Madrid reconnaît implicitement avoir payé des rançons au Mujao

Madrid reconnaît implicitement avoir payé des rançons au Mujao

Le quotidien «El Pais» a publié hier une interview du seul ressortissant espagnol ayant refusé d´être rapatrié des camps de réfugiés de Tindouf en même temps que 12 autres de ses compatriotes qui ont été évacués, samedi à l´aube, «pour raisons de sécurité», selon le gouvernement espagnol.

Pepe Oropesa, journaliste natif de Séville, âgé de 26 ans, a rejeté les motifs avancés par les autorités espagnoles «des indices fondés» qu’il pourrait être pris en otage, comme le furent deux autres compatriotes à Rabouni, dans la nuit du 22 au 23 octobre 2011. Ces derniers viennent d´être libérés par leurs ravisseurs, des éléments terroristes du Mujao, dans des conditions encore non élucidées, bien que la presse espagnole soit convaincue que l´Espagne a payé pour leur libération.



«Je crois en ce que je fais et j’ai toujours pensé que si l’un de nous se trouve dans une situation de séquestration terroriste, il faut qu’il assume sa responsabilité», déclare ce jeune volontaire qui a subi des pressions du gouvernement espagnol. Devant son obstination à rester fidèle à sa mission, les autorités de son pays lui ont fait signer une décharge.

Il s´agit  d´un document dans lequel il dégage les autorités espagnoles «de toute responsabilité sur d’éventuels problèmes qui pourraient lui arriver». «Ils m’ont averti que si je suis séquestré, l’Espagne ne paiera pas la rançon», affirme-t-il à un journaliste d´«El Pais», dans cette interview recueillie par téléphone.

Le coup de téléphone de Madrid

Pepe raconte avoir reçu un premier appel de la responsable de l’AECID (Organisme officiel de coopération espagnol) vers 13h vendredi, l´informant d´un plan de rapatriement des Espagnols déjà mis en marche. Dans un deuxième appel, à peine vingt minutes plus tard, la même voix se faisait moins aimable, insistant sur «un risque de séquestration», lui enjoignant de se rendre immédiatement à Rabouni, lieu de rassemblement de ses camarades là où ils se trouvaient tous, et de ne pas se déplacer sans escorte parce qu’il pouvait y avoir une attaque».

Pepe reconnaît avoir eu peur à ce moment-là, pensant que quelque chose de grave s´était passé, comme ce fut le cas en octobre dernier. Ses autres camarades lui expliqueront plus tard avoir reçu, eux aussi, le même appel au nom du gouvernement, pour cause de «risque de séquestration de citoyens européens mais surtout espagnols». Les responsables de l’agence leur ont décrit un tableau très négatif.

«Ils m’ont averti que si je restais, en cas de séquestration ou d´attaque terroriste, je serais seul et que l’Espagne ne ferait rien pour moi». Il avoue s´en être fait surtout pour sa famille dont l´agence lui a demandé lui demander le téléphone pour qu´elle les aide à le convaincre.

La décharge signée

Pepe a fini par prendre sa décision en son âme et conscience. Il a signé le document dans lequel il renonce à la protection de l’Espagne. Il reconnaît dans sa lettre «avoir été informé de l’existence d’un grand risque contre la sécurité des coopérants espagnols qui se trouvent dans les camps des réfugiés sahraouis à

Tindouf» et il ajoute que «j´assume personnellement tout risque implicite provoqué par mon séjour dans la zone et je libère, par conséquent, les autorités du gouvernement espagnol de toute responsabilité sur les éventuels problèmes qui pourraient m’arriver à moi et/ou à mes biens tant que la recommandation d’évacuation ne sera pas révoquée par le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération d’Espagne».

En conclusion, il dit n´avoir pas peur et que ce sont les Sahraouis qui l’ont le plus tranquillisé, ironisant sur cette affaire montée de toutes pièces. Alarmés par sa décision, ses parents ont crié même mais fini par accepter son choix. Et il est fils unique. «Moi je reste ici, mais je ne suis pas important. Celui qui est là depuis 37 ans, c’est le peuple sahraoui», dit-il en conclusion de son interview.

H. A