L’instruction du ministre de l’Education portant interdiction des cours particuliers, qualifiés d’anarchique et d’anti pédagogique, n’a pas eu l’effet escompté.
Les parents soucieux, à tort ou à raison de l’avenir de leurs enfants, cherchent à tout prix que leur progéniture réussisse et obtienne le meilleur résultat, dans le but d’avoir une bonne base qui leur permettra de décrocher leurs examens avec mention.
Les cours de soutien sont la formule adoptée par un grand nombre de familles. L’engouement pour ces cours semble n’avoir jamais été aussi large.
C’est devenu presque une mode ces dernières années, à tel point que même si le ministre de l’Education réussira à interdire ces cours dans les écoles publiques, les enseignants continueront à dispenser des cours à domicile, tant que la demande sur ces derniers est de plus en plus importante dans notre pays.
Pour les parents d’élèves, les cours de soutien apparaissent parfois comme la seule planche de salut pour leurs enfants en proie » à la médiocrité scolaire » et « la défaillance du système éducatif algérien ». Les parents d’élèves recourent habituellement aux cours particuliers pour améliorer les notes de leurs enfants et combler leur faiblesse.
Il suffit parfois d’un coup de pousse pour que ces derniers, faibles dans une quelconque matière, surmontent leurs difficultés scolaires et remettent le pied à l’étrier. Le recours à cet enseignement » informel » s’observe tout au long de l’année. La demande de ces cours ne se limite pas uniquement à la préparation des examens, de nombreuses familles paient les services d’un professeur pour leurs enfants qui sont encore à l’école élémentaire ou moyenne.
COMBIEN ÇA COÛTE ?
Les cours de soutien sont assurés généralement par les enseignants en fonction, comme par ceux à la retraite et même parfois par des étudiants. Cependant, tous les parents n’ont pas les moyens d’assurer cette mission de sauvetage pour leur progéniture.
Les enseignants qui assurent ces cours, ont recours à des moyens les plus simples pour se faire un peu de publicité : l’affichage, le bouche à oreille, des annonces sur les journaux ou même sur des sites Internet spécialisés. Les tarifs pratiqués sont loin d’être à la portée des familles à faibles revenus.
En effet, le fleurissement de cette activité, soulève de nombreuses problématiques, parmi lesquelles les prix élevés, que proposent les professeurs. Ces derniers sont variables selon le type de cours que les parents choisissent pour leurs enfants.
Les honoraires s’élèvent parfois jusqu’à 1 400 DA l’heure pour les classes de terminale. « C’est le tarif des cours de mathématiques et de physique du programme des classes de terminale », nous informe un parent d’élève. Pour les élèves du primaire et du moyen, ces cours leur reviennent à 1 400 dinars par élèves, le mois (mathématiques, physique, sciences, français… et 1 000 DA pour l’anglais. Les étudiants qui dispensent ces cours sont moins payés.
« Ma fille aînée rame en anglais, français et en math, le cadet lui, a pris en grippe la physique, les maths et les langues étrangères, j’ai opté pour les cours particuliers mais ça coûte cher ! 1 400 DA le cours par mois, je ne pouvais pas tout payer, cependant, j’ai choisi les maths pour l’aînée et la physique pour le cadet « , dira une femme au foyer à Télemly avant d’ajouter : » Si le niveau de l’enseignement dans nos écoles est de bonne qualité, je ne serai pas dans l’obligation de payer des cours de soutien pour mes enfants « .
Sa voisine, par contre, ne voit pas d’inconvénient de payer cher ces cours particuliers à sa fille, qui passera le BEM cette année. » La réussite de ma fille est plus importante pour moi que mon argent. Je suis convaincue que les leçons auront l’effet désiré sur ma fille « , rassure-t-elle.
QUEL RÉSULTAT ESCOMPTER ?
Parfois le niveau des cours donnés reste en deçà des attentes de certains élèves. Sur ce point, les professeurs sont catégoriques. Selon une professeur de français, » il y a deux catégories d’élèves ; il y a ceux qui sont demandeurs et ceux qui sont contraints par leurs parents.
Pour ces derniers, je ne peux pas faire grand-chose. ” » Si l’élève vit ses cours particuliers comme une corvée, il y a en effet peu de chances qu’il en tire le moindre bénéfice « , dira-t-elle. “Pour cette même raison, mieux vaut que ces cours de soutien soient limités dans le temps, sinon, avance telle, l’élève peut s’imaginer que les cours particuliers qu’il reçoit, le dispensent de travailler en classe » !
Ce qui serait tout à fait contreproductif… Son amie qui n’a rien à voir avec l’enseignement, mais qui a donné quelques cours de base le confirme : « J’ai donné des cours de soutien, il y a quelques années et j’ai constaté que le plus difficile est de faire comprendre aux élèves que nous ne sommes pas là, pour faire leurs devoirs à leur place, mais plutôt pour leur expliquer ce qu’ils n’ont pas compris, et ce qu’ils doivent faire. »
POUR OU CONTRE LES COURS PARTICULIERS ?
La faiblesse des cours prodigués dans les écoles, a créé ce » business » lucratif, qui s’est proliféré ces dernières années. Rare sont les écoliers qui ne sont pas inscrits chez un enseignant pour améliorer leurs connaissances dans telle ou telle manière. Les professeurs qui dispensent ces cours, ont trouvé dans ce créneau, un moyen approprié pour arrondir leurs fins de mois.
Il n’y a pas de temps fixe pour donner ces cours ; les aprèsmidis, les week-end, après la fermeture des établissements scolaires, tous les temps sont adaptés pour donner des cours de soutien.
Pour Wahiba, enseignante d’anglais, dans un CEM à Ruisseau : » Moi je me déplace chez des familles à Bab El Oued, pour donner des cours de soutien à leurs enfants à partir de 17h. Je touche jusqu’à 1 400 DA, chaque jour, par élève. Ce qui me plaît le plus, c’est l’hospitalité et la confiance que nous accordent les familles.” » Mes élèves assimilent mieux les cours et leurs résultats aux examens ont nettement évolué.
Tout le monde est content. Je ne vois pas pour quelle raison, ils veulent éradiquer cette pratique ? » S’interroge-t-elle. Pour Soraya, professeur de français à Ben Aknoun, les cours de soutien sont considérés comme une véritable bouée de sauvetage aux yeux des parents, car l’école algérienne n’est plus en mesure d’assurer pleinement sa mission.
Le recours à ces cours palliatifs est devenu une nécessité absolue pour combler les insuffisances de l’école. Je suis pour les cours de soutien, seulement, l’Etat doit réguler cette activité et procéder à une évaluation continue, ce qui permettra d’avoir une visibilité plus claire.
Hakim, professeur de mathématiques dans le secondaire, dit qu’il donne des cours de soutien depuis des années, pour gagner des sous supplémentaires. » C’est à peine, si le salaire que je perçois, réponde à mes besoins de location et les frais de mes déplacements.
Et puisque les familles des élèves que j’enseigne sont satisfaites des résultats, pourquoi arrêter ! « , dira t-il. Les parents d’élèves semblent parfaitement adopter cette formule d’enseignement. Pour eux, ces cours supplémentaires permettent aux enfants d’améliorer leur niveau. Djamila, parente d’un élève au primaire raconte : » Mon fils apprend beaucoup depuis qu’il reçoit des cours particuliers et son niveau s’améliore, surtout dans les langues étrangères.
Au lieu de songer à arrêter définitivement ces cours, il serait plus judicieux de les réglementer ou bien d’améliorer nos écoles, afin que nos enfants puissent apprendre mieux « , dira t- elle. Après leur prolifération, le ministre de l’Education nationale a décidé de s’attaquer à ce phénomène.
Au tout début de cette décision, les directions de l’éducation ont été destinatrices de circulaires interdisant formellement aux directeurs d’écoles et aux inspecteurs de l’enseignement de prodiguer des cours privés. Il a promis par la suite, l’interdiction de cette pratique.
Pour cela, une enveloppe financière de 83 milliards de dinars, a été dégagée pour assurer les cours de soutien, sachant que le coût dérisoire fixé par le département de l’Education, est de l’ordre de 360 DA/heure. Les syndicats de l’Education ne sont pas convaincus de l’initiative de Baba Ahmed.
Le phénomène continuera d’exister selon eux. Pour le CLA, Conseil des Lycées d’Algérie » Les enseignants vont continuer à prodiguer des cours chez eux. Car, en dispensant des cours chez lui, l’enseignant gagne jusqu’à 1 400 DA/jours et par élève ; alors qu’avec la nouvelle décision du ministre, il gagnera à peine la moitié, avec une classe de 20 élèves minimum. « , at- il déclaré.
Pour lui, il faut que la tutelle s’attelle à améliorer les conditions de travail de l’enseignant avant de s’attaquer à ce problème, qui se réglera de lui-même, une fois les problèmes majeurs réglés, notamment, la surcharge des classes, du volume des programmes. La résolution de ces lacunes mènerait inéluctablement, à enrayer le phénomène des cours particuliers. Des problèmes devant lesquels la tutelle fait l’autruche.
Le Snapest (Syndicat National des Professeurs de l’Enseignement Secondaire et Technique), rejettent le tarif déclaré par le département de l’Education (360 DA/heure). Le syndicat prône, toutefois, la revalorisation des heures supplémentaires, de sorte à faire bénéficier le riche comme le pauvre. »
Un décret sur les heures supplémentaires ne serait que bénéfique « , a-t-il souligné. Par ailleurs, le Cnapest (Conseil National des Professeurs de l’Enseignement Secondaire et Technique), dénonce cette décision prise unilatéralement par la tutelle, sans aviser les syndicats.
L. A. R.