Réunion des ministres des AE de l’UMA en février prochain.
Les Algériens qui sont en droit de s’interroger de quoi sera fait cette nouvelle année qui vient de commencer, sont aujourd’hui situés. Intervenant hier sur les ondes de la Chaîne III, le ministre des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci, a indiqué que 2012 sera une année «phare» en matière de mutations politiques en Algérie. Mais que l’on ne se méprenne pas sur les propos du chef de la diplomatie algérienne.
L’annonce qu’il vient de faire ne signifie pas pour autant que seule une catégorie d’Algériens sera touchée par les changements qui découleront des mutations politiques en cours. En effet, et contrairement à ce qu’elle aurait pu laisser croire, les acteurs de la scène nationale ne seront pas les seuls à être touchés. Ainsi, précisera M. Medelci, les réformes politiques engagées « ne signifient pas uniquement le changement du cadre juridique, mais également les décisions prises par le gouvernement pour améliorer le cadre de vie des citoyens ». C’est dire que la portée de la démarche initiée dans le sillage du discours du 15 avril 2011, et qui est toujours en cours de réalisation, ne sera pas circonscrite au seul volet politique. En effet, sera-t-il souligné, l’Algérie qui a recouvré sa stabilité est en mesure de passer à une autre étape. Celle de la consolidation et du confortement de cette stabilité par la prise de décisions qui « sont de nature à donner à cette stabilité une assise plus large qui consiste à faire participer le citoyen aux élections». En réalité cette volonté d’associer le citoyen, réitérée et soulignée par le chef de la diplomatie algérienne, était palpable depuis avril dernier. L’on se souvient de l’importance accordée par le Chef de l’Etat dans son discours à la démocratie participative et à la nécessité, désormais, d’associer la société civile à la gestion de la collectivité locale. C’est du reste dans ce contexte que les assisses sur le développement local ont été organisées.
L’idée était de réunir, dans un cadre organisé, Exécutif, élus et représentants de la société civile et du mouvement associatif en vue d’émettre des propositions formulées en recommandations qui ont été transmises au premier magistrat du pays. Des recommandations dont certaines seront « exploitées » dans le cadre des nouveaux textes de loi qui seront élaborées dans le futur, nonobstant le fait que la prochaine révision de la Constitution devrait donner lieu à l’amendement d’autres textes juridiques pour les rendre compatibles avec les aspects de la nouvelle Constitution. Des précisions qui tombent à point nommé pour resituer le contexte général dans lequel évoluera l’Algérie en 2012. Mais ce qui est le plus significatif dans cette intervention du ministre des Affaires étrangères, c’est qu’il a évoqué tous les sujets pour lesquels l’Algérien manifeste régulièrement de l’ intérêt. Et c’est tant mieux. Car ce cadrage, ou recadrage selon les thèmes évoqués, ne peut qu’être bénéfique et ce, d’autant que souvent il est fait le reproche à nos gouvernants de ne pas s’exprimer sur l’actualité nationale. Un déficit qui ne manque pas de servir d’argument à des analyses et des thèses du genre que celles que le chef de la diplomatie a réfutées et selon lesquelles les réformes politiques initiées par l’Algérie «sont dictées par la con- joncture régionale» à la lumière des événements survenus dans certains pays arabes. Or, sera-t-il rappelé, «il s’agit d’une volonté exprimée bien avant ‘le printemps arabe’ pour aller vers des réformes profondes et avancer plus vite».
Nadia kerraz
L’année de toutes les réformes
“Les réformes seront le maître mot de l’année 2012». C’est en ces termes que s’est exprimé Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, hier, sur les ondes de la Chaîne III de la radio nationale.
Economiques, sociales et, récemment, politiques, ces réformes engagées par le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, s’inscrivent, selon le chef de la diplomatie algérienne, dans la logique d’une stabilité multidimensionnelle. La nouvelle année sera sans doute «phare du point de vue des mutations liées au cadre juridique dans lequel nous évoluons les uns et les autres.» Mieux, la démarche du Chef de l’Etat va, dit-il, « au-delà du cadre juridique ».
Les décisions prises par le gouvernement pour améliorer le cadre de vie des citoyens en sont le meilleur exemple. Satisfait des résultats enregistrés, le ministre aspire à d’autres réalisations. «Il faut toujours mieux et toujours plus», a-t-il déclaré .
Les réformes sont-elles garantes d’un meilleur avenir politique du pays ? Affirmatif, M. Medelci assure que « l’Algérie a recouvré sa stabilité, et il est aujourd’hui nor- mal qu’elle soit confortée par des décisions de nature à lui donner une assise plus large en faisant participer les citoyens.» Sur la prochaine révision de la Constitution, l’invité de la radio estime qu’elle donnera lieu à «l’amendement d’autres textes juridiques pour les rendre compatibles avec les aspects de la nouvelle Constitution.» Enchaînant, le chef de la diplomatie a catégoriquement réfuté l’idée selon laquelle les réformes politiques sont dictées par la crainte du prin- temps arabe.
C’est «injuste», estime- t-il . Et d’ajouter : « Il s’agit d’une volonté exprimée bien avant « le printemps arabe » pour aller vers des réformes profondes et avancer plus vite».
Interrogé sur la crainte de fraude exprimée par certains partis en dépit des garanties fournies par l’Etat, le ministre souligne qu’elle «est loin d’être une fatalité. Il faut la gérer, ni la surestimer, ni la sous-estimer.» Plus loin encore, le ministre a fait savoir qu’en matière d’organisation des élections et de système de surveillance, l’Algérie est considérée comme un pays très avancé.
M. Medelci a mis en avant, à cet égard, les «progrès» enregistrés, citant plus particulièrement l’accès des représentants de partis ou de candidats aux procès-verbaux établis à la fin des opérations de vote. «C’est un progrès énorme qui permet de faire tous les contrôles possibles et d’aller vers des recours plus facilement», a-t-il estimé, ajoutant qu’ «aujourd’hui, nous avons avancé avec des commissions présidées par des magistrats ou composées exclusivement de magistrats». Aussi, au lieu de se focaliser sur cette crainte, le ministre des Affaires étrangères pense qu’il est plus judicieux d’«identifier les po-ches de fraude possibles et de faire en sorte que, par une vigilance accrue, nous puissions éviter le développement de la fraude.»
Concernant le fait que les législatives du printemps prochain seront marquées, comme les précédentes, par la présence d’observateurs étrangers, Medelci est on ne peut plus explicite : «Pour être juste il faut être en mesure de pouvoir restituer la vérité telle qu’elle s’est déroulée et elle doit être appréciée par des Algériens et des étrangers.»
Dans le même ordre d’idées, le chef de la diplomatie algérienne a annoncé qu’une mission de précurseurs de l’Union européenne se rendra prochainement en Algérie «pour se rendre compte de l’état de préparation institutionnelle et organisationnelle du prochain scrutin.»
Le ministre souligne que l’Algérie a donné «un préavis de quatre mois à l’UE» et «nous devons avoir son accord de principe et c’est à partir de là que nous allons, probablement au courant de ce mois ou au plus tard au début du mois prochain, commencer le processus qui va nous conduire à la signature d’un mémorandum d’entente préalable à l’observation».
« Cette même démarche », ajoute le ministre, « sera suivie avec l’ONU, la Ligue arabe, l’Union africaine et l’OCI ». Dans ce contexte il rappellera que la venue de ces observateurs a été soutenue par le Chef de l’Etat pour qu’ils puissent «travailler en toute liberté et se déplacer avec les effectifs qu’ils peuvent déployer sans contrainte aucune.»
Lutte contre le terrorisme, montée de l’islamisme…
Au cours de son intervention, M. Medelci a également indiqué le fait que l’Algérie, qui a livré, seule, une bataille contre le terrorisme, «est prête à partager son expérience avec les autres mais elle n’a pas de leçons à recevoir.» Sur sa lancée, il affirme que «la communauté internationale ne peut pas ne pas tenir compte de l’histoire, et l’histoire a été douloureuse dans notre pays.»
Quant à la réconciliation nationale, elle a, aux yeux du ministre, « clarifié les choses et tracé des lignes rouges qui sont respectées par les lois algériennes, y compris celles qui viennent d’être adoptées.»
Interrogé sur la montée de l’islamisme politique dans certains pays arabes, il a con-sidéré que ce phénomène «n’est pas nouveau.»
Catégorique, il précise le fait que l’Algérie est désormais sortie de la spirale infernale de la violence. «Nous sommes aujourd’hui dans un système politique ouvert qui exclut l’utilisation de l’islam comme fonds de commerce électoral, mais qui n’exclut pas que beaucoup de partis de tendance plus proche de ce qu’on peut appeler un parti islamiste, sont agréés par le gouvernement algérien et sont actifs au niveau du Parlement.»
Fouad Irnatene
Réunion des ministres des AE de l’UMA en février
L’émergence des partis islamistes au niveau de la région du Maghreb, la sécurité en Libye, la question syrienne et les relations entre l’Algérie et les pays européens ont été largement évoqués hier matin sur les ondes de la radio de la Chaîne III par le ministre des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci, dans l’émission « Invité de la rédaction ».
Pour ce qui concerne l’islamisme politique au Maghreb, le ministre des AE a précisé que cette donne est connue pour la région et en particulier pour l’Algérie. Evoquant la situation en Libye, le ministre des Affaires étrangères a affirmé que les choses avancent correctement dans ce pays. Même si les institutions ne sont pas complètement mises en place, le gouvernement existe. « C’est un pays qui a subi une épreuve extrêmement importante et qui est en train d’aller, courageusement, vers la construction. Le plus important est que des institutions sont en train d’être mises en place, des institutions avec lesquelles nous sommes en contact et nous le serons davantage dans les prochains mois parce que nous pensons que c’est un pays qui a besoin de notre aide, pour conduire cette phase de transition. Et l’Algérie est disposée et disponible à le faire».
S’agissant de la Tunisie, le chef de la diplomatie algérienne a affirmé que ce pays « fort de ses acquis démocratiques et de ses institutions, donne l’exemple aujourd’hui d’un pays qui est en train de réussir ses mutations». Tout en évoquant les excellents rapports qui existent entre l’Algérie et la Tunisie, et tous les autres pays du Maghreb, M Medelci indique que « les mutations qui ont eu lieu dans les pays arabes, et les pays du Maghreb en particulier, ne peuvent que nous encourager à aller plus vite et mieux dans la construction de l’Union du Maghreb arabe ». Il a annoncé dans ce contexte qu’une réunion regroupant les ministres des Affaires étrangères de l’Union du Maghreb arabe (UMA) aura lieu à la fin du mois de février prochain au Maroc. M. Medelci a indiqué que les pays de l’UMA sont appelés à œuvrer pour établir une «cohérence» entre leurs politiques économiques et sociales.
«L’UMA est une construction qui passe par une nouvelle organisation de nos rapports, une modification de certaines de nos institutions et la création de nouveaux mécanismes», a souligné le chef de la diplomatie algérienne, citant particulièrement l’exemple de la banque maghrébine qui sera opérationnelle courant 2012. Interrogé, d’autre part, sur une éventuelle réouverture des frontières avec le Maroc, M. Medelci a relevé que la fermeture des frontières entre «deux pays frères n’a jamais été considérée comme une décision définitive», précisant que «le rapprochement qui s’opère depuis plusieurs mois avec le Maroc plaide pour une normalisation des relations à terme avec ce pays». S’agissant de la Libye, M. Medelci a indiqué que les frontières avec ce pays n’ont pas été fermées, mais plutôt «surveillées pour être mieux sécurisées» en attendant que «les frères libyens se dotent de capacités à même de pouvoir con-trôler leurs frontières».
Redoubler d’efforts dans le cadre des pays du champ
Au sujet de la situation sécuritaire dans le Sahel, le chef de la diplomatie a mis l’accent sur le processus qui existe au niveau des pays du champ (Algérie, Mali, Niger, Mauritanie), et dans lequel la Libye va être probablement intégrée. « Ce processus doit être évalué et renforcé. Il est consolidé par des visites extrêmement importantes et par des commissions mixtes extrêmement fréquentes ces derniers temps ».
M. Medelci a insisté par ailleurs sur «l’important travail qui est en train de se faire» en matière de coopération dans la lutte antiterroriste entre les pays du champ et les partenaires étrangers. «Nous devons simplement veiller à ce que cette action monte en cadence le plus rapidement possible et ne pas baisser la garde jusqu’à l’éradication totale du terrorisme, et d’autres fléaux sociaux tels que la drogue, le trafic d’armes…», a-t-il souligné. Toujours sur cette question du risque au niveau du Sahel, M. Medelci a précisé que ce dernier peut se transformer en action de déstabilisation. « Il y a lieu de redoubler d’efforts dans le cadre des pays du champ pour faire face à ce genre de tentative ».
Syrie : laisser place au dialogue
Sur la question syrienne, le ministre des Affaires étrangères a indiqué que l’appel au cessez-le-feu lancé par le secrétaire général de la Ligue arabe pour mettre fin à la violence en Syrie doit être entendu et respecté par les parties au conflit pour laisser la place au dialogue. «Nous avons aujourd’hui la quasi-certitude que la violence en Syrie émane de plusieurs parties, et nous souhaitons que l’appel au cessez-le-feu lancé par le secrétaire général de la Ligue arabe soit entendu pour laisser la place au dialogue, car la persistance de la violence n’est dans l’intérêt de personne », affirme-t-il.
Dans ce con-texte, il précisera, au sujet de l’équipe des ob- servateurs de la Ligue arabe qui séjourne depuis une dizaine de jours en Syrie, que celle-ci devrait permettre une évaluation «plus crédible» de la situation dans ce pays. «Il est prévu que durant les prochains jours, nous puissions faire une évaluation sur la base du rapport de la mission, qui sera transmis au secrétaire général de la Ligue arabe», a-t-il ajouté. Pour ce qui est de la réaction du gouvernement syrien à l’appel du SG de la Ligue arabe, M. Medelci a répondu: « Le gouvernement syrien fait beaucoup d’efforts dans ce sens. Il intervient dans des conditions très difficiles et nous percevons de maniè- re très concrète ces efforts ».
Des avancées importantes avec l’UE
Au chapitre des accords de partenariat avec l’Union européenne, M. Medelci a été catégorique en ce qui concerne le démantèlement tarifaire qui fait l’objet, depuis une année, de plu- sieurs rounds de négociations, avec l’objectif de rétablir quelques droits de douane pendant une période déterminée et faire en sorte que (le dé-lai pour) la zone de libre-échange qui était prévue en 2016 ou 2017 puisse être prolongé jus- qu’en 2020. «Nous avançons dans ce sens et nous formulons l’espoir que lors de nos prochaines réunions, ces avancées deviennent encore plus importantes pour aboutir à un accord définitif», a-t-il plaidé. Qualifiant les relations avec l’UE d’ «extrêmement importantes» dans leur densité au triple plan politique, économique et humain, M. Medelci a affirmé que l’Algérie «est un des pourvoyeurs les plus importants, les plus sérieux et les plus sûrs de l’UE en matière d’énergie».
Et d’ajouter: «Au plan politique, nous sommes aujourd’hui plus attentifs à l’opportunité que nous offre la nouvelle politique de voisinage, avec l’espoir que les nouvelles conditions pourront permettre à l’Algérie d’adhérer à cette politique rénovée ». Au sujet de la question liée à la circulation des personnes de l’Algérie vers l’Europe, M. Medelci a fait remarquer que «ce dossier avance à un rythme très lent».
Considérer définitive-ment l’accord de 1968 comme un acquis
Appelé par ailleurs, à se prononcer sur l’accord algéro-français de 1968, M. Medelci a indiqué que cet accord fait l’objet, depuis plus d’une année, d’une procédure d’évaluation au niveau des ministères des Affaires étrangères des deux pays.
Il a estimé, à ce propos, que 2012 sera l’année qui devrait permettre de «considérer définitivement l’accord de 1968 comme étant un acquis sur lequel nous n’avons pas à revenir. Par contre, il y a une certaine évolution positive du droit commun français dont bénéficient tous ceux qui ne sont pas Algériens et dont devraient pouvoir bénéficier les Algériens à l’avenir», a encore précisé le ministre, tout en réaffirmant sa détermination à ce que cet accord soit « préservé» pour «faciliter et améliorer les conditions de séjour de la communauté algérienne en France».
Sarah SOFI