Ma fille fait plus que son âge

Ma fille fait plus que son âge

En raison d’une croissance rapide, elle a déjà l’air d’une vraie femme, mais ce n’est encore qu’une enfant dans sa tête. Comment l’aider à bien vivre ce décalage ?

Elle semble décalée par rapport aux élèves de sa classe

Ses copines lui arrivent à l’épaule et quasi tous les garçons font bébé à côté d’elle ! Cela risque-t-il de la traumatiser ? « Il existe toujours des élèves qui profitent du moindre prétexte pour se moquer de leurs camarades, mais cela questionne surtout les parents, observe Dr Annie Birraux, pédopsychiatre et psychanalyste. Que leur enfant ne soit pas dans la norme peut réveiller des angoisses chez certains, qui ont peur qu’il ne parte dans la vie avec un handicap. Leur inquiétude peut se révéler contagieuse. »

Comment l’aider à s’ajuster ? « Il ne faut pas chercher coûte que coûte à la rassurer, en lui faisant croire que les autres enfants la rattraperont tôt ou tard, et que ce n’est qu’un mauvais moment à passer, conseille la pédopsychiatre. Mieux vaut être dans un discours de vérité : “Ce corps qui change, et pas toujours comme tu l’espères, c’est le tien, et tu ne le choisis pas. A l’âge adulte, certaines se plaindront de leur nez, d’autres de leurs cheveux… C’est comme cela, on est bien obligé de s’habituer à la réalité de son corps. »

Dans les transports, au cinéma, elle se fait traiter de menteuse quand elle dit qu’elle a moins de 12 ans !

« Les modifications rapides de son corps déstabilisent fortement la fillette, qui n’a pas forcément la maturité psychologique pour les assumer, rapporte la pédopsychiatre : ce reflet dans la glace, est-ce bien moi ? Alors, quand elle croise le regard incrédule d’un inconnu, pire, d’un proche (« Ah, c’est toi, je ne t’aurais pas reconnue ! »), cela la renforce dans ce sentiment angoissant. »

Comment l’aider à s’ajuster ? « Si votre fille vous rapporte cet incident, c’est plutôt bon signe, fait remarquer Annie Birraux. Cela signifie qu’elle n’en a pas honte, et qu’elle peut se permettre d’en parler avec vous. Profitez-en pour lui expliquer que cette expérience fait partie des petites épreuves qui construisent, que la vie n’est pas toujours juste, que la confiance entre deux individus n’est pas innée. Et surtout, qu’il est toujours très difficile de deviner l’âge de quelqu’un. C’est pour cela que la carte d’identité existe ! »

Dans la rue, elle se fait accoster par des garçons plus âgés

Avant de taxer illico ces dragueurs de « pervers », il est bon de se poser quelques questions. Ne s’habille-t-elle pas trop sexy ? Emprunte-t-elle vos vêtements ? Fume-t-elle ? « Peut-être veut-elle jouer à la femme, avance la pédopsychiatre. Montrer son corps, c’est d’abord le découvrir soi-même, sans toujours penser aux regards des autres. » D’autant que les codes vestimentaires des collégiennes (leggings moulants, semelles compensées, ongles faits…) peuvent rapidement brouiller les codes.

Comment l’aider à s’ajuster ? « Votre fille n’étant pas consciente de son image et du jeu social, il est bon de l’aider à réfléchir sur les réactions qu’elle peut susciter chez les garçons et les hommes, et les dangers d’une séduction mal maîtrisée, recommande Annie Birraux. Sans craindre ensuite d’exprimer sa désapprobation, voire l’interdiction : «  Tu n’as peux pas aller habillée comme cela à l’école, qui est un lieu de travail. ». A bannir : les reproches (« Tu le cherches bien ! ») ou le plaisir non dissimulé (« Si tu étais moche, ils ne te regarderaient pas ! »). Le tout est de se montrer pédagogue tout en favorisant sa féminité naissante. « La mère peut également s’interroger sur, ce qui dans l’attitude de sa fille, la renvoie à sa propre féminité, à son âge, afin d’éviter toute projection narcissique sur sa fille », analyse la pédopsychiatre.

J’ai tendance à trop la responsabiliser

Sa maturité physiologique peut en effet nous amener à la considérer comme une « grande ». « Erreur, met en garde Annie Birraux. Votre fille peut être tout à fait avancée sur le plan physique ou intellectuel et réagir « comme une enfant ». C’est le cas, par exemple, si elle ne sait pas encore bien maîtriser ses affects, parvient difficilement à rester toute seule sans être angoissée, ou a du mal à se soumettre aux codes de la vie en société. Autant de comportements caractérisant d’une immaturité émotionnelle. Si elle adopte ce type d’attitude infantile, alors il faut encore la considérer comme une petite ».

Comment l’aider à s’ajuster ? En lui confiant des responsabilités adaptées à son âge, comme mettre le couvert, faire de petites courses, gérer son argent de poche ou s’occuper du chat. « Lui demander de garder son petit frère, de s’occuper de la maison ou de rentrer seule le soir après le cinéma risque de la mettre en échec, avertit la pédopsychiatre. Responsabiliser son enfant, ce n’est pas le mettre en situation d’assumer des responsabilités qui nous incombent. »

Et si elle en joue ?

« Même si elles affirment le contraire, ou s’agacent d’être prises pour ce qu’elles ne sont pas, beaucoup de fillettes aiment jouer les grandes, constate le Dr Annie Birraux. Elles peuvent y trouver certains bénéfices, comme lire de la fierté dans le regard de ses parents, ou obtenir des compensations intéressantes, comme des autorisations de sortie. Les pré-ados sont en réalité dans un entre-deux : ce ne sont plus des bébés mais pas encore des femmes. Elles oscillent entre nostalgie de l’enfance et envie de grandir. C’est un temps d’incertitudes et d’espérances pendant lequel elles tâtonnent, font des expériences… y compris relationnelles ! »