Au lendemain de la rencontre qui avait opposé les stars mondiales du football à celle du football africain, on s’est rapprochés de Rabah Madjer pour parler de cet événement, mais aussi de l’EN et de la prochaine sortie qui l’attend. L’ancienne star de Porto donne aussi sa vision d’une Equipe nationale forte.
Vous revenez d’Accra où vous avez pris part à une fête célébrée en l’honneur de Michael Essien. Vous avez joué le match sans l’avoir prévu, n’est-ce pas ?
J’avais reçu une invitation de Michael Essien et une autre en provenance de la CAF. J’ai accepté sans hésitation. J’aime ce genre d’initiative. Pour tout vous dire, je ne me suis pas mis dans l’idée de jouer. A mon arrivée, le 25 mai, j’ai rencontré George Weah, qui est l’entraîneur des anciennes stars du football africain. Comme il avait insisté, je ne pouvais pas me dérober. Heureusement, j’avais mes chaussures avec moi.
Vous avez sûrement échangé quelques mots avec Essien…

Bien évidemment, j’étais surpris par la personnalité remarquable de joueur professionnel, et en le rencontrant mes convictions sur ce grand footballeur étaient encore plus nettes. J’ai découvert une personne assez intéressante. Heureusement qu’il s’exprime aussi en français, ce qui a rendu l’entretien plus long et plus intéressant
Sur quoi a porté la discussion ?
On a fait un survol de nombreuses questions, aussi bien dans le domaine du football africain et international que celui de la politique. Nous n’avions pas abordé un sujet particulier.
N’avez-vous pas parlé de la phase des éliminatoires de la CAN 2012 ?
On n’a pas tardé sur le sujet, par contre avec Drogba, on a parlé du football africain assez longuement.
On est curieux de savoir si vous avez parlé du match Algérie-Côte d’Ivoire de la CAN 2010 en Angola…
Bien sûr, Drogba a reconnu que les Algériens avaient réalisé un match de premier ordre et que la victoire ne souffrait d’aucune contestation. Il m’avait expliqué que la Côte d’Ivoire était restée 10 jours sans compétition à cause du retrait du Togo, mais aussi parce que les Ivoiriens attendaient la décision de la CAF à la suite des événements tragiques qu’avaient connus le Togo. Cela avait influé négativement sur le groupe, et ce manque de compétition avait provoqué un rythme lent des Ivoiriens contre l’Algérie, auquel ils n’étaient pas habitués. Face à un adversaire qui était bien préparé, il n’ y avait aucune issue.
On peut imaginer aussi que le prochain Maroc-Algérie a été aussi un sujet de conversation avec Drogba…
Non, on n’en a pas parlé, on a discuté de nos équipes nationales et il m’a confié que les Ivoiriens lancent à chaque fois dans le bain un ou deux éléments locaux, pour leur permettre de prendre très vite leurs repères. Son discours m’a plu.
Avez-vous un commentaire à faire sur la liste des convoqués au stage en Espagne ?
En toute franchise, je ne veux pas répondre à ce genre de question.
Pouvez-vous nous dire si la liste tient la route ?
Je trouve que les changements ne sont pas pour servir l’EN. Le secret de la réussite est la stabilité. Ce n’est pas en changeant de joueurs à chaque rencontre qu’on peut espérer aller loin.
N’est-ce pas le secret qui a permis à l’EN des années 80 de faire deux participations consécutives en Coupe du monde ?
C’est vrai, on était habitués à jouer ensemble à partir de la catégorie cadette. Mais, en toute franchise, la politique actuelle prônée en direction de l’EN n’a rien à voir avec ce qui se faisait dans le temps. Beaucoup de choses ont changé, ce qui a nui à notre EN.
Que manque-t-il aux Verts pour franchir le pas ?
Dans le temps, le joueur local était l’objet d’une grande attention. On formait l’EN autour du joueur du cru, et on la renforçait par un ou deux professionnels.
Ce qui n’est pas le cas actuellement…
Absolument, aujourd’hui, on procède de la façon contraire. On ne voit qu’un seul élément ou deux dans cette EN et rarement dans le onze rentrant. Le reste vient des championnats extérieurs. Cette façon de faire ne profitera pas aux Verts. On doit compter sur le joueur local et faire confiance à ces jeunes du championnat algérien. Je n’ai rien contre les professionnels, mais compter sur eux ne peut pas donner une Equipe nationale forte. Surtout que nous sommes soumis aux dates FIFA.
C’est ce qui se passe en Espagne, où les Verts ont débuté le stage avec trois joueurs ?
Nous sommes soumis aux lois en vigueur. Je sais que Benchikha est en train de souffrir et qu’il est dans l’obligation d’attendre que son effectif soit au complet pour entamer son programme. Ce sont les risques à prendre quand on compte uniquement sur les professionnels. Ce qui se fait aujourd’hui n’est pas une solution d’avenir. Les Verts n’iront pas très loin. Il faut revenir au choix du cru et organiser deux stages par mois. Un au début et un autre à la fin du mois. Et se renforcer par des éléments de choix. On le faisait à notre époque avec les Korichi, Dahleb et Mansouri, et d’autres. Ils donnaient le plus.
La Côte d’Ivoire utilise en majorité des joueurs professionnels…
Il faut voir de quels clubs provient l’ossature de son équipe. Mais, malgré cela, cette équipe met dans le bain des joueurs locaux. On doit faire le tri et prendre les 15 meilleurs joueurs de notre championnat, multiplier les stages et les matchs amicaux, en Algérie comme en Afrique, jouer en été comme en hiver en Afrique, pour s’adapter aux conditions climatiques de notre continent à travers toutes ses régions. L’EN est incapable d’adopter une tactique de jeu claire. Quand on gagne, on y arrive très difficilement. Lors de la dernière sortie, Benchikha a fait sortir Yebda et Boudebouz. Ils sont excellents, mais ils ne s’entendaient pas sur le terrain.
Les professionnels ne pourront jamais jouer autant de matchs avec les locaux, comme vous le prônez.
Les professionnels viendront quand ils le pourront. Ce n’est pas un match ou deux par an qui va faire améliorer la cohésion entre les joueurs, comme on le constate actuellement. Il faut imposer les conditions d’accès à l’EN. Les professionnels qui les acceptent seront les bienvenus. L’Equipe nationale doit être au-dessus de toute considération.
Les responsables de la fédération viennent de convaincre Feghouli de porter le maillot vert, quel est votre commentaire ?
Je n’ai pas eu l’honneur de voir Feghouli à l’œuvre. Je ne le connais pas. Je fait remarquer que ce n’est pas parce que un pro marque un but ou fournit une bonne prestation dans un match qu’on court le chercher. Certains professionnels ont un bon rendement avec leur club, mais rarement avec les Verts. Il faut bien superviser un pro avant de le convoquer, et s’il le mérite, qu’il soit le bienvenu.
Et si on revenait un peu à ce match qui attend notre Equipe nationale ?
J’ai beaucoup d’appréhensions avant ce match. Il risque d’être décisif. Les statistiques sont en faveur du Maroc. N’importe quel joueur marocain est capable de faire basculer le match à lui seul. Il y aura aussi le soutien du public. On ne doit pas fuir la vérité. La seule issue est la victoire, le nul n’arrange aucune équipe. Le problème, c’est que nous ne sommes pas habitués à gagner à l’extérieur. Malgré tout, on doit rester optimistes.
Croyez-vous aux chances des Verts ?
Les résultats des équipes qui composent le groupe de l’Algérie se ressemblent. Il reste quelques matchs à jouer. On doit battre le Maroc, par la suite on jouera en Tanzanie. Je dis seulement que la mission sera difficile. En football, tout peut arriver.
D’aucuns imaginent que le sélectionneur va prôner un schéma défensif, cela risque de ne pas lui profiter, n’est-ce pas ?
Le principal, c’est de gagner. Peu importe la manière. Benchikha a déjà étudié le jeu des Marocains et il va agir en conséquence. Le match sera tactique et mettra en valeur l’intelligence des coachs.
Un conseil à donner à l’Equipe nationale ?
Les joueurs et le staff technique sont plus à même de savoir ce qui les attend. Si j’ai un conseil à donner, c’est d’éviter de laisser des espaces dans les 20 premières minutes du match.
L’absence de nombreux joueurs marocains va sans doute avantager les Verts…
Nos joueurs doivent éviter de tomber dans ce genre de piège. On ne rencontre pas une équipe, mais une sélection. Et les Marocains disposent d’un riche effectif.
Serez-vous présents à Marrakech ?
Oui, je voyagerai le jour du match et rendrai visite aux joueurs pour les motiver.
Quel est votre commentaire à la suite de la qualification de la JSK et du MCA dans les différentes compétitions africaines ?
Cela prouve que le joueur algérien est en mesure de se transcender dans les moments décisifs. Je profite de l’occasion pour féliciter les responsables de ces deux clubs.
Suivez-vous le championnat d’Algérie ?
J’ai suivi le match CRB-JSK et je crois que si le match se rejouait 100 fois, la JSK ne perdrait pas par ce score. L’effet de la fatigue était très visible, même si je ne veux pas minimiser la victoire du Chabab. Je sais aussi que le MCA et l’USMA souffrent dans les profondeurs du tableau, mais je reste persuadé que ces deux équipes sauront s’en sortir.