Devenu un symbole de la cause palestinienne, Mahmoud Sarsak, footballeur international palestinien, avait fait dans un premier temps l’actualité lorsqu’il avait été arrêté le 22 juillet 2009 à la frontière entre Gaza et la Cisjordanie, alors qu’il se rendait à Balata pour rejoindre son nouveau club de Naplouse. Accusé à tort d’être un combattant du mouvement du Jihad Islamique, Mahmoud Sarsak a été emprisonné sans aucune preuve. Le service chargé de la sécurité générale israélien l’a accusé d’avoir lancé une bombe qui a blessé un soldat israélien, mais faute de preuves, son procès n’aura pas lieu. Il est détenu pendant trois ans sans accusation formelle. Le 19 mars 2012, il entame une grève de la faim qui va durer 9 mois pendant lesquels il a refusé un arrangement lui permettant un exil en Norvège. Mahmoud Sarsak a perdu beaucoup de poids pendant sa grève de la faim, mais le 9 juin dernier, son avocat annonce être parvenu à un accord avec les autorités israéliennes qui finiront par le libérer un mois après, soit le 10 juillet 2012. Sarsak a fait une nouvelle fois l’actualité, il y a quelques jours, en refusant une invitation du FC Barcelone pour assister au prochain Clasico qui aura lieu le 7 octobre. Nous avons eu l’honneur de l’avoir au téléphone et il nous a accordé en exclusivité cette interview. Ce dernier s’est expliqué sur son refus d’assister au Clasico espagnol. Entretien !
Bonjour Mahmoud, comment allez-vous ?
Je vais bien, tant que nos frères algériens vont bien, le peuple palestinien se porte bien. Priez pour nous pour que Dieu puisse nous venir en aide. Bienvenu, je suis à votre disposition.
Comment vous portez-vous, deux mois après avoir été libéré ?

Dieu merci, je vais beaucoup mieux, je suis en bonne santé et je remercie tout le peuple algérien pour son soutien et sa position par rapport à la cause palestinienne.
Vous avez été invité pour assister au prochain Clasico entre le Barça et le Real ; dites-nous comment avez-vous reçu cette invitation ?
Cette invitation m’a été adressée au nom du président du FC Barcelone, monsieur Sandro Rosell. Elle m’a été envoyée par l’ambassadeur de la Palestine en Espagne. Ahmed Rajoub, le président de la Fédération palestinienne de football, s’est chargé de me la remettre.
Vous avez surpris tout le monde en refusant cette invitation. Pouvez-vous nous en expliquer les raisons ?
Je dois d’abord dire que dans d’autres circonstances, je n’aurais refusé aucune invitation, que ce soit du FC Barcelone ou d’un autre club. Mais là, je refuse qu’on me mette au même rang qu’un soldat israélien qui a les mains tachées du sang palestinien. Moi, je suis un joueur de football qui a été emprisonné à tort, sans aucune preuve, et qui devrait assister à ce match en tant que représentant du football palestinien. Lui (le soldat israélien, Shalit), c’est un soldat israélien qui a tué des Palestiniens du haut de son char. Je refuse ce marchandage entre une victime et un tortionnaire.
C’est donc pour cela que vous avez refusé d’y aller ?
Je n’assisterai pas à ce match, mais je me déplacerai à l’avenir à d’autres matchs du FC Barcelone, mais sans la présence de ce soldat sioniste, Shalit. J’ai trop souffert de lui et de ses acolytes.
Comment cela ?
Nous avons souffert le martyre à cause de ce soldat et de ses complices. Pour votre information, ma maison a été détruite ainsi que le stade où je jouais. Plusieurs de mes amis ont été tués et mon club de Rafah ne peut plus jouer, après la décision des autorités israéliennes, pendant dix ans. Après ce que nous avons enduré mes compatriotes et moi, comment pourrais-je assister à un match auquel est convié un sioniste coupable de tout ce qui nous est arrivé ? En fait, on veut que je donne une bonne image de lui. Non, je ne peux pas.
Vous ne pensez pas que votre présence pourrait donner un important impact à la cause palestinienne dans la mesure où aujourd’hui, le football pourrait véhiculer un message plus fort que la diplomatie ?
Je serai honoré de défendre la cause palestinienne et de raconter les souffrances de notre peuple à l’étranger, mais il y a d’autres espaces où je pourrai le faire, à part assister à ce match. Je porte à votre connaissance que j’ai reçu plusieurs autres invitations de la part d’associations espagnoles militantes pour la cause palestinienne, notamment de Catalogne. Je vais certainement répondre à leurs invitations et je vais avoir l’occasion de défendre notre cause et raconter tout ce que j’ai enduré en prison, à tort, et tout ce dont souffre le sportif palestinien sur ses propres terres. Et je pense que s’adresser aux médias, comme la télévision, pour plaider sa cause, est plus intéressant que d’assister à un match de football qui ne durera que 90 minutes.
Revenons un peu en arrière si vous le permettez, racontez-nous comment vous vous-êtes fait arrêter ?
Je me rappelle du moindre détail. J’avais réalisé mon rêve de jouer pour un club professionnel qui évolue dans le championnat professionnel, car auparavant, je jouais pour un club amateur. J’ai fait le nécessaire pour obtenir l’autorisation de me rendre en Cisjordanie où je devais rejoindre mon nouveau club du Centre de la jeunesse de Balata à Naplouse. C’était le 22 juillet 2009. Aux frontières qui nous séparent de nos familles en Cisjordanie, j’ai été arrêté à un barrage où j’ai dû répondre pendant plusieurs heures à un interrogatoire sans savoir pourquoi. J’ai été par la suite accusé à tort, sans aucune preuve, avant d’être emprisonné pendant trois ans. J’ai alors décidé de me sacrifier pour défendre ma cause et mon honneur. J’ai entamé une grève de la faim qui a duré 96 jours, et j’étais prêt à aller plus loin, jusqu’à sacrifier ma vie.
Comment avez-vous tenu pendant toute cette période, surtout que votre état de santé s’était sérieusement détérioré ?
C’est grâce à Dieu. Dieu est Grand, c’est Lui qui nous vient en aide lorsqu’on demande Sa Protection. Il y a aussi cette détermination du Palestinien à faire entendre sa voix par n’importe quel moyen, entre autres le cri d’un sportif qui a été injustement emprisonné. C’était un défi que j’ai fini par gagner grâce à Dieu.
L’Algérie a eu des positions exemplaires pour la cause palestinienne en général, et le peuple algérien vous a fortement soutenu pendant votre détention. Quel est votre sentiment par rapport à cela ?
J’aime beaucoup le peuple algérien, c’est un peuple qui a combattu et qui a milité comme nous sommes en train de le faire aujourd’hui, c’est un peuple qui a sacrifié des centaines de milliers de martyrs, comme le fait la Palestine aujourd’hui. C’est un peuple frère que je porte dans mon cœur. J’ai eu l’honneur, quand j’étais à Rafah, de participer au championnat arabe des clubs qui s’est déroulé en Egypte en 1996 et de rencontrer un club algérien qui est l’équipe de Blida. C’était une des rencontres que je n’oublierai pas, dans la mesure où il s’agissait d’un club algérien. C’était l’occasion pour nous de consolider nos relations.
Etes-vous au courant que le drapeau palestinien est toujours présent dans les stades algériens et que les supporters ne ratent pas la moindre occasion pour plaider votre cause ?
Croyez-moi, je le sais déjà, j’en suis bien au courant, et c’est ce qui explique notre grand respect pour le peuple algérien.
Connaissez-vous des joueurs algériens ?
Je sais que l’Equipe nationale algérienne de ces derniers temps est une grande équipe qui honore le monde arabe. Je connais quelques anciens joueurs, comme Rabah Madjer et l’entraîneur Rabah Saâdane. Je me rappelle aussi du match barrage entre l’Egypte et l’Algérie pour la qualification à la Coupe du monde que j’ai pu suivre quand j’étais en prison.
En parlant de cette rencontre, comment l’avez-vous vécue de la prison ?
C’était de très bons moments, nous étions fiers que deux grandes nations arabes arrivent à ce stade de la compétition et fournissent un aussi grand match. On était très contents, car pour la première fois, la télévision palestinienne a retransmis une rencontre de grande importance. C’était des moments qu’on ne peut pas oublier.
A 25 ans, quels sont vos projets d’avenir ?
Mon objectif principal pour le moment, c’est de revenir sur les terrains et exercer mon métier. Après, je compte participer à des actions pour faire entendre et défendre la cause palestinienne.
Monsieur Mahmoud Sarsak, nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien et nous serons honorés que vous acceptiez notre invitation pour la cérémonie du Ballon d’Or algérien de cette année…
Merci à vous et je tiens à profiter de cette occasion pour remercier tout le peuple algérien pour ses positions historiques envers la cause palestinienne que nous n’oublierons jamais. En ce qui concerne votre invitation, oui, je l’accepterai volontiers, je serai très honoré d’assister à cette cérémonie. Aussi, j’espère que j’aurai l’occasion de visiter l’Algérie un jour et côtoyer de très près ce grand peuple.
Que pourriez-vous ajouter, avant de clore cette interview ?
Transmettez mes salutations à tout le peuple algérien et à l’Etat algérien, à travers son président Abdelaziz Bouteflika.