L’ex-capitaine de la sélection nationale au Mondial de Mexico 86 et du NA Hussein-Dey, Mahmoud Guendouz, ne semble guère admettre la dernière décision prise par les responsables de la balle ronde nationale de reconduire Saâdane à la tête de l’EN et ce, malgré le fait que tout le monde soit convaincu qu’il a échoué, encore une fois, dans sa mission.
our lui, cette reconduction est une suite de la politique du bricolage que mènent les responsables du football algérien, depuis plusieurs années. Bien avant le début de la dernière Coupe du monde en Afrique du Sud, Mohamed Guendouz, l’ancien libero et capitaine de l’EN 82 et 86, avait émis des doutes sur les capacités de l’actuelle sélection nationale de Rabah Saâdane.
Il avait été l’un des rares à ne pas sombrer dans le triomphalisme après la CAN, ce qui lui avait valu des critiques de la part de tout le monde. Fidèle à ses convictions, il revient, dans cet entretien sur le maintien de Saâdane. Propos explosifs d’un ancien joueur défensif. Revenons sur l’événement du Mondial.
Que pensez-vous du sacre de l’Espagne ?
L’Espagne mérite son triomphe. Mis à part leur premier faux-pas, face à la Suisse, les Espagnols ont réussi un parcours parfait, un sans faute.
Dans l’ensemble, on a vu de beaux matches et dommage que l’équipe d’Argentine ait raté son match face à l’Allemagne parce que jusque-là, elle avait pratiqué un beau football.
Quelles leçons retenez -vous de cette Coupe du monde-2010 ?
Je retiens que la période d’organisation de cette Coupe du monde n’est pas favorable aux joueurs qui sortent d’une saison harassante avec leurs clubs respectifs.
Ce sont surtout les Anglais qui ont subi les conséquences. Ils terminent un championnat marathon et après une année chargée, ils ont été trahis par leurs insuffisances sur le plan physique.
Et quelle est votre opinion sur les prestations des sélections africaines ?
Pour le Cameroun et la Côte d’Ivoire, je crois que c’était la fin d’un cycle. Je pense qu’il fallait rajeunir l’effectif. À part le Ghana, les Africains ont été décevants et cela ne m’étonne pas du tout.
Vous vous attendiez à ces mauvaises prestations des Africains ?
Oui, parce que j’ai constaté que la plupart de ces sélections avaient changé d’entraîneur juste avant la Coupe du monde. L’Afrique restera l’Afrique avec son instabilité et ses problèmes administratifs.
Prenez l’exemple de la Côte d’Ivoire : C’est Halilodzic qui mène les Ivoiriens en Coupe d’Afrique des nations et puis c’est un autre coach qu’on retrouve en Coupe du monde. Idem pour le Nigéria.
Quel bilan en faites-vous concernant la participation algérienne ?
Je me demande, souvent, sur quoi se basent ceux qui disent que la participation algérienne en Afrique du Su fut honorable.
Personnellement, mon constat stipule qu’elle ne l’a pas été. Au contraire. Un parcours achevé par un point récolté en trois matches avec zéro but au compteur ne peut être que miteux.
Cela était dû à quoi, selon vous ?
C’est la tactique mise en place par l’entraîneur qui a fait défaut. De première vue, on critique la ligne offensive puisqu’elle ne marque plus, mais il faut d’abord voir le positionnement des milieux de terrains, trop décalés en arrière, ce qui ne leur donne pas le champ libre pour porter le danger dans le camp adverse.
Peut-être que Saâdane apportera quelque chose ?
Détrompez-vous. Pour moi, il n’a jamais rien apporté. Quand il était entraîneur de l’ES Sétif, il savait à l’avance qu’on allait lui confier la poste d’entraîneur national. C’est à croire qu’il n’y a que lui en Algérie.
Je vous rappelle qu’il est parvenu pour la première fois en Coupe du monde en 1986 grâce à nous, les joueurs internationaux. Ensuite, il a parcouru le monde entier avec cette carte de visite mais il n’a jamais fait appel à un ancien pour le seconder. Regardez en Argentine, après Maradona, c’est un autre ex-international, Batista auquel on a confié la sélection. En France, il y a Laurent Blanc. Chez nous, c’est à croire que nous les anciens on vit dans des cavernes.
Et pourtant, on dit que le point fort de l ‘ Algérie , c’est sa défense ?
Non, ce n’est pas vrai. Au contraire, derrière on n’est pas bon du tout. Revoyez les matches. Si les Anglais avaient été au point physiquement, on aurait encaissé quatre buts en moins.
Contre les Américains, c’est M’bolhi qui a retardé l’échéance et on a échappé à une lourde défaite. Saâdane a joué le prudence pour ne pas perdre par des scores très lourds.
Que reprochez-vous aux défenseurs algériens ?
Ils n’ont pas l’habitude du très haut niveau mondial et la meilleure preuve c’est qu’ils évoluent dans des clubs peu huppés et après leurs prestations en Coupe du monde que certains ont qualifiés d’excellentes, aucun grand club ne s’est intéressé à eux. Et dire qu’on m’a accusé d’être jaloux. Mais à mon âge, je n’ai aucune raison de faire preuve de jalousie.
Mais c’est vous qui aviez lancé Halliche au NAHD ?
Non, je l’ai tout simplement aidé à émerger au NAHD, mais j’ai toujours dit et maintenu qu’il devait énormément travailler pour atteindre le haut niveau.
Bon il a réalisé de bons matches en sélection mais sur le plan technico-tactique et celui de la relance, il a encore beaucoup à apprendre. Le jour où il avait signé avec Benfica, il m’avait appelé en présence de Mourad Lahlou (Ndlr :ex président du NAHD) et je lui avais dit qu’il fallait qu’il travaille pour apprendre.
Que reprochez-vous à Halliche aujourd’hui ?
Je ne lui reproche rien, mais aujourd’hui, sa façon de jouer n’est pas celle d’un grand défenseur international. Il remballe souvent sans soigner ses relances et ses interventions sont parfois approximatives. Il ne peut pas continuer à jouer de cette façon parce que maintenant c’est un professionnel. Il n’est plus au NAHD pour se permettre de jouer n’importe comment.
Ces derniers moments, chaque fois qu’on évoque le nom de Guendouz, on l’associe aux critiques envers Saâdane. Comment expliquez-vous cela ?
C’est un combat que je mène, depuis plus de 20 ans, et ceux qui me connaissent bien peuvent vous le confirmer. Seulement, et après la qualification de notre équipe nationale pour la Coupe du monde, le public sportif algérien s’est accru et commence de plus en plus, à prendre connaissance du combat que je mène.
Cela m’emmène à déplorer l’attitude de certains ex-internationaux, qui, malgré le fait qu’ils soient au courant que ce que je dis est véridique, continuent à tendre la main à Saâdane et aux membres de la FAF. Pour moi, c’est de la brosse pure est simple, que je ne pourrai jamais accepter. Je suis un homme de principe, qui dit la vérité en face, sans avoir peur de qui que ce soit. Et c’est ce principe que j’ai tenu à inculquer à mes enfants.
D’ailleurs, chaque fois que j’aurai à accorder une interview pour un journal, ou passer dans un plateau de chaîne télé, mes enfants viennent me demander de rester fidèle à la ligne de conduite, et ne pas faire de la brosse, comme le font certains. C’est ma devise dans la vie et je ne changerai jamais. À la fin de l’aventure algérienne en Af’Sud, tout le monde m’a donné raison.
Mais cela vous a causé moult problèmes avec quelques supporters, qui vous ont même traité d’antinationaliste…
Pour revenir à cette histoire, il faut faire la part des choses. L’oeil d’un technicien diffère de celui d’un simple supporter.
Dans mes différentes interventions dans cette émission, en tant que consultant, je n’ai rien ramené de nouveau puisque j’ai rapporté les faits tels qu’ils étaient, mais cela n’a pas plu à certaines personnes, et les SMS ont envahi mon téléphone et, il y a même ceux qui m’ont traité d’antinationaliste. J’ai pris, alors, la décision de quitter l’émission et marquer un temps d’arrêt, puisque j’avais besoin de faire le vide autour de moi et ce, malgré les insistances de Mustapha El-Agha, pour que je reprenne ma place.
Quand j’avais montré ces SMS à ce dernier, il a été étonné et a tenu à dénoncer cette attitude à multiples fois, dans son émission. Heureusement, d’ailleurs, que je n’ai pas repris sur place. Imaginons que j’avais repris et que cela avait coïncidé avec le match de demi-finales de la CAN face à l’Égypte, qu’on a perdu (4-0).
Ce jourlà, j’aurai dit que l’arbitre n’était pour rien dans cette défaite, et que la responsabilité incombe aux joueurs. Si cela était le cas, je sais que les choses auraient pris d’autres proportions. Je n’incrimine pas les supporters dans cette histoire, mais plutôt les responsables du football national qui les ont trompés, en leur disant que l’Algérie dispose d’une sélection digne d’une Coupe du monde, alors que la réalité en est autre. Là est l’axe du mal.
En 1986, vous aviez déclaré que l’Algérie avait une grande équipe, mais pas un entraîneur. Peut-on dire que c’est le même cas, actuellement ?
Bien évidemment. Et je n’arrive, jusqu’à maintenant, pas à comprendre la décision prise de reconduire Saâdane jusqu’en 2012, surtout que toute l’Algérie est actuellement unanime à dire qu’il est limité.
C’est une forme de «Redjla» déplacée. Les responsables semblent nous dire que puisque vous voulez le départ de Saâdane, nous on le conserve. Je n’ai, de ma vie, jamais vu un entraîneur qui revient 5 fois pour diriger la même sélection, de surcroît avec des échecs. S’il avait réussi, auparavant, à faire quelque chose, on pourrait fermer l’oeil et dire que c’est une récompense pour lui.
Pour la dernière qualification en Coupe du monde, il n’y était pour rien, puisqu’on lui a ramené des joueurs prêts et formés, des supporters toujours prêts d’eux, sans négliger le fait que les évènements survenus au Caire ont donné un surplus de motivation aux joueurs pour le match-barrage de Oum Dourmane.
Les deux matchs amicaux face à la Serbie et l’Eire, perdus sur le même score (3-0), ont éclairci plusieurs zones d’ombre aux supporters, qui s’en sont pris à Saâdane. Actuellement, et après le Mondial, sa cote est au plus bas. Sa reconduction est une suite de la politique du bricolage
Après sa reconduction, Saâdane a déclaré qu’il ne ferait jamais appel aux anciens mondialistes parce qu’ils l’ont critiqué ?
Je ne suis pas au courant de cette déclaration. Je suis le seul à l’avoir critiqué ainsi que Mustapha Dahleb. S’il pense que j’accepterai de le seconder un jour, il se trompe lourdement. Pour moi, Saâdane n’a jamais été un entraîneur de football.
C’est un imposteur, pour vous ?
C’est un scientifique qui doit rester dans un bureau. Tous les autres pays de renom, comme l’Argentine, la France ou l’Allemagne ont de véritables entraîneurs de football, sauf nous. On a un docteur en méthodologie, je crois qu’il serait beaucoup plus utile pour enseigner.
Les résultats sont là, l’Algérie a été classée dernière au Coupe du monde dans un groupe plutôt faible. Êtes-vous meilleur que lui ? Oui, et je l’ai prouvé dans les clubs où je suis passé, mais je ne pourrais jamais travailler avec lui même si on me proposait un salaire de trente mille euros par mois.
Alors qui, à sa place, d’après vous ?
D’abord, je tiens à dire que j’ai toujours refusé de travailler en Algérie, parce que nous avons un championnat où il y a trop de combines. Tout le monde sait qu’il y a des matches qui s’achetant. Par contre, il y a des entraîneurs qui acceptent et la plupart d’entre-eux sont des anciens élèves de Saâdane. Par conséquent, ce dernier a formé des commerçants.
D’autre part, chez nous et dans les pays arabes, l’entraîneur national est une « Khodra fewk aâcha » c’est à dire qu’il n’a pas le vrai pouvoir de décision.
Comment voyez-vous, donc, l’avenir de notre sélection avec Saâdane ?
C’est le flou total. On doit d’abord expliquer aux gens les motifs de sa reconduction qui, je pense, est venue d’en haut. Les éliminatoires de la CAN-2012 ne seront pas de tout repos, même si, sur le papier, et hormis le Maroc, les deux autres adversaires sont loin de constituer un foudre de guerre.
Sur le terrain, les données ont changé du moment que le football africain est en nette progression. Il ne faut pas se voiler la face. Il faut dire aux supporters les choses telles qu’elles sont. Puisque dans le cas contraire, perdre un match sera une catastrophe pour eux, comme cela a été le cas lors du match face à la Serbie.
Pour nous, les techniciens, une défaite pareille est normale, puisque nul ne pourra nous tromper. Mieux, face à la Serbie, si le terrain était en bon état, le résultat aurait été plus large.
Et pour le Mondial-2014 ?
Ce sera encore pire si on ne met pas en place un programme adéquat, avec un travail de fond. En 2014, la majorité des joueurs auront la trentaine, ce qui sera pour eux difficile, voir impossible, de rivaliser avec les autres équipes.
L’invasion des joueurs professionnels de l’EN est due à quoi, selon vous ?
Comme je vous l’ai cité auparavant, c’est d’un problème de fond que souffre le football national, et pour le résoudre, on doit commencer au niveau des clubs, auxquels on attribue des sommes colossales, à chaque début de saison.
Résultat des courses : résultats catastrophiques pour les clubs algériens dans les compétitions africaines et différents matchs combinés dans les compétitions nationales. Pour cacher cela, les décideurs au niveau de la FAF ont décidé de ramener des joueurs de l’étranger, prétendus professionnels, de différents niveaux. Certes, ils sont Algériens, mais cela ne suffit pas. Ils se doivent d’être honnêtes, aimer les couleurs nationales et apporter le plus escompté.
Comme exemple, je vous cite Mustapha Dahleb, qui avait les capacités de jouer là où il voulait, mais avait refusé la convocation de l’équipe de France et opté pour l’Algérie. En comparant son cas avec ceux de Brahim Hamdani et Ali Benarbia, on voit toute la différence.
Le hic, c’est que ce dernier se présente souvent comme étant un ex-international algérien. Qu’est-ce qu’il a apporté à la sélection ? Rien du tout.
Avant le Mondial, on parlait, çà et là, de plusieurs convoitises de certains joueurs de l’EN, par des clubs européens, de gros calibres. Le constat actuel en est complètement différent. Comment expliquez- vous cela ?
Cela démontre que ce n’était que des mensonges, inventés par ces joueurs, conjointement avec certains titres de la presse, qui ne cessent de lécher les bottes des responsables de la FAF, pour des intérêts personnels. Et puis, est-ce que nos joueurs ont le niveau requis pour jouer dans ces clubs, cités, çà et là? Bien sûr que non.
Ne pensez-vous pas qu’on est en train de «ghéttoïser» l’EN A’ (des joueurs locaux) ?
D’abord, il faut savoir que la création de cette équipe a été sous injonction de la CAF.
De plus, s’il n’y a pas un travail au niveau des clubs, cette sélection ne pourra rien apporter, outre le fait qu’un seul match a permis à cette sélection de se qualifier pour la CHAN. Donc, il n’y a pas un grand travail à faire. On disait qu’elle serait le réservoir de l’EN A, mais c’est le contraire qui se produit, et malgré cela, on continue à appeler son entraîneur de «Général»
Avec le passage au professionnalisme, les données vont certainement changer…
C’est un passage brusque qui risque de ne pas se réaliser de la manière escomptée. Il fallait y penser depuis 2007, à mettre une plateforme pour le réussir, suite à la décision de la Fifa, et non pas le laisser jusqu’à la dernière minute. Cela me rappelle le retrait de l’État de la gestion du football, en 1990, suite à la situation sociale délicate que vivait l’Algérie, sans donner une période transitoire.
Le football algérien a sombré dans le doute, et cela avait profité à plusieurs pour s’immiscer dans les affaires du football national, sans avoir la moindre connaissance, entre ceux qui sont devenus entraîneurs et dirigeants, et se sont accrus comme des champignons. Vers les années 2000, et quand la situation de l’Algérie commençait à s’améliorer, il était impossible de les éliminer. Maintenant c’est eux qui préparent le passage au professionnalisme.
C’est aberrant : d’un côté, ils nuisent au football algérien, et d’un autre, ils préparent le professionnalisme. Donc, c’est voué à l’échec.
Tout cela vous a poussé à quitter le pays…
Bien évidemment, c’est un cumul de problèmes. En Algérie, on ne vit qu’avec les mensonges et on n’accepte pas les gens correctes.
Et puisque je dis les choses clairement, sans tourner à gauche et à droite, les dirigeants m’en voulaient et m’ont poussé à quitter le pays. Pour l’anecdote, l’ancien entraîneur du MC Alger, François Bracci, était mon adjoint à Martigues, et les dirigeants du Mouloudia l’ont sollicité alors qu’il entraînait une équipe de D3 en France (National), en lui proposant 7 500 euros comme salaire mensuel.
L’autre exemple est celui de Zinedine Zidane, qui n’a jamais évoqué l’Algérie jusqu’à sa retraite et on juge utile de lui organiser un tournoi avec des milliards, alors que ceux qui ont passé leur vie à se donner à fond pour l’Algérie n’ont été ni récompensés, ni estimés à leur juste valeur.
Donc, avec des entraîneurs étrangers, joueurs émigrés et des hommages aux étrangers : où on est, nous les anciens, dans cette situation ?
Que pourriez-vous dire à Saâdane ?
Personnellement, je lui dis : continue à manger de ce pain là et tais-toi. Ne répète plus jamais que tu as apporté quelque chose au football algérien. Qu’on cesse de jouer avec les sentiments des supporters algériens et qu’on leur dise la vérité telle qu’elle est. Ici, on a peur de la vérité et des gens correctes, mais cela ne m’affaiblira jamais, dans mon combat.
Entretien réalisé par Mohamed Benhamla et Salaheddine B