Maladies rares en Algérie,Un véritable cauchemar!

Maladies rares en Algérie,Un véritable cauchemar!

Des maladies lourdes à gérer

La pénurie des médicaments pour une longue durée menace la vie des personnes atteintes.

Le monde a célébré, jeudi dernier, la 6e édition de la Journée mondiale des maladies rares sous le slogan «maladies rares sans frontières». Des pathologies qui touchent moins de 0.2% de la population, mais qui suscitent une vive inquiétude chez, les parents aussi bien que chez les professionnels de la santé. Avec plus de 30 millions de personnes concernées dans le monde, les maladies dites «rares» ou «orphelines» sont cependant en voie de banalisation. Cette année, plus de 7000 maladies rares différentes ont été répertoriées dans le monde dont 80% sont d’origine génétique. Le mariage intrafamilial (consanguin) fait que ces maladies sont plus fréquentes dans ces populations. Atteignant tous les organes, ces maladies rares sont dues à un déficit enzymatique en raison d’un défaut génétique. L’Algérie a célébré pour la première fois cette journée mondiale. Initiée par l’Association algérienne du syndrome Williams et Beuren, une journée d’études autour des maladies rares destinée au grand public a été organisée en présence des malades, de leurs familles, des professionnels de la santé impliqués dans la prise en charge de ces pathologies, des institutions nationales et locales et des médias. Ces maladies rares sont méconnues en Algérie même chez certains médecins. Le nombre des malades diagnostiqués reste inconnu, et ce, sans parler des personnes non diagnostiquées. D’ailleurs, les premiers cas dépistés en Algérie remontent à 2009! Selon ses organisateurs, cette journée vise à sensibiliser les gens à ces maladies et leurs répercussions sur la vie des malades, diffuser l’information, renforcer la collaboration entre les autorités, les médecins, les pharmaciens, les associations de malades ainsi que les laboratoires pharmaceutiques et d’autres intervenants dans la prise en charge de ces maladies et lutter contre ce fléau. «Chaque mois, cinq nouvelles pathologies rares sont découvertes dans le monde, ce qui représente un véritable enjeu de santé publique. Ainsi, nous avons organisé cette manifestation, comme dans plusieurs pays du monde afin de sensibiliser le public algérien à leur existence», a indiqué Mme Meddad Fayza, présidente de l’association algérienne du syndrome Williams et Beuren. Faisant un état des lieux sur le diagnostic phénotypique des maladies rares, les spécialistes ont informé que le véritable problème consiste en l’absence de moyens. «On a des difficultés à assurer le traitement», le ministère de la Santé a beaucoup à faire pour ces pathologies. Les traitements sont hyperchers, on n’a pas la chance de les avoir et on ne peut pas les assurer. On fait des demandes et on attend au moins trois ans pour les recevoir si ce c’est pas plus. Quant aux thérapies, elles ne sont pas toutes disponibles en Algérie. Les deux qui sont disponibles ne sont pas prises en charge par la sécurité sociale. Cependant, certains malades ont bénéficié d’une thérapeutique ailleurs et ça a bien marché.

Une question d’accès aux médicaments

Selon des spécialistes, ces blocages enzymatiques sont curables. «On peut guérir ces malades et mettre fin à leur cauchemar.» Il suffit d’assurer un dépistage précoce et un traitement rapide pour stopper l’évolution de la maladie. Toutefois, «on ne dispose pas de moyens ni d’experts pour assurer le diagnostic. Le CHU Mustapha est le seul centre capable de faire un diagnostic», ont-ils déploré. Il y a un manque flagrant dans les infrastructures de dépistage et l’accès aux traitements.

Traitement tardif

M.Belkhous Moussa est venu de la wilaya de Tizi Ouzou. Cet enseignant au primaire raconte sa souffrance quotidienne. «Je suis atteint de la maladie Gaucher, une des maladies rares, diagnostiquée depuis 2010»,

a-t-il informé avant d’ajouter: «Je ne vous cache pas, je pleure souvent, j’ai des douleurs atroces à tout moment, c’est insupportable!» Evoquant son cas,

M.Belkhous a indiqué qu’il lui faut au moins 10 flacons chaque 15 jours. «Je n’en prends que cinq, puisque mon traitement, cerezyme, n’est pas suffisamment disponible. Il m’arrive de ne pas prendre de traitement pendant plus de huit mois», a-t-il regretté. Cela, a-t-il expliqué, se répercutera négativement sur mon rendement au travail, je n’arrive pas à accomplir ma mission convenablement et aussi je ne peux faire aucun effort physique. Je m’absente souvent, car la prise du traitement nécessite une hospitalisation de temps à autre, et ce, après avoir parcouru des kilomètres pour arriver au CHU de Tizi Ouzou. Quant à la prise en charge, M.Belkhous estime qu’il y a une bonne prise en charge au niveau du CHU de Tizi Ouzou, où sont traités cinq malades, d’ailleurs je saisis l’occasion pour remercier infiniment le personnel du service de la médecine interne et ma famille, notamment ma femme qui m’a aidé énormément. Pour lui et les cinq autres malades, le sérieux problème réside dans la rupture du traitement.

Quelle politique de santé doit-on adopter?

Malgré les sommes astronomiques allouées par l’Etat, la situation des malades s’aggrave de plus en plus. Un dossier à prendre en charge en urgence. Il faut trouver le plus tôt possible un moyen permettant d’assurer la disponibilité des stocks d’une manière permanente au niveau de la pharmacie centrale (PCH) ainsi que de mettre à la disposition des malades des aliments pauvres en protéine, au niveau des pharmacies. Des décisions pour consacrer un budget spécial pour les maladies rares au niveau des hôpitaux ont été prises par le ministère de la Santé. Toutefois, rien n’a été appliqué, selon des spécialistes. «Nous ne disposons même pas d’un registre pour les malades en Algérie.» Evoquant le dépistage prénatal, certains spécialistes ont précisé que ce dispositif envisage un problème médico-légal. Dans certains cas, le prélèvement coûteux risque de provoquer un avortement. De plus, a-t-on le droit de faire un avortement thérapeutique dans le cas où le foetus est porteur d’une maladie sachant qu’en Arabie Saoudite c’est autorisé? Chez nous, on hésite encore puisqu’il n’y a pas de loi qui autorise ce genre d’intervention médicale. Donc, quoi faire?

Des malades et leurs familles ont exposé leurs problèmes et leurs souffrances quotidiennes. «Le gros problème est la rupture de stock pour de longues périodes allant jusqu’à deux ans, pour certains cas. Ce qui fait que l’état des malades revient à zéro», a souligné une maman accompagnée de sa fillette de cinq ans atteinte de la maladie Gaucher. Une autre maman a soulevé le problème du diagnostic tardif.

«La majorité des maladies sont vraiment méconnues même chez les médecins», a indiqué cette dame. Par contre, les parents venus des wilayas de l’Est, à savoir Constantine et Biskra, ont informé qu’aucune prise en charge n’est disponible sans parler de la non-disponibilité des médicaments. Pour les wilayas de l’Ouest, pas de médicaments qui coûtent excessivement chers, certains malades les achètent de l’étranger, de leurs poches. Certains parents ont soulevé également l’absence des écoles spécialisées et de centres de prise en charge pour la rééducation. La plupart des enfants malades ne sont pas scolarisés. «Un haut responsable nous a dit une fois:

«Celui qui est malade, qu’il reste chez lui», a souligné un parent d’un enfant atteint d’une maladie rare. Aussi, des parents ont parlé de la non-disponibilité des aliments sans protéines, surtout le lait pour les enfants qui doivent suivre un régime alimentaire dans le cas des maladies héréditaires du métabolisme.