«L’EN doit revenir en Algérie» >
«Moi, je travaillerai avec tous les acteurs du football»
«Non, je ne règle aucun compte avec Raouraoua»
«Je soutiens Hannachi et tous les autres, même le groupe des 28»
Les plus jeunes se demandent peut-être pourquoi certains dirigeants, coachs, présidents ou tout simplement anciens sportifs bénéficient encore d’autant de respect et d’admiration de la part des fans ou des spécialistes. En fait, c’est tout simple, ces anciens sportifs nous ont tellement fait rêver que tout le monde souhaiterait les voir à jamais dans ce milieu, et beaucoup ont, d’ailleurs, réussi leur reconversion. Rien qu’en foot, les exemples sont nombreux. On cite, à titre d’exemple, Michel Platini, le président de l’UEFA, Franz Beckenbauer, Ruminigue, Pelé, Josef Antoine Bell, Rachid Mekhloufi… Ces gens-là ont su comment se servir de leur expérience en tant que joueurs de haut niveau et s’inspirer des grands dirigeants avec lesquels ils ont travaillé pour mener leur mission en tant que dirigeants ou managers.
Rabah Madjer, ancien international et meilleur joueur algérien de tous les temps, se dit prêt à occuper le poste de président de la FAF si l’occasion s’offrirai à lui et s’il bénéficierai surtout du soutien de la famille sportive et des autorités. Joueur de haut niveau, coach, sélectionneur, puis consultant à la télé, l’ancienne gloire du FC Porto des années 1980 a occupé tous les postes qu’un sportif peut avoir après sa retraite. Ses succès en tant que joueur sont incontestables, mais ses aptitudes de dirigeant, personne ne les connaît. Etant passé par tous les postes, Madjer a alterné le bon et le moins bon. Après s’être vu confier les clés de la sélection algérienne, qu’il a d’ailleurs aussitôt quittée puisqu’on ne l’a pas laissé poursuivre sa mission, cette personnalité très respectée en Algérie veut prendre les commandes de la FAF.
Dans l’entretien qui suit, Rabah Madjer explique sa sortie médiatique et montre une sincère volonté de présider la Fédération algérienne de football et de faire profiter son pays de son expérience et de son savoir-faire. Certains joueurs sont faits pour gérer, d’autres pour coacher, et Madjer a peut-être bien trouvé sa vraie vocation. Seul le temps nous le dira.
– Vous avez déclaré à nos confrères d’El Khabar Erriadhi que vous êtes disposé à prendre la présidence de la FAF, qu’en est-il au juste ?
– Je n’ai fait que répondre à une question qui m’a été posée. J’ai en effet dis que je suis prêt à apporter un plus pour que notre football redevienne comme il l’était auparavant. La politique actuelle est un échec total et il est impératif de redevenir à la politique d’avant. Si un jour, je prend la présidence de la FAF, si j’aurai, bien sûr, le soutien de toute la famille sportive ainsi que celui des autorités, j’apporterai les changements nécessaires…
– Justement quels seront ces changements ?
– D’abord, en revenant à la politique d’avant pour sauver le football algérien. Il faut aussi que l’équipe nationale revienne en Algérie. Pour que celle-ci redevienne conquérante, on doit multiplier les stages en Algérie et prévoir deux regroupements chaque mois. Il faut aussi programmer plusieurs matches amicaux avec des équipes africaines pour que les joueurs aient leurs automatismes.
– Justement, comment expliquez-vous la dernière défaite concédée en Centrafrique ?
– Je dirai que cela fait des années qu’on ne tire pas les leçons du passé. Si vous vous rappelez, lors de la dernière CAN disputée face au Malawi, l’EN a concédé une lourde défaite. La raison de cette débâcle était due au fait que la sélection a effectué une préparation en France avant de rallier l’Angola. Pour le match face à la République centrafricaine, les joueurs ont rejoint Bangui deux jours avant la confrontation. Cela a porté tort à l’équipe et les joueurs étaient asphyxiés à cause de la chaleur et de l’humidité. Il fallait qu’ils rejoignent la Centrafrique 4 ou 5 jours avant le match.
– Vous dites que vous êtes prêt à vous porter candidat pour la présidence de la FAF, pouvez-vous nous parler un peu de vos projets ?
– Je n’ai rien à dire sur ce sujet, étant donné que je ne suis pas encore candidat. Ce qui est certain, c’est que si cela se concrétise, j’oeuvrerai pour remettre l’équipe nationale sur les bons rails. Je travaillerai pour l’intérêt du football algérien et cela avec la collaboration de tous les acteurs du football. J’ai constaté que la FAF, au lieu d’aider les anciens joueurs dans leur reconversion dans le métier d’entraîneur, leur demande des diplômes. Cela doit cesser, car ils ont beaucoup donné à notre football et il faut qu’on les aide.
– Certains présidents de club s’opposent aux responsables actuels de la FAF, ne pensez-vous pas que cela ne fera que renforcer votre candidature ?
– Ecoutez, je n’ai jamais été un opportuniste et je ne le serai jamais. Mais je soutiens les présidents de club, car ce sont eux qui forment le football algérien et qui fournissent des joueurs pour l’équipe nationale.
– Certains vont certainement interpréter votre sortie médiatique comme un règlement de comptes avec le président de la FAF, Mohamed Raouraoua…
– Je ne vous cache pas que je n’oublierai jamais ce qu’il m’a fait en 2003, mais je ne cherche pas à régler mes comptes avec lui par ma sortie médiatique. Les portes de la FAF sont ouvertes à tout le monde.
– Vous avez vécu des moments difficiles après votre limogeage de l’équipe nationale…
– C’est malheureux d’être limogé de la sorte. Ça m’a fait très mal, d’autant plus que j’ai appris mon limogeage à travers chaîne trois de la radio. Je m’attendais à une récompense après le match amical disputé face à la Belgique qu’on avait tenue en échec chez elle. Je tiens à rappeler qu’après notre match, la Belgique a battu l’équipe de France en déplacement.
– Pouvez-vous nous expliquer les raisons de votre limogeage que la plupart des Algériens n’ont pas apprécié à l’époque ?
– On m’avait limogé pour ramener un entraîneur étranger. On ne me l’avait même annoncé en face, mais ils l’avaient annoncé à travers la Chaîne trois. C’était de la hogra pure et simple. L’équipe était en bonne voie et je tiens à vous préciser que j’avais un contrat jusqu’en 2006 que j’ai signé lorsque Omar Kezzal était président de la FAF et Sellal ministre de la Jeunesse et des Sports. Mon seul souci était de servir mon pays, mais je crois que je gênais et c’est pour ça qu’on m’a limogé. Je soulignerais aussi que lors de la CAN qui a eu lieu au Mali, je n’ai trouvé aucune aide. Moi, je suis un croyant et je ne cherche pas à régler mes comptes avec qui que ce soit.
– Que pensez-vous du bras de fer qui oppose le président de la JSK, Moh Chérif Hannachi, au président de la FAF, Mohamed Raouraoua ?
– Tout ce que je peux vous dire est qu’il est inconcevable que le TP Mazembe, adversaire de la JSK en Champions League, soit reçu à Alger sans que personne ne soit au courant. Je n’ai rien compris à cela. Moi, je soutiens tous les clubs et pas seulement Hannachi. Même les 28 présidents de clubs amateurs qui boycottent le championnat, ont mon soutien total. Je crois qu’il est temps de mettre un terme à ce bras de fer en oubliant ce qui s’est passé.
– Vous dites que la politique actuelle est un échec total. Que préconisez-vous pour sortir de cette situation ?
– Effectivement, j’estime qu’il est temps de revenir à la politique locale. Les joueurs locaux sont toujours disponibles et on n’aura pas besoin d’attendre les dates FIFA pour organiser des matches amicaux. Il ne faut donc pas les marginaliser, à mon avis on doit leur donner leur chance.
– Les responsables de la FAF disent qu’il n’y a pas assez de joueurs dans notre championnat capables de jouer en équipe nationale…
– Je suis convaincu que c’est la solution la plus adéquate pour que l’EN redevienne ce qu’elle était. Nos joueurs ne se donnent pas à fond, car ils savent qu’ils n’ont aucune chance d’aller en équipe nationale. Cependant, si on leur donne une chance, ils cravacheront et cela créera une rude concurrence. Cela fait 4 ou 5 ans que les joueurs actuels jouent ensemble, mais l’équipe n’a pas progressé tout en précisant qu’il ne faut pas incriminer les joueurs.
– Il est certain que si vous serez un jour à la tête de la FAF vous apporterez des changements…
– Moi, je dis les choses dans le respect. Je n’insulte personne et je ne fais que dénoncer ce qui ne va pas. Je ne comprends pas pourquoi des Mekhloufi, Kalem, Zouba, Lemoui et Abtouche, pour ne citer que ceux-là, sont marginalisés, alors qu’ils peuvent rendre beaucoup de services à notre football. L’EN doit revenir aux footballeurs et je ne vous cache pas que moi, je ferais appel à toutes les compétences pour que l’Algérie soit l’une des meilleures nations du football.
– Plusieurs techniciens n’arrêtent pas de déclarer qu’il est temps de faire appel aux joueurs locaux…
– Evidemment, c’est la solution la plus idoine pour permettre à l’EN de retrouver son lustre d’antan. Durant les années 80, l’équipe était constituée des joueurs locaux et les meilleurs éléments évoluant dans notre championnat étaient en sélection et on avait aussi fait appel à quelques locaux. Ce qui nous a permis de gagner la CAN de 1990 organisée chez nous avec l’art et la manière. Actuellement, l’équipe nationale n’arrive pas à s’imposer face à des équipes comme la Centrafrique. Il y a de quoi s’interroger sur ces échecs. A mon avis, il est temps de changer en faisant appel à des joueurs locaux tout en ramenant des pros qui jouent dans les grands clubs et qui sont compétitifs. Je tiens néanmoins à préciser qu’il ne faut aucunement incriminer les joueurs des contreperformances concédées par l’équipe ces dernières semaines.
– En tant qu’ancien attaquant des Verts, comment expliquez-vous l’inefficacité de la ligne offensive de l’EN ?
– Ce n’est pas un problème d’attaque, mais de stratégie. Les attaquants ont des qualités, mais pour permettre à l’équipe d’avoir la cohésion, il faut multiplier les matches amicaux. Chaque compartiment doit remplir sa tâche et on doit attaquer ensemble et défendre ensemble. Ce sont des choses qui se font à l’entraînement et pour remédier à cette situation, il faut des matches amicaux et des stages réguliers. Cependant, comme la plupart de nos joueurs évoluent en Europe, on doit à chaque fois attendre une date FIFA pour programmer un match amical. C’est insuffisant et c’est pour cela que je préconise de faire appel à des joueurs du cru sans négliger, bien sûr, les pros qui sont compétitifs et qui jouent dans les grands clubs.
– Les responsables de la FAF ont décidé d’engager un entraîneur étranger pour qu’il soit l’assistant de Benchikha…
– Recruter un coach étranger pour être l’assistant de Benchikha, c’est du n’importe quoi. Je rêve ou quoi ! ils ont engagé Benchikha et je pense qu’ils doivent le laisser travailler. Personnellement, je suis contre l’idée de recruter un coach étranger, car le problème persistera toujours. Il ne pourra pas regrouper ses joueurs quand il le souhaitera et il sera toujours confronté aux mêmes problèmes.
– L’entraîneur adjoint de l’AS Rome, Christian Damiano, a décliné l’offre de la FAF, connaissez-vous ce coach ?
– J’ai connu Damiano à Clairefontaine en 1998. Il m’a même félicité lorsque j’ai eu mon diplôme. C’est tout a fait normal qu’il décline l’offre de la FAF. Je dirais même que le fait de le solliciter pour être adjoint est du n’importe quoi. C’est quelqu’un de bien et il est compétent.
– Pensez-vous que Benchikha pourra relever le défi ?
– Ce n’est pas Benchikha qui a eu tort. Sincèrement, je suis triste pour lui. Il a la volonté et il faut le laisser travailler. Face à la Centrafrique, il n’a pas eu le temps suffisant pour préparer le match, mais maintenant il pourra apporter les solutions qui s’imposent.
– Comment voyez-vous l’avenir de la sélection ?
– A l’instar de tout le monde, j’ai peur pour l’avenir de l’EN. Lorsque tu ne gagnes pas contre le Gabon et la Tanzanie à domicile et tu perds en déplacement face à la Centrafrique, il y a de quoi avoir peur.
– Croyez-vous que la sélection a encore des chances de qualification pour la CAN 2012 ?
– Malgré les deux contreperformances concédées lors des deux premières journées des éliminatoires, la qualification n’est pas encore perdue. Je crois que tout se jouera face au Maroc. Maintenant le calcul est simple, on n’a pas droit à un autre faux pas.
– On croit savoir que vous serez à Paris au mois de décembre pour recevoir le certificat et le passeport de l’ONU au cours d’une cérémonie à laquelle prendront part plusieurs ministres et ambassadeurs, ne pensez-vous pas que ce sera une fierté pour toute l’Algérie ?
– Effectivement, c’est une fierté pour toute l’Algérie. C’est un honneur pour moi d’être invité à cette cérémonie et de travailler pour l’Unesco.