Alors que l’opinion publique est divisée à propos du départ à titre de prêt de Karim Ziani vers le club turc de Kayserispor, nous avons sollicité l’avis de Rabah Madjer, un observateur averti du football européen. Dans cet entretien, il donne son opinion sur le sujet en apportant des arguments objectifs.
Quels commentaires pouvez-vous porter sur les tristes événements que vit la Tunisie ?
J’ai été beaucoup affecté par ce que vit le peuple tunisien est qui plus qu’un peuple frère. L’Algérie et la Tunisie constituent un seul pays avec un seul peuple et c’est pour cela que tout ce qui touche les Tunisiens nous touche aussi. Je vous remercie de me permettre de parler de ce sujet car j’aimerais transmettre un message de cœur au peuple tunisien : je souhaite qu’il préserve son unité et que la paix et la sécurité reviennent dans le pays. J’espère que la Tunisie dépassera cette épreuve le plus tôt possible et que les choses reprennent leur cours.
A qui avez-vous pensé lorsque les événements se sont déclenchés ?
J’ai pensé à de nombreux amis qui vivent là-bas, que ce soit d’anciens coéquipiers et adversaires sur le terrain ou des collègues qui travaillent avec moi. Cependant, la première personne à laquelle j’ai pensé est ma sœur qui vit en Tunisie avec son mari. Je l’ai appelée et ai pris de ses nouvelles. J’ai aussi pensé à Rachid Mekhloufi, qui se rend souvent à Tunis, mais je crois qu’il était à Alger au moment des événements. J’ai essayé de contacter plusieurs amis afin de demander de leurs nouvelles et leur exprimer mon soutien et ma sympathie.
Vous avez récemment présenté la première du film documentaire Madjer, la légende. Comment évaluez-vous cette œuvre ?
Je pense que l’œuvre est réussie. Nous avons fait un gros travail pour réaliser un documentaire de qualité et j’ai été content de constater à la fin que nos efforts ont porté leurs fruits. Le film a plu à tous ceux, personnalités des mondes du sport et de la politique, qui avaient assisté à la première. J’espère qu’il plaira aussi au public algérien. Je saisis cette occasion pour remercier tous ceux qui nous ont aidés à réaliser cette œuvre, à leur tête le réalisateur Yazid Aït Djoudi. J’espère que le film connaîtra le succès attendu.
Quand sera-t-il projeté sur les écrans ?
En toute franchise, nous n’avons pas encore fixé de date précise, mais cela ne saurait tarder. Le producteur s’attelle à distribuer des copies dans toutes les wilayas du pays car il s’agit d’un documentaire historique et il est important qu’il soit présenté à tout le peuple algérien, au quatre coins du pays. La finalité de cette œuvre est de relater mon parcours footballistique afin que les jeunes de la nouvelle génération, qui ne m’ont jamais vu jouer, connaissent mieux ma carrière. Ce film documentaire, je l’ai voulu pour l’Histoire.
Le prêt de Karim Ziani à Kayserispor fait l’actualité en ce moment, entre partisans d’un tel choix et sceptiques. Pensez-vous, pour votre part, qu’il a fait le bon choix ?
J’ai été très content pour lui car il a changé d’air et rejoint un club qui lui permet de jouer, ce qui est le plus important dans son cas. Il a beau être sérieux à l’entraînement et assidu dans le travail, rien ne remplace la compétition. Je pense que c’est une bonne chose pour lui et, surtout, pour la sélection nationale. Ce n’est un secret pour personne : Ziani est un élément très important des Verts et son retour en forme se répercutera positivement sur les performances de la sélection. Je souhaite qu’il revienne vite au top.
Cependant, certains trouvent que le championnat turc est plutôt modeste…
Je connais très bien le championnat turc. Ceux qui le considèrent comme un championnat mineur se trompent énormément. C’est un championnat très fort, avec de nombreuses stars. Je ne pense nullement que Ziani se soit trompé dans son choix, bien au contraire. Il a vu juste. Les clubs turcs sont parmi les plus forts en Europe. Pour preuve, ils participent souvent aux tours avancés des compétitions européennes des clubs, comme Galatasaray qui avait remporté, il y a quelques années, la Coupe de l’UEFA. Il y a également un autre aspect qui favorisera Ziani.
Lequel ?
Le style de jeu du football turc lui convient très bien. Il est moderne, technique et porté vers l’attaque, devant des supporters très enthousiastes. De plus, la passion pour le football là-bas est le même que celle qu’ont les Algériens. Ce sont autant de facteurs qui seront à son avantage.
A vos débuts au FC Porto, vous aviez eu des problèmes avec votre entraîneur, Artur Jorge. Comprenez-vous Ziani qui, lui aussi, a eu des problèmes avec le sien à Wolfsburg ?
Je ne peux considérer ce que j’avais vécu avec Artur Jorge comme un problème car, au fond, il cherchait à obtenir encore plus de moi. Lorsqu’il me mettait sur le banc des remplaçants, cela procurait en moi une grande envie de prouver ma valeur et c’est pour ça que je brillais lorsque j’entrais en jeu. Jorge m’a beaucoup aidé dans mon parcours. Je ne l’ai vraiment compris que lorsque je suis devenu entraîneur.
Cependant, Djebbour nous a déclaré, dans une interview, que les joueurs algériens ne bénéficient pas du même traitement que les autres dans les clubs européens et que si Benzema et Nasri avaient joué pour l’Algérie, ils n’auraient jamais pu signer dans de grands clubs…
Je ne blâme pas Djebbour pour ses déclarations. Cependant, je pense qu’en Europe, les entraîneurs recherchent les joueurs qui leur permettent de réaliser de bons résultats. Ils ne prendraient jamais le risque de se passer d’un joueur quand celui-ci est excellent. C’est pour ça que je dis que seul le travail sérieux peut permettre aux joueurs algériens de se faire une place dans les plus grands clubs européens. Il y a une vérité dans les propos de Djebbour : les grands clubs d’Europe ne donnent plus d’intérêt au footballeur algérien, en dépit d’une participation à la dernière Coupe du monde.
