Ça y est, ils sont bons pour la guillotine ! Pendant qu’on y est, pourquoi ne pas remettre au goût du jour la Cour de sûreté de l’Etat, juste le temps de juger expéditivement ces nouveaux traîtres à la Nation ? Rassurez-vous : pour former le jury populaire, ce n’est pas du bon monde qui manque ! Depuis samedi soir, on a tendance, dans plusieurs rédactions nationales, à s’ériger en jury, sinon carrément en juges. Les accusés ? Des footballeurs qui ont très mal joué et perdu un match de football. Gravissime crime, vous en conviendrez. Et comme les taureaux ont chuté lourdement, les épées sont de sortie pour une semaine portes ouvertes sur la démagogie.
Les joueurs ont été nuls, nuls, nuls !
Loin de nous l’intention de disculper les joueurs de la sélection nationale de la cuisante défaite face au Maroc. Nous avons dit, dans notre édition d’hier, qu’ils n’ont pas été au niveau escompté. Nous le répétons encore aujourd’hui : sur le plan du jeu, ils ont été nuls, nuls, nuls ! Au regard des moyens qui ont été mobilisés pour les mettre dans les meilleures conditions de préparation, ils ont grandement failli et ils n’ont aucune excuse à faire valoir. Voilà pour le constat. Or, ce n’est pas parce que l’équipe a perdu que ses joueurs doivent soudainement être présentés en malfrats, voire en usurpateurs de l’algérianité. Loin de nous aussi l’idée de nous ériger en «avocats du riche» car ils sont assez grands pour se défendre eux-mêmes. Nous ne faisons, par les rappels qui suivent, que dénoncer un lynchage aux relents malsains qui cachent mal une volonté de soulager une frustration.
Il est né en France, on ne peut pas lui faire confiance !

Que des confrères se mettent à critiquer le contenu proposé par les Verts, cela est tout ce qu’il y a de plus légitime. C’est même parfaitement de leur droit. Cependant, qu’ils se mettent à remettre en cause l’attachement patriotique de certains relève au mieux de l’ignorance, au pire de la mauvaise foi et du mensonge. Peut-être qu’ils n’ont pas bien regardé la liste des joueurs présents à Marrakech, car l’ossature de celui qui avait fait sortir le peuple algérien dans la rue un certain soir du 18 novembre 2009, après un match héroïque contre l’Egypte, était présente au Maroc. Allez, chiche ! Qu’on ressorte toutes les éditions des journaux algériens des derniers jours de novembre 2009 ! On ne peut pas aduler quelqu’un un soir, allant jusqu’à l’ériger en héros national, pour venir découvrir après, comme dans un réveil, qu’il est né en France et que, par conséquent, on ne peut pas lui faire confiance.
Ziani passeur blessé, Yahia buteur blessé, Meghni à la CAN blessé, vous avez oublié ?
Pour certaines mémoires qui se raccourcissent, nous rappelons seulement que trois joueurs nés et ayant grandi en France étaient sérieusement blessés dix jours avant la double confrontation face à l’Egypte (genou pour Bougherra, déchirures pour Ziani et Yahia). Médicalement, ils devaient être out, mais ils ont fait une rééducation express au mépris des recommandations des médecins de leurs clubs respectifs pour pouvoir participer à ces matches. Finalement, ils avaient bien fait de prendre des risques, ils avaient été décisifs (passe de Ziani, but de Yahia à Oum Dormane). Pis, Yahia a rechuté à Khartoum, mais s’est forcé pour participer à la CAN pour, à la fin, être éloigné des terrains pour un peu plus d’un mois, après le retour d’Angola. Une confidence : le joueur de Bochum n’a pas été payé durant deux mois par son club. Les gens ne le savent pas, car ne voulant pas passer pour une pleureuse qui monnaye son patriotisme pour deux malheureux salaires, Yahia avait tenu à ce que cette information ne soit pas rendue publique en temps voulu. Nous décidons unilatéralement de la publier aujourd’hui (et qu’il nous excuse pour la liberté que nous prenons à le faire sans l’avoir consulté) pour faire taire certains qui dégainent aussi rapidement qu’ils sont lents à la détente. Autre exemple : Mourad Meghni qui, non seulement est né et a grandi en France, mais a été également sacré champion du monde avec le France. Eh bien, parce qu’il avait tenu (avec l’aval du staff médical algérien) à participer à la CAN-2010, alors que les médecins de la Lazio lui avaient recommandé de subir une intervention chirurgicale sur son genou, il en est à un an et demi sans avoir rejoué un match de football. Que dire alors de Ziani, autre «Français», version mauvaises langues, qui aurait pu rester à Wolfsburg à toucher un salaire royal sans jouer, mais il a préféré aller vers la lointaine Turquie afin d’avoir du temps de jeu et être compétitif pour la sélection ? Ne parlons pas de Yebda qui, au soir de la victoire face au Maroc à Annaba dont il avait été le buteur, avait sa photo à la une de tous les journaux, et à qui, aujourd’hui, il ne manquerait plus que sa photo soit sur des avis de recherche «Wanted». Avec ça, certains viennent affirmer, très sûrs d’eux, que les Algériens évoluant en Europe se donnent à fond dans leurs clubs et font les marioles en sélection !
Heureusement qu’il y a Merakchi !
C’est que c’est presque devenu le sport national au niveau des médias : au gré des humeurs et de la cote des «people» auprès des lectorats, on se met à délivrer des attestations de patriotisme. Vous ne le saviez pas donc ? Les joueurs émigrés ne sont pas patriotes parce qu’ils sont sortis en boîte après le match. Déjà, il faut aller au bout des choses et citer des noms, car nous savons qu’il y en a un bon paquet qui est resté à l’hôtel. Ensuite, c’est hypocrite de prétendre que seuls les émigrés font la fête. Il y a des joueurs locaux qui, eux aussi, font la fête, même après les défaites. A ce titre, nous ne louerons jamais assez les déclarations courageuses de l’ancien international Abdelhamid Merakchi dans lesquelles il a révélé que la majorité de ses coéquipiers de l’époque en sélection sortaient en boîte, et c’était des joueurs locaux. Même à l’époque de la glorieuse Equipe nationale des années 80, ça sortait en boîte. Alors, arrêtons avec cette hypocrisie de prendre tout joueur émigré pour un débauché et tout joueur local pour un sain !
Ziguinchor et les trois défaites à la CAN-98, c’était aussi les émigrés ?
Autre hypocrisie : depuis qu’il y a les joueurs émigrés, l’Algérie subit des humiliations. Décidément, autant la défaite contre la Maroc a provoqué des pics de tension chez les supporters algériens, autant elle a propagé une maladie plus grave : l’Alzheimer. Vous savez, c’est cette maladie qui fait perdre la mémoire. A-t-on donc oublié que la même sélection nationale, qui a été sacrée championne d’Afrique en 1990, à un ou deux éléments près, a reçu un cinglant 3-0 deux ans plus tard à Ziguinchor ? A-t-on donc oublié que la sélection nationale qualifiée pour le Mondial-86 a réalisé une Coupe d’Afrique en Egypte à mettre aux oubliettes ? A-t-on oublié que la plus grande humiliation qu’a connue le football algérien, statistiquement parlant, a été le parcours durant la CAN-98 au Burkina Faso, avec trois défaites en autant de matches ? Pourtant, dans les trois cas cités, il y avait une majorité de locaux. A moins que, lorsque c’est un local qui est auteur de l’humiliation, ça peut passer…
Même l’Egypte, championne d’Afrique, est éliminée
Finalement, pourquoi tant de bruit ? Parce que l’Algérie n’ira pas à la CAN-2010 ? L’Egypte, vainqueur des trois dernières éditions, n’y sera pas non plus. Si les Algériens se fond descendre en flammes dans les médias, c’est donc l’échafaud que méritent les Egyptiens ! Au fait, il paraît, aux yeux des victimes d’Alzheimer, que les locaux sont plus patriotes, et donc plus performants que les émigrés. A ce qu’on sache, la sélection est constituée de joueurs locaux, non ? C’est drôle que la théorie du patriotisme localement exacerbé ne se soit pas appliquée sur l’Egypte, incapable de gagner chez elle et qui a été même battue par le Niger qui ne doit pas être très loin de la République centrafricaine au classement FIFA. Les Verts n’ont récolté «que» 4 points jusqu’à présent ? L’Egypte possède un total de 2 points seulement. Ne parlons pas du Cameroun, mondialiste et abonné des phases finales de la CAN, qui est virtuellement éliminé (3e de sa poule à 5 points du premier, le Sénégal), et du Nigeria, mal parti dans le groupe de la Guinée.
Les certificats de bons patriotes, c’est révolu
Alors, de grâce, arrêtons cette propension populiste à donner des leçons de moralité et de patriotisme ! C’est scandaleux de porter atteinte à l’honneur de joueurs – et de leurs parents par corollaire – juste parce qu’ils sont nés en France. Critiquer leurs prestations, oui, quitte à être impitoyables là-dessus, mais souiller leur réputation et faire douter de leur amour des couleurs, cela relève de méthodes qu’on croyait révolues. Désigner les bons et les mauvais patriotes, comme au temps des «attestations communales», sur la simple base de leur lieu de naissance, est aussi absurde qu’abject, sachant que de graves scandales du football algérien, à travers toutes les décennies, ont été fomentés par des «patriotes» nés et résidant en Algérie. Le populisme a la vie dure…
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Yahia : «Pardon pour cette défaite honteuse»
Nous n’avons pas eu besoin de le contacter. Il a pris l’initiative de le faire tout seul. Anthar Yahia, capitaine de la sélection nationale qui s’est faite étriller samedi dernier par le Maroc à Marrakech (4-0), nous a contacté par téléphone pour faire passer un seul message : «Au nom de tous mes coéquipiers, je demande pardon au peuple algérien après la défaite honteuse de samedi dernier. Je n’ai rien d’autre à ajouter car il n’y a rien d’autre à dire. Je veux juste présenter mes excuses à l’ensemble de ceux qui aiment l’Algérie et leur sélection. Pardon de leur avoir fait autant mal.»
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Mansouri pourrait intégrer le prochain staff
Selon certaines informations, le président de la Fédération algérienne de football, Mohamed Raouraoua, songerait sérieusement à intégrer Yazid Mansouri au sein du prochain staff. L’ex-capitaine des Verts a même été informé de ce vœu lors de la discussion qu’il a eue avec le premier responsable du football algérien à l’issue de la rencontre face au Maroc. Rappelons que Mansouri avait été invité à Marrakech pour assister au derby. Mansouri aurait demandé un temps de réflexion car il n’a pas encore décidé de son avenir puisque le joueur à le choix entre prendre sa retraite ou accepter l’offre d’un club émirati. En tous les cas, l’ex- capitaine de la sélection algérienne sera à Alger tout prochainement pour discuter plus longuement de la proposition de Raouraoua.