Malgré les révolutions et quelques progrès, la presse arabe n’est pas encore libérée

Malgré les révolutions et quelques progrès, la presse arabe n’est pas encore libérée

Les révolutions en Tunisie et en Égypte n’ont pas bouleversé la situation de la presse dans les pays arabes, où elle demeure la plupart du temps contrôlée et censurée, même si, à l’image de la Jordanie et de l’Algérie, certains gouvernements commencent à lâcher du lest.

La Journée mondiale de la liberté de la presse de l’Unesco a lieu mardi et, à ce titre, l’Egypte offre un encourageant symbole: depuis la chute de Moubarak, la presse gouvernementale ne se restreint plus à narrer les seules informations sur le parti au pouvoir et les responsables du gouvernement.



Quant aux médias indépendants, ils jouissent d’une plus grande liberté et ne sont plus soumis aux pressions. Mieux encore: deux nouveaux journaux, au moins, doivent paraître dans les prochains mois, al-Tahrir et al-Horriya, dirigés par des journalistes qui étaient très critiques à l’égard de l’ex-président. Pour autant, malgré les révolutions qui ont balayé Ben Ali, en Tunisie, puis Moubarak, les autres pays arabes, rarement sensibles à la liberté de la presse, n’ont pas soudainement ouvert grandes les vannes. “Globalement, les choses ne changent pas dans la région”, prévient Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF).

“Les journalistes se sentent un peu pousser des ailes et repoussent comme ils peuvent les lignes de la censure, poursuit-il. Mais il n’y aucun pays, à part ceux où les régimes sont tombés, où la situation s’améliore nettement”. “Dans les Etats du Golfe, précise-t-il, il y a même une crispation car ils sentent que leur tour peut venir. Quant au régime syrien, il montre ses muscles, il est très radical”. Mais entre la Syrie, la Libye, l’Arabie Saoudite ou l’Iran, quatre pays systématiquement montrés du doigt par RSF, et le Liban, la Jordanie ou l’Algérie, les situations sont différents. Ainsi à Amman, les critiques contre le gouvernement et les appels aux réformes de la part de l’opposition sont largement publiées depuis trois mois dans la presse, pourtant majoritairement proche du pouvoir. Et si la télévision et la radio, propriétés de l’Etat, se limitent au discours officiel, il existe également 30 canaux de télévisions satellitaires échappant à la censure et plus de 200 sites web d’information qui détournent les tabous en publiant des commentaires anonymes de lecteurs très critiques, même vis-à-vis de la famille royale, ce qui est passible de 3 ans de prison. “Le pays le plus libre de la région a toujours été le Liban, souligne Jean-François Julliard. En Jordanie, ça reste aussi globalement une presse libre”.

En Algérie, la presse écrite, qui compte environ 80 publications, est plutôt libre même si le délit de presse est pénalisé depuis 2001. Le 15 avril, le président Abdelaziz Bouteflika a promis une dépénalisation. Celle-ci laisse cependant très sceptique le SNJ, le seul syndicat de journalistes. Radio et télévision demeurent, eux, l’apanage de l’Etat. Mais là aussi, les choses changent un peu: début février, en pleine effervescence de l’opposition qui préparait des manifestations, le président Bouteflika avait ordonné que les médias audiovisuels assurent équitablement la couverture des partis et organisations reconnues.

Aujourd’hui, la radio interroge souvent l’opposition et la télévision a commencé à le faire, même si les groupements non agréés officiellement continuent d’être boycottés. “C’est bien mieux en Algérie que cela ne l’était avec Ben Ali en Tunisie, conclut Jean-François Julliard. Il y avait déjà un espace de liberté. Et grâce aux révolutions, il s’accroît encore un peu plus”.

RAF