Magtaâ Kheïra, La dinde…à quel prix ?

Magtaâ Kheïra, La dinde…à quel prix ?

Il est encore là. Il n’a changé ni de « look » ni de pratiques. Magtaâ Kheïra, ce haut lieu d’abattage d’animaux à ciel ouvert situé à la sortie du chef-lieu de la commune de Douaouda dans la wilaya de Tipasa grouille toujours. Une dizaine de voitures sont déjà sur le lieu.

De potentiels acheteurs.Et ce, même si le « décor » reste tout de même rebutant. L’image est hideuse. Et cela ne demande pas du temps pour le constater. Dès que vous franchissez le seuil du hangar, une odeur nauséabonde agresse les narines. Les conditions d’abattage et de vente sont loin de répondre aux normes.

C’est une situation flagrante de non-respect des conditions d’hygiène. L’endroit est souillé de détritus, de bêtes abattues. Des carcasses de volailles entassées, des flaques de sang jonchent le sol, la viande découpée exposée sur des étals sales et laissée à l’air libre. Des dindes à peine égorgées traînent sur les tables, des plumes mêlées à des excréments couvrent presque tout le parterre… Bref, une gigantesque poubelle à ciel ouvert. Tout se fait au vu et au su de tout le monde. Les vendeurs y exercent sur une simple « autorisation » délivrée par la commune.

En contrepartie, ils doivent s’acquitter de leurs droits en payant, nous dit-on, une somme de 1.000 DA chaque mois. Image marquante : des enfants, dont l’âge ne dépasse pas les 13 ans faisaient « leur baptême du feu » en égorgeant des dindes. Un espace leur a été réservé à l’intérieur même du hangar. Pour cette tâche, ils perçoivent 50 DA l’unité. Les employeurs du site ne voient pas l’hygiène sous cet angle. Ils ne veulent pas entendre parler de saleté. Ils misent plutôt sur le nombre des clients qui fréquentent quotidiennement l’endroit et qui est en croissance constante.

Ils mettent aussi en avant le très bon rapport « qualité-prix ». Pour eux, le fait qu’ils arrivent à vendre toute la marchandise est un signe de la bonne qualité de leurs produits, mais aussi et surtout de la satisfaction des clients. Un autre signe qui ne trompe pas. Aucune réclamation n’a été faite par les clients. Bien au contraire, l’afflux grossit d’heure en heure. Dindon à la main, un couteau dans l’autre, un vendeur a fait savoir que la marchandise est souvent épuisée dès 16h. Et parfois bien avant. « Pas plus tard qu’hier, nous avons tout vendu à 15h », dit-il.

Les clients eux, viennent de la capitale, voire d’ailleurs. Ils expliquent leur choix pour cet endroit par les prix qu’ils estiment « imbattables » de la dinde. Ce qui n’est pas faux. Les prix pratiqués ici sont « abordables », indiquent unanimement les consommateurs. D’abord, par pièce, le kg se vend à 320 dinars. Par tranches, les escalopes sont proposées entre 600 et 680 dinars le kg, les abats à 450 dinars alors que la cuisse est cédée à 320 dinars et l’aile à 150 dinars. Pas la peine d’établir une comparaison avec les prix appliqués chez les bouchers.

La différence est de taille. Elle dépasse les 200 DA, notamment pour les escalopes qui frôlent la barre des 800 dinars chez les volaillers. Mais est-ce une raison pour expliquer l’absence de règles élémentaires d’hygiène ? Et pourquoi les services des contrôles n’interviennent pas pour « purifier » cet espace ? Selon un volailler, la commune de Douaouda a prévu une éventuelle délocalisation du site. « Toutefois, le projet tarde toujours à voir le jour », déplore-t-il.

Néanmoins, la chef de projet confirme la réception « très prochaine » d’un nouvel établissement. Comme il est prévu, annonce-t-elle, de réaliser un nouvel abattoir juste à la sortie de la ville. « Les études sont déjà en phase de finalisation », dit-elle. En attendant, il est aisé d’annoncer, sans risque de se tromper, que l’actuel site aura encore de beaux jours devant lui.

Amokrane H