En dépit des efforts de l’Etat pour mettre un terme à la bureaucratie, qui exaspère le citoyen, force est de constater que le phénomène subsiste sous de nombreuses formes.
Effectuer une démarche administrative, en Algérie, ça tient souvent du parcours du combattant. En effet, pour le retrait d’une carte magnétique, une carte chifa ou encore un passeport biométrique, il faut attendre entre trois et quatre mois, voire plus.
Finalement les facilités administratives annoncées en grande pompe par les autorités publiques, n’ont pas apporté les résultats tant attendus par le citoyen. C’est vrai que certains documents inutiles ont été retirés des dossiers à fournir mais, attendre quatre mois pour avoir sa carte chifa ou une carte bancaire magnétique reste exagéré.
Dans ce cas, je préfère consacrer une journée entière pour rassembler les papiers demandés dans l’ancien dossier, que d’attendre des mois pour avoir un passeport biométrique ou une carte chifa. C’est inadmissible ! « , s’est plaint un citoyen devant le guichet du bureau de la Cnas. Un tour dans les bureaux de la CNAS, chargés de la remise des cartes Chifa, renseigne clairement sur les lourdeurs bureaucratiques dans son établissement. Censé être le seul laissez-passer pour le remboursement des médicaments, la délivrance de cette carte connaît beaucoup de retard. Des centaines de citoyens en sont privés pour des motifs pas évidents et ils sont contraints de patienter pendant quatre mois.

A ce titre, deux jeunes, de moins de 30 ans, rencontrés dans un centre de la CNAS à Alger, nous ont affirmé qu’ils attendent leur carte depuis déjà quatre mois. Cependant, le retard ne se situe pas uniquement à ce stade. Certains bénéficiaires avancent que leurs cartes Chifa sont inopérantes vu qu’elles n’ont pas été activées. Ils ont eu à le vérifier en les présentant au niveau des officines. Cette carte devrait constituer, à moyen terme, le sésame qui va définitivement éviter à l’assuré social toutes sortes de formalités. Même constat pour la carte magnétique bancaire.
Passeport biométrique, la longue attente
Même son de cloche pour les passeports biométriques. En effet, les nouveaux passeports accusent beaucoup de retard. Après le dépôt des dossiers administratifs, il faut attendre entre 3 et 4 mois pour pouvoir se procurer ce fameux document. Un délai jugé trop long par rapport à celui promis en une semaine par les autorités. Un couac dans la mise en place du passeport biométrique. Plus de 90 jours minimum de délai pour obtenir ce document biométrique. Malgré les promesses des autorités, qui avaient assuré que la délivrance du passeport se ferait au bout d’une semaine, dix jours maximum, l’on assiste à ce délai qui dépasse les trois mois.
Des citoyens rencontrés dans différentes Daïras, ont exprimé leur désarroi suite aux désagréments qu’ils éprouvent pour obtenir leur passeport. Plusieurs demandeurs affirment avoir déposé leurs dossiers depuis plusieurs mois, mais qu’ils n’ont toujours rien reçu. La réponse des préposés aux guichets n’est autre que des arguments bureaucratiques, tel que « patientez et appelez par téléphone après un délai de 30 jours qui succède le dépôt du dossier ». « J’ai déposé mon passeport depuis l’entrée en vigueur du passeport biométrique, et ce n’est qu’aujourd’hui (la semaine passée, NDLR) que je le retire », relate un homme dans la quarantaine, avant d’ajouter que » finalement, les facilités administratives ne peuvent avoir lieu dans un pays gangrené par la bureaucratie ».
Le retard dans la remise du passeport risque de pénaliser les vacanciers, dont certains comptent annuler leur voyage ou décaler leurs projets de vacances. » Trois ou quatre mois pour obtenir un passeport, c’est très long « , se plaint un jeune couple. » Nous devons absolument obtenir le document pour partir en vacances après une année de travail bien méritée. Hélas, depuis plus de 60 jours, nous sommes sans nouvelles de nos papiers « . Un autre citoyen dira : » Je risque de ne pas passer les vacances avec ma famille.
Mes deux filles ont demandé des passeports biométriques, et on m’apprend qu’ils ne seront pas disponibles avant trois mois. Mes vacances risquent d’être gâchées si mes filles n’auront pas leur passeport avant le mois de juillet « . Si en quelques sortes, les délais pour rendez-vous ont été visiblement réduits, c’est l’obtention de ce document qui pose problème.
« J’ai constitué, depuis le mois de mars mon dossier mais, à ce jour, on ne me l’a toujours pas remis, et les jeunes du pré-emploi qui s’occupaient des dossiers de passeports viennent de m’informer que je ne pourrai pas avoir le mien avant trois mois, sauf miracle », s’est plaint un homme qui aspirait passer ses vacances pour la première fois en France. Les employés du bureau d’enregistrement des dossiers admettent ces retards qu’ils imputent cependant à la centrale du service biométrique d’El Hamiz, Alger, qui en serait, selon eux, à l’origine de ce calvaire.
« C’est toujours comme ça. Les citoyens s’inquiètent et appellent tous les trois ou quatre jours, pour se renseigner sur leurs passeports. Ces derniers mois surtout, les délais de délivrance se sont allongés. Ce n’est pas de notre faute, nous, on transmet les dossiers chaque jour à la centrale d’Alger », explique un jeune employé des services de passeport, dans la wilaya de Tizi Ouzou.
Les limites de la volonté politique
Mettre fin à la bureaucratie, tel est le combat que comptent mener les pouvoirs publics. La bureaucratie a anéanti le pays. C’est elle qui a fait naître la corruption. Et c’est aussi à cause d’elle, que le peuple a perdu confiance en son administration. Le gouvernement, conscient de la situation, a multiplié les efforts pour endiguer le phénomène. Mais beaucoup reste à faire. Le vaste projet concernant la lutte « continue » contre la bureaucratie, engagé par le gouvernement, ambitionne de modifier en profondeur la relation des citoyens avec l’administration. Alléger, simplifier, accélérer…
Depuis plusieurs mois, le gouvernement est engagé dans une véritable course contre la montre, pour endiguer ce phénomène, qui gangrène le pays depuis des années. Un vaste plan de modernisation de service public, qui doit se traduire par une réduction de « paperasse » ennuyante tant pour le citoyen que pour l’agent des guichets, a été lancée par le gouvernement. Le but étant de lutter contre les interminables files d’attente qui se forment dès l’ouverture des mairies, des Daïras,……
Ainsi, les citoyens qui travaillent, pourront à leur aise retirer tous les documents dont ils ont besoin sans bousculade ni stress. Le ministre de l’Intérieur avait, auparavant, annoncé des directives qui concernent la lutte « continue » contre la bureaucratie, le respect du citoyen et un service public de qualité. Concrètement, « il sera procédé à l’élimination de 90 % de la paperasse qui s’avère inutile ».
Certes, ces actions apporteront un plus de souplesse aux différentes activités économiques et un gain de temps. Néanmoins, il reste beaucoup d’autres efforts à consentir afin de réconcilier le citoyen avec les services administratifs. Toutes les améliorations de prestations de services demeurent jusque là, de la poudre aux yeux puisque certaines pratiques » bureaucratiques » persistent encore au sein du service public.
Le poids de la » Maârifa »
Pour déposer n’importe quel dossier administratif, il faut d’abord prendre un rendez-vous, qui peut aller jusqu’à un mois. Alors que les chanceux qui ont des connaissances au sein de ces services, peuvent passer directement. Ensuite le jour du dépôt, on vous signifie qu’il faut appeler par téléphone après un ou deux mois du dépôt de dossier, alors que le citoyen se plaint de la négligence de ces employés qui ne prennent pas la peine de décrocher le téléphone.
Approchée sur ce point, une employée nous a signifié : » ils n’ont qu’à recruter quelqu’un d’autre pour s’occuper uniquement du téléphone, là je suis débordée « .Pire encore, certains employés de guichet refusent d’enregistrer plus de dix dossiers par jour. » C’est une réalité. C’est le cas de ma collègue. Elle n’accepte pas de prendre plus de 10 dossiers par jour. Elle juge que c’est de l’exploitation pour elle. Le salaire de pré-emploi n’encourage personne à se fatiguer pour rien ! » Témoigne une autre employée dans une Daïra à Tizi Ouzou.
Même avec l’informatisation des dossiers, les citoyens passent des moments » fous » devant les guichets des Daïras. » J’ai passé deux heures à attendre dans le couloir de la Daïra, pour déposer mon dossier, alors qu’avec les nouvelles réformes administratives, le paramètre temps est censé jouer en faveur du citoyen.
L. A. R.