Alors que le sang des Libyens continue de couler, le colonel Kaddafi a préféré envoyer son fils Seif El Islam s’adresser à un peuple qui exprime son ras-le-bol après 41 ans d’un pouvoir bâti sur un système appelé «Djamahiria et commissions populaires».
Le discours tenu par ce fils menaçant de rivières de sang, n’a fait que jeter de huile sur le feu dans un pays en colère. Les Libyens ont choisi de continuer leur contestation qui a atteint hier la capitale Tripoli, marquée par de violents affrontements et l’incendie de bâtiments publics. Les dernières informations révèlent que «plusieurs villes, dont celle de Benghazi, seraient tombées entre les mains des manifestants».
Cependant, beaucoup de spécialistes se demandent à quel titre parle le fils de Kaddafi, s’agit-il d’un héritier qu’on veut légitimer ? Alors que son père avait combattu le système royal en 1969, il est depuis le «Roi».
En tout cas, le fils suit le chemin tracé par son père. Si ce dernier a fait selon un bilan de l’organisation des droits de l’homme Humain Rights plus de 233 morts depuis jeudi, dont 60 pour la seule journée de dimanche dans la ville de Benghazi, le fils menace d’aller vers une guerre civile, car, selon lui, chacun prendra des armes et ce sera «le retour du colonialisme» si les Libyens n’arrêtent pas leur protestation.
Dans un discours qu’il a prononcé dimanche soir en dialecte libyen et dans une gestuelle exprimant la force, Seïf Al-Islam Kaddafi dira que le peuple libyen doit choisir soit de construire une «nouvelle Libye», soit de plonger dans la «guerre civile».
Dans ce cadre, il a ajouté : «La Libye est à un carrefour. Soit nous nous entendons aujourd’hui sur des réformes, soit nous ne pleurerons pas 84 morts mais des milliers, et il y aura des rivières de sang dans toute la Libye».
Au bord d’une guerre civile
Le fils de Kaddafi plus menaçant dira à la télévision libyenne : «Je m’adresse à vous et pour la dernière fois avant de recourir aux armes». «En ce moment des chars se déplacent dans Benghazi conduits par des civils. A Al-Baïda les gens ont des fusils et de nombreux dépôts de munitions ont été pillés. Nous avons des armes, l’armée a des armes, les forces qui veulent détruire la Libye ont des armes», a-t-il lancé.
Dans ce cadre, il a souligné : «Notre moral est au plus haut et le leader Mouammar Kaddafi, ici à Tripoli, conduit la bataille et nous le soutenons ainsi que nos forces armées. Nous ne lâcherons pas la Libye et nous combattrons jusqu’au dernier homme, jusqu’à la dernière femme et jusqu’à la dernière balle». Il dira aussi que «les affrontements sont provoqués par des éléments libyens et étrangers visant à détruire l’unité du pays et instaurer une république islamique», alors que des médias rapportent que Kaddafi aurait «engagé des mercenaires africains pour appuyer les forces locales».
Sur le terrain, rien n’arrête les anti- Kaddafi, car les manifestations ont continué hier dans la capitale Tripoli et d’autres villes.Les armes sont à la portée de plusieurs citoyens. A ce propos, des images qui circulent sur Internet montrent des civils conduisant des chars et d’autres portant des armes. C’est la confusion totale, chaque tribune a ses armes.
Hier encore, l’AFP a rapporté que
«des affrontements meurtriers entre opposants et forces de l’ordre ont gagné Tripoli dans la nuit de dimanche à lundi. Les sièges de la télévision et de la Radio publique ont été saccagés dimanche soir par des manifestants dans la capitale, où des postes de police et des locaux des comités révolutionnaires ont été incendiés».
Des diplomates libyens soutiennent la révolution
Le Premier ministre libyen, Al-Baghdadi Al-Mahmoudi, a indiqué que la Libye était en «droit de prendre toutes les mesures pour préserver l’unité du pays».
De son côté, le représentant permanent de la Libye auprès de la Ligue arabe, Abdel Moneim al-Honi, a annoncé qu’il démissionnait de son poste pour rejoin-dre «la révolution». Un autre diplomate libyen en poste en Chine a lui aussi annoncé sa démission et appelé tous les membres du personnel diplomatique libyen à faire pareil, selon Al-Jazeera. Selon ce diplomate, Hussein Sadiq al Mousrati, il se pourrait que Kaddafi ait déjà «quitté la Libye». Un «combat par armes à feu» a opposé les fils de Kaddafi. Enfin, le ministre de la Justice a également présenté hier sa démission.
La Ligue arabe a enfin réagi en appelant dans un communiqué «à cesser immédiatement tous les actes de violences». Pour sa part, l’Union européenne a condamné «la répression» des manifestations et Paris a demandé la fin des violences. Sur le plan économique, le prix du pétrole connaît une hausse.
Dans tout cela, les Libyens meurent tous les jours. Ainsi, la Libye balance entre le départ du régime et la guerre civile.
Par Nacera Chenafi