoir averti dès le départ qu’il n’était pas question de faire la guerre à la place des premiers concernés, l’armée malienne aidée par une force africaine. François Hollande savait que la guérilla au Sahel sera longue et coûteuse. C’est pourquoi il a envisagé de lancer une offensive ponctuelle sur le terrain pour sauver le régime à qui il revient en premier de faire la guerre chez lui. L’offensive militaire française n’était pas prévue dans le plan de soutien logistique que l’Union européenne avait prévu au Mali. C’est parce que les groupes d’Ançar Eddine avaient occupé Kona, une localité qui contrôle l’accès vers Bamako, que ce choix avait été fait. Cette offensive devrait prendre fin au début du mois, selon le calendrier fixé par l’état-major français. Doutes sur la force africaine La situation sur le terrain vient de se compliquer à l’approche de cette échéance. La semaine dernière, des dizaines de salafistes ont réinvesti Gao. Un acte suivi de violents affrontements avec les soldats africains avec l’aide du contingent français. Les pertes terroristes sont importantes, selon les bilans officiels. Le contingent tchadien, élite de la force africaine, a subi de son côté des pertes tout aussi sévères. Ces affrontements ont été un test pour le contingent français, qui a dû constater ce qu’il redoutait : l’incapacité actuelle de la force africaine de faire face seule aux groupes terroristes. Au plan politique, la France a été couverte de gloire par ses alliés qui ont puisé dans sa remarquable percée de Gao un motif valable pour ne pas devoir risquer la vie de leurs propres troupes dans une guerre où ils estiment n’avoir rien à y faire. Aujourd’hui, ce sont les groupes terroristes qui ont l’initiative des combats. Ce sont eux qui décident du lieu et du moment des affrontements maintenant qu’ils ont «miné» le champ de bataille. Ce sont également eux qui ont le choix des armes dont la plus redoutable est l’attentat à l’explosif. C’est une nouvelle tournure du conflit armé au Mali, prévisible dès le départ par toutes les analyses des experts du terrorisme qui est en train de prendre forme. Le terrorisme impose sa propre stratégie Les groupes terroristes sont donc en train d’entraîner leurs ennemis sur leur propre terrain, celui de la guérilla. Face à une armée malienne qui est loin d’être au point – déjà qu’elle est confrontée à des divisions entre bérets verts et bérets rouges – et à une force africaine à la motivation peu évidente comparativement aux salafistes qui demandent le martyr, que fera la France au début du mois prochain ? Sortir de ce conflit avant que ses pertes ne soient plus élevées ? Prolonger la présence de son contingent même s’il n’est pas certain que le soutien logistique des pays européens ne fera pas pencher sensiblement le rapport de force sur le terrain en faveur des armées africaines ? Au regard du rapport de force qui se dessine sur le terrain, les experts sont formels. Les terroristes ont les moyens de reprendre pied dans les villes qu’ils ont évacuées, sitôt entamé le repli du contingent français du champ de bataille et même de pouvoir pousser leurs forces encore plus vers Bamako. La raison de ce scénario du pire, auquel adhèrent les experts, est évidente. A ce jour, il n’y a pas eu de stratégie de lutte globale contre le terrorisme au Sahel. Par contre, Aqmi, le Mujao et les groupes salafistes qui prolifèrent dans le Sahel, eux, ont une stratégie. La guérilla financée par l’argent des prises d’otages, même s’il faut aller les chercher au Cameroun. Hania A. |