Maître Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH), organe créé par le pouvoir et vivant intégralement des subventions du Trésor algérien, en fait grâce aux impôts de la population algérienne, ne représentant pas la majorité des segments de la société, loin de là, a affirmé récemment sur les ondes de Radio Algérie Internationale, rendre le vote obligatoire.
Farouk Ksentini
1. Maitre Ksentini a-t-il analysé l’essence de l’inertie des partis politiques et des associations appendices de l’Etat incapables de mobiliser, se manifestant que lors d’élections, laissant dangereusement lors d’émeutes sporadiques les forces de sécurité confrontées à la population et ces députés qui perçoivent une rémunération indécente de 300.000 dinars par mois, sans corrélation avec le travail accompli ?
2. Maitre Ksentini a-t-il analysé le sentiment face à un Etat artificiellement riche grâce à la rente des hydrocarbures d’une profonde injustice sociale et une paupérisation croissante accrue par l’inflation qui pénalise les couches les plus défavorisées et favorise les rentes spéculatives ? Face à une dépense publique jamais égalée depuis l‘indépendance politique ?
3. Maitre Ksentini a-t-il analysé cette corruption socialisée menaçant les fondements de l’Etat algérien et la crise morale qui traverse tous les segments de la société expliquant les révoltes généralisées, non organisées, surtout d’une jeunesse désespérée de son avenir et cette exigence, nous voulons immédiatement notre part de rente quitte à aller vers un suicide collectif ?
4. Maitre Ksentini a-t-il – analysé avec son institution, en principe c’est son rôle en tant que défenseur des droits de l’homme, le désespoir des harragas, ces jeunes qui, souvent avec la complicité de leurs parents, bravent la mort et l’impact de l’exode, partageant le rêve de s’enfuir du pays, comme en témoignent, de l’aube au crépuscule, les longues filles d’attente auprès des ambassades pour la demande de visas ?
5.- Le résultats de la pratique de plusieurs décennies et non seulement de la période actuelle, n’assistons nous pas à des tensions à travers toutes les wilayas contre la hogra – la corruption, le mal vivre –, d’une jeunesse dont le slogan « nous sommes déjà morts » et cela ne traduit-il pas l’impasse du système économique rentier à générer une croissance hors hydrocarbures, seule condition d’atténuation des tensions sociales pour faire face au malaise social ?
6. Dans la majorité des pays dits démocratiques y compris les pays émergents, chaque citoyen n’est t-il pas libre d’aller voter ou pas. Et l’abstention qui n’est pas propre à l’Algérie n’est il pas un indicateur de la confiance ou pas entre l’Etat et les citoyens ? Mais la spécificité algérienne comme cela a été souligné par les plus hautes autorités du pays récemment, dont le ministre des Affaires étrangères, il n’ya pas jamais eu en Algérie d’élections libres depuis 1963 et les données ont été faussées par le bourrage des urnes. Ne faut-il pas laisser la liberté au citoyen algérien qui contrairement aux discours populistes paternalistes de certains responsables est mur pour le choix et conscient des enjeux ?
En fin de compte a, avec de nombreux amis de toutes les régions du pays, nous jugeons les positions dictatoriales de Maitre Ksentini d’une gravité extrême et comme une atteinte aux libertés fondamentales inscrites dans la constitution algérienne et à contre courant des valeurs du 1er novembre 1954. Ces déclarations nous ramènent à l’ère coloniale, et ternissent encore plus l’image de l’Algérie. Si l’on veut réhabiliter la politique, il faut s’attaquer à l’essentiel et non au secondaire comme le fait Maitre Ksentini en rétablissant la confiance entre les citoyens et les institutions de la république, de préserver les libertés individuelles et consolider la cohésion sociale. La structure des sociétés modernes et puissantes qui dominent le monde, s’est bâtie d’abord sur des valeurs et une morale comme nous l’a enseigné justement le grand sociologue Ibn Khaldoun qui dans son cycle des civilisations montre clairement que lorsque l’immoralité atteint les dirigeants qui gouvernent la Cité, c’est la décadence de toute société. Cela renvoie à la symbiose entre l’efficacité économique et une profonde justice sociale, (ne pouvant en principe partager que ce qui a été préalablement produit), à l’Etat de droit, à une gouvernance renouvelée réhabilitant le savoir et l’entreprise, à une démocratie dynamique assise sur une justice indépendante, tenant compte de notre anthropologie culturelle, conciliant authenticité et modernité. Ce n’est qu’à ces conditions, que les Algériens, dans leur différence, auront l’envie de construire ensemble leur pays, d’y vivre dignement et de faire de la politique.
Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités